Vice-championne du monde de ski halfpipe en 2013, AnaĂŻs Caradeux vient d’annoncer la fin de sa carrière Ă l’âge de 28 ans. Elle revient pour nous sur les raisons de cette dĂ©cision ainsi que sur sa carrière marquĂ©e par deux participations aux Jeux Olympiques, en 2014 Ă Sotchi et en 2018 Ă Pyeongchang.
Anaïs, tu viens de mettre un terme à ta carrière à l’âge de 28 ans. A quel moment as-tu pris cette décision et pourquoi ?
J’ai pris cette décision au début du mois de janvier. J’étais en Suisse et on a eu deux semaines de neige incroyable. J’étais très excitée tous les jours d’aller rider de la poudreuse avec mes amis. Une fois la neige partie, il a fallu que je retourne dans le pipe m’entraîner pour les Championnats du monde de fin janvier. Je me suis alors rendue compte que je n’étais plus du tout dedans et que je n’avais plus envie de faire de pipe. J’ai vu ma différence d’attitude entre les journées où j’allais skier de la poudreuse et les journées où j’allais m’entraîner dans le pipe. Je me suis alors dit que c’était le moment d’arrêter. Quand on n’a plus l’envie, il ne faut pas pousser !
Avais-tu préparé ta reconversion durant ta carrière ? As-tu déjà des projets pour la suite ?
Oui. J’ai un Master 1 en communication et marketing. J’ai fait un premier DUT à l’IUT d’Annecy, enchaîné sur une licence. Après, je suis partie sur un Master mais il n’était pas vraiment adapté à ce que je cherchais. C’était un peu trop répétitif par rapport aux études que j’avais faites auparavant et j’ai alors arrêté. Cet été, je vais faire une formation professionnelle sur la Suite Adobe et la communication marketing en ligne. J’essaie aussi de faire une reconversion en backcountry et en freeride.
Revenons sur les grands moments de ta carrière. En 2006, pour ta première participation à une épreuve de Coupe du monde, tu as gagné aux Contamines. Raconte-nous comment tu as vécu cette journée ?
C’était il y a bien longtemps et je ne me souviens plus très bien (rires) ! Au début, je devais être seulement ouvreuse car j’étais trop jeune : pour participer aux Coupes du monde, il faut avoir au minimum 16 ans. Mais un autre athlète, un garçon, avait le même âge que moi et avait été autorisé à courir la course. Mon coach avait alors dit que si un garçon pouvait le faire, une fille pouvait le faire. Comme il a vu que j’avais le niveau pour concourir avec les autres filles, il a poussé pour que j’entre dans la compétition.
Un souvenir concerne mon coach. Il avait toujours une fiole de génépi dans sa poche. Juste avant de concourir, il nous disait de rincer notre bouche et de cracher l’alcool pour je pense enlever un peu la peur. Je me rappelle aussi que le pipe n’était pas super et qu’il fallait slalomer un peu entre les trous à l’époque ! A part ça, je me souviens avoir été très contente d’être là -bas et me dire que c’était vraiment ça que je voulais faire.
Tu es devenue vice-championne du monde en 2013. Avec le recul, considères-tu que c’est le plus beau souvenir de ta carrière ?
C’est l’un des plus beaux souvenirs de ma carrière. J’adorais le pipe et j’arrivais à monter très haut. J’ai eu un déclic lors de cette compétition sur ma première figure, le 900. Le fait de progresser est mon plus beau souvenir sur ce Championnat du monde. Plus que les podiums, ce sont vraiment les progressions que j’ai faites au fil des années qui m’ont marquée. Je pense que le plus beau souvenir de ma carrière est mon premier podium aux X Games, à Tignes en 2010.
Tu as participé en 2014 aux Jeux Olympiques de Sotchi, qui marquaient l’entrée du ski half-pipe au programme Olympique. Quels souvenirs gardes-tu de ces JO ?
