Il y a 10 ans jour pour jour, Julien Bontemps dĂ©crochait la mĂ©daille d’argent des Jeux Olympiques de PĂ©kin en planche Ă voile. A l’occasion de cet anniversaire, nous l’avons interviewĂ©. Il revient pour nous sur sa mĂ©daille, ses trois participations aux Jeux Olympiques et sur sa nouvelle passion, le foil.
Julien, tu as remporté la médaille d’argent des Jeux Olympiques de Pékin il y a exactement dix ans, en planche à voile. Raconte-nous tes souvenirs de cette journée ?
La nuit précédente, je n’ai pas beaucoup dormi parce que j’étais stressé par l’enjeu et par la journée qui allait arriver. J’étais premier au classement provisoire et il y avait donc une médaille d’or en jeu. Mais ce que j’avais en tête, c’était avant tout de remporter une médaille. Le classement était très serré : j’étais en tête, mais les quatre premiers étaient quasiment à égalité. Je pouvais tout perdre en une manche. Il y avait donc beaucoup de tension et d’enjeu.
Il n’y a pas eu beaucoup de vent pendant la journée. La manche a été assez difficile physiquement. Comme on était un peu en retard par rapport aux diffusions télé, la course a été raccourcie et on n’a eu qu’un seul tour à faire, ce qui n’arrive jamais (normalement, on fait deux tours). L’effort était donc beaucoup plus intense que d’habitude.
J’ai pris un départ plutôt correct. Après, je me suis un peu loupé et je me suis fait dépasser par le Néo-Zélandais, qui a fini 8 secondes devant moi à l’arrivée. Il est devenu champion Olympique et j’ai terminé deuxième. Quand j’ai passé la ligne, c’était incroyable ! Le staff et moi étions très contents ! Après, il y a forcément des gens qui voulaient la médaille d’or et m’ont demandé si je n’étais pas déçu. Je n’étais pas déçu parce que je visais la médaille avant tout. Le ministre m’attendait sur le ponton et j’ai reçu les félicitations de tout le monde. C’était assez incroyable. Pendant plusieurs semaines, les sollicitations n’ont pas arrêtées.
Raconte-nous un peu comment tu as vécu la période d’après médaille Olympique. As-tu retrouvé la motivation rapidement ?
J’ai vraiment savouré. C’est très difficile d’obtenir une médaille en voile car on n’a qu’une seule épreuve, contrairement à la natation par exemple. J’ai donc profité à 100%. Comme j’ai eu la médaille d’argent à 8 secondes de la médaille d’or, l’objectif sportif d’après s’est assez rapidement dessiné. La logique des choses était d’aller chercher la médaille d’or en 2012. Il n’y a donc pas eu de soucis de motivation. C’est revenu cinq ou six mois après.
Il s’agissait de tes deuxième Jeux Olympiques, après ceux d’Athènes en 2004 où tu avais terminé neuvième après une disqualification dans la première manche. Penses-tu que ton expérience difficile de 2004 t’a aidé à remporter cette médaille en 2008 ?
Ce n’est pas la mésaventure qui m’est arrivée à Athènes mais plutôt l’expérience des Jeux qui m’a aidé à avoir une médaille. Le contexte est particulier : il y a du monde et il y a pas mal de choses à gérer. En voile, l’épreuve dure une semaine, ce qui est assez long. Il y a une pression particulière, avec un seul représentant en voile par nation. Cela m’a aidé parce que j’avais déjà connu cette ambiance-là . Mais le contexte à la fin était assez différent. Une dernière manche sans espoir de médaille n’a rien à voir avec une dernière manche où tu peux être champion Olympique. En fin de compétition à Pékin, lorsque la pression était à son apogée, Athènes ne m’a donc pas du tout servi.
Lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012, tu as pris la cinquième place. Ces Jeux Olympiques étaient-t-ils plus difficile à préparer du fait que tu étais attendu avec ta médaille de Pékin et ton titre de champion du monde en 2012 ?