Sotchi n’a pas été une superbe expérience pour moi. L’hiver précédent, j’étais montée sur le podium de toutes les compétitions que j’avais faites, et l’été précédent, j’avais gagné la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande. Je me sentais donc très bien. Mais trois semaines avant les Jeux, je me suis fait mal au genou gauche lors des X Games. J’ai alors enchaîné galère sur galère et je me suis un peu enfermée dans cette spirale. Je suis arrivée à Sotchi en béquilles et j’étais déjà diminuée. J’ai raté le premier entraînement. Au deuxième entraînement, ma coach n’a pas pu venir car elle n’avait pas le bon pass. Au troisième entraînement, il y avait beaucoup de brouillard et on ne voyait rien donc on n’avait pas pu vraiment s’entraîner. Je suis ainsi arrivée le jour de la compétition en étant très stressée. Je voyais mes concurrentes entourées de coachs, de préparateurs physiques et de préparateurs mentaux. Je me sentais vraiment seule. Ça m’a déstabilisée et je pense que la chute qui m’a empêchée de faire la finale est venue de là (neuvième des qualifications, Anaïs a dû déclarer forfait pour la finale à cause d’une chute sur la tête lors d’un des runs de qualifications, ndlr).
Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang en 2018, tu t’es qualifiée pour la finale mais tu as dû de nouveau déclarer forfait à cause d’une blessure à l’œil. On imagine que tu mis du temps à te remettre d’une telle déception ?
Oui. J’avais déjà mis du temps à me remettre de la déception des Jeux de Sotchi car je partais avec une vraie chance de médaille. Je m’étais vraiment mis comme objectif de prendre ma revanche à Pyeongchang. Mais pas mal de choses se sont encore mal passées. Je pense que c’est notamment lié au fait que les Jeux Olympiques sont une compétition très spéciale. On a quatre ans entre chaque Olympiade et tout se joue sur une journée. Je n’ai pas réussi à gérer ça. Je n’avais pas non plus des conditions que me permettaient de me sentir bien. J’en ai retiré aujourd’hui des conclusions qui m’ont fait grandir et ont aussi contribué à ma décision de prise de retraite. J’en avais assez de me battre !
Malgré ces deux expériences difficiles lors des Jeux Olympiques de Sotchi et de Pyeongchang, as-tu quand même l’impression d’avoir vraiment pu profiter de la magie Olympique ?
J’ai profité de l’engouement que les Jeux peuvent donner en tant qu’athlète. Les quatre années entre ces deux Olympiades ont été les plus dures de ma carrière. J’ai réussi à pousser sans sponsor, sans coach et sans vraie structure pour m’accompagner. Je suis fière d’avoir prouvé que j’avais la force mentale de continuer dans ces conditions. Sinon, je pense que les Jeux sont une très belle expérience pour trois athlètes, et une très grande déception pour le reste.
Ta carrière en Coupe du monde a duré entre 2006 et 2019. Peux-tu nous parler de l’évolution de ton sport pendant toutes ces années ?
Ça a énormément changé. Au tout début, c’était vraiment un groupe d’amis très soudés qui voulaient juste s’amuser en faisant du ski. Le niveau général des filles a énormément évolué. Je suis très fière d’avoir pris part à cette évolution et d’avoir contribué à créer quelque chose pour les générations futures. Aujourd’hui, c’est devenu un autre sport, un peu plus fédéral, plus structuré, et moins freestyle. Ça me convenait un peu moins !
Merci beaucoup Anaïs pour cette interview et bravo pour ta carrière !
CrĂ©dits photo 1 : L’Equipe
La carrière d’Anaïs Caradeux en quelques lignes :
Spécialiste du ski halfpipe, Anaïs Caradeux remporte sa première épreuve de Coupe du monde à l’âge de 15 ans, en 2006 aux Contamines. Elle remporte cette année-là le petit globe de cristal du halfpipe. En 2009, elle gagne la Coupe du monde de la Plagne. Elle brille aux X Games de Tignes étant 3e en 2010, 2e en 2011, 3e en 2012 et 2e en 2013. Elle devient vice-championne du monde en 2013.
Elle participe en 2014 aux Jeux Olympiques de Sotchi, qui marquent l’entrée du ski halfpipe au programme Olympique. Qualifiée pour la finale grâce à sa 9e place des qualifications, elle doit déclarer forfait à cause d’une chute sur la tête et termine ainsi 12e de la compétition. En 2015, elle termine 4e des Championnats du monde.
Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang en 2018, elle est 12e des qualifications et se qualifie ainsi en finale. Mais elle déclare forfait suite à une blessure à l’œil intervenue lors des qualifications. Après une 15e place aux Championnats du monde en 2019, Anaïs Caradeux annonce la fin de sa carrière à l’âge de 28 ans.
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