Non, pas du tout. Ce qui est paradoxal, c’est que si je compare toutes mes préparations Olympiques, c’est celle de Londres que j’ai le mieux réussie. Pendant la préparation Olympique de Pékin, je finissais mes études à Paris. Je passais le professorat de sport et j’ai passé deux ans et demi à l’INSEP. Pour un voileux, c’est quand même compliqué de s’entraîner à l’INSEP du lundi au vendredi. Du coup, ça avait été vraiment difficile d’avoir un volume de navigation correct par rapport à la concurrence étrangère. Et le résultat a été une médaille ! Alors qu’à l’inverse, j’avais mieux réussi la préparation de Londres. En termes de progression technique, j’avais vraiment passé un cap. Mais le résultat n’était pas aussi bon qu’à Pékin. Malheureusement, j’ai un peu joué de malchance sur Londres en cassant du matériel sur les deux premières manches. J’étais alors aux alentours de la quinzième place. J’ai remonté tous les jours au classement, jusqu’à terminer cinquième à quelques points du troisième.
Les compétitions de planche à voile se situent en général assez loin de la ville des Jeux Olympiques. Es-tu parvenu à chaque fois à bien sentir l’esprit Olympique malgré tout ?
Oui. A Athènes, on était au Village. A Pékin et à Londres, on était un peu loin. Lors des Jeux Olympiques de Pékin, j’ai fêté ma médaille avec tout le staff français à Qinqdao, la ville où on était. Il y avait un petit club France pour la voile. Après, je suis allé à Pékin. C’est vraiment là que je me suis rendu compte de l’envergure de l’événement. Je trouve qu’on ressent bien. Je n’ai pas vraiment vu de différence entre Athènes, où j’étais à l’intérieur, et Pékin ou Londres, où j’étais à l’extérieur.
Au cours de ta carrière en planche à voile, tu as notamment été quatre fois champion du monde, vice-champion olympique et double champion d’Europe. As-tu réalisé tous tes objectifs dans ta carrière ?
Pas tout à fait. J’ai repris la compétition cette année : pas en planche Olympique, mais sur un support à foil (aile profilée qui permet de voler, ndlr). Je suis sur un projet où je développe cette nouvelle planche, qui est pour moi le futur de la planche à voile. Je navigue en parallèle en compétition pour valider le matériel. Sur le circuit professionnel mondial, je suis cinquième et il reste une épreuve. Je peux encore espérer faire un podium sur la Coupe du monde !
Comment en es-tu arrivé à pratiquer le foil à haut niveau ?
Quand j’ai arrêté l’Olympisme en 2016, les constructeurs recherchaient des planchistes pour développer le foil. J’ai été sollicité, j’ai essayé et j’ai trouvé ça génial. Dans un premier temps, je voulais aider à développer cette planche. Puis je me suis laissé griser par ce support et je me suis inscrit sur le circuit professionnel cette année.
Pour l’instant, le foil n’est pas un sport Olympique. As-tu comme espoir qu’il intègre le programme Olympique et que tu puisses y participer de nouveau ?
L’objectif est effectivement qu’il soit Olympique. Je travaille pour ça avec NeilPryde. En novembre, la Fédération Internationale va nous donner le cahier des charges de ce qu’elle souhaite comme support pour les Jeux de Paris 2024. Il y aura alors deux solutions : soit la planche actuelle est reconduite pour les Jeux de 2024, soit la Fédération Internationale souhaite qu’il y ait un nouvel équipement. Dans ce cas-là , on proposera un support à foil. Je travaille à développer un support le plus adapté et le plus sympa possible pour les Jeux Olympiques.
C’est difficile de dire si ce sera un objectif sportif pour moi. J’aurais quand même 45 ans en 2024 et c’est un peu difficile de me projeter. Pourquoi pas ? Je peux faire une partie de l’Olympiade. Mais honnêtement, ce n’est pas mon objectif. On verra !
Merci beaucoup Julien d’avoir répondu à ces questions !
Crédits photos : AFP (photos 1 et 2)
La carrière de Julien Bontemps en quelques lignes :
Spécialiste de planche à voile, Julien Bontemps décroche son premier titre de champion du monde en 2004. Lors des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, il est disqualifié de la première manche et termine la compétition à la 9e place. L’année suivante, il devient de nouveau champion du monde.
Il remporte la médaille d’argent lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Après un titre de champion du monde en 2012, il prend la 5e place des Jeux Olympiques de Londres 2012. En 2014, il décroche son quatrième titre de champion du monde.
Il arrête la planche à voile Olympique en 2016 et se lance ensuite dans le foil. Aujourd’hui âgé de 39 ans, Julien Bontemps fait partie des meilleurs mondiaux en foil.
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