Lila Meesseman-Bakir a été sélectionnée dans le duo français de natation synchronisée lors des Jeux Olympiques de Pékin, en 2008. Dans cette interview, elle revient sur cette expérience des JO conclue à la onzième place, et nous en dit plus sur sa passion ainsi que les raisons de l’arrêt de sa carrière, en février dernier.
Lila, peux-tu tout d’abord nous présenter ta discipline et nous expliquer comment se passe une compétition de natation synchronisée ?
« La natation synchronisée est un sport olympique depuis 1984. C’est une discipline très complète qui allie force, puissance, technicité et grâce… Pour être le plus performante possible, il nous faut toucher à beaucoup d’autres sports comme la natation course pour l’endurance, la danse pour la souplesse et la technique, la musculation pour la force, l’acrosport pour les portés en équipe… En gros, on fait beaucoup de choses, ce qui représente beaucoup d’heures d’entraînement, jusqu’à huit heures par jour en stage !
Les compétitions sont composées de plusieurs épreuves : le solo, le duo, l’équipe et le combiné (qui est une toute jeune épreuve arrivée dans nos bassins en 2003). Pour les trois premières épreuves, un programme technique (avec des éléments techniques imposés) et un programme long sont réalisés aux éliminatoires. Pour la finale (à douze), seule l’épreuve libre est re-nagée. »
En 2008, tu as participé aux Jeux Olympiques de Pékin. Cette compétition a-t-elle été à la hauteur de tes attentes ?
« Les Jeux Olympiques de Pékin sont un souvenir vraiment magique pour moi. Nous avons énormément travaillé avec Apolline (ma duettiste) tout au long de l’année pour atteindre notre objectif, qui était d’entrer en finale. Nous étions à la treizième place mondiale toute l’année et nous sommes arrivées onzième aux Jeux. C’était notre médaille d’or à nous, surtout dans notre discipline où la hiérarchie mondiale est très établie.
L’expérience olympique ne se résume pas seulement aux quinze jours des Jeux mais à tout le travail qui est fourni en amont… C’est très dur, mais tellement plaisant ! C’est la plus grande expérience sportive et humaine que j’ai pu vivre ! »
Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ? Et le pire ?
« Mon meilleur souvenir… Disons que j’en ai deux en fait : Les Jeux Olympiques de Pékin avec la grandeur de l’événement, la réalisation de ce rêve suprême. Et les Championnats du monde de Rome en 2009, où nous arrivons septième en équipe : ma meilleure performance avec l’équipe de France, une explosion de joie, un pur moment de bonheur !
Mon pire… Mes blessures, mon dos qui m’a tellement fait souffrir depuis 2006, mes infiltrations et mes plâtres pour essayer de calmer le tout… et forcément mon arrêt dû à cette blessure en février 2010 ! »
Parle-nous un peu de ton duo avec Apolline Dreyfuss… Est-elle devenue pour toi plus qu’une partenaire sportive ? Quelle est l’influence des relations dans un duo de natation synchronisée ?
« Les coachs ont formé notre duo en septembre 2006. Je connais Apolline depuis 2001, nous étions au CREPS et au club d’Aix-en-Provence ensemble, mais en fait, je ne la connaissais pas plus que ça.
Nous avons petit à petit construit notre histoire et construit une très forte amitié. Nous avons souffert ensemble mais aussi beaucoup ri. Comme on s’amuse de le dire, on est comme un petit couple, avec des engueulades et des rigolades !
Je pense que cette complicité est importante pour former un duo en natation synchronisée. On s’entraîne beaucoup, on peut passer plus de trente heures par semaine ensemble. En tout cas, personnellement, je trouve ça primordial autant sur le plan personnel que technique. Je pense que ça facilite le travail des entraîneurs : il y a plus d’échange entre nous, tout devient plus simple à caler. Et puis c’est fabuleux de partager des expériences comme les Jeux avec une personne qu’on adore ! »
La natation synchronisée est peu médiatisée, notamment par rapport à la natation. As-tu souffert de ce manque de reconnaissance ?
« Le manque de médiatisation est difficile pour nous. Nous sommes un sport visuel, nous nageons pour donner du plaisir aux spectateurs en plus du notre, pour la beauté du geste, mais les médias n’accrochent pas. Je pense que c’est surtout dû à cette hiérarchie très établie. Il y a peu de suspense dans les compétitions et je crois que les médias n’aiment malheureusement pas beaucoup ça ! C’est dommage… Je pense que la « nouvelle » épreuve, le combiné, est l’avenir de la synchro : beaucoup plus visuel, dix nageuses dans l’eau en enchaînant solo, duo, équipe pendant cinq minutes, c’est plus dynamique. Quand le règlement sera très bien établi, ce sera peut-être la future épreuve olympique !
Les sponsors ne sont pas non plus très intéressés par nous et pourtant notre image pourrait être utilisée de différentes manières… Je pense que le jour où l’équipe de France sera sur les podiums internationaux, tout cela changera, en tout cas je l’espère ! »
Tu as arrêté ta carrière en début d’année, à 22 ans. Peux-tu nous expliquer les raisons qui t’ont poussée à prendre cette décision si jeune ?
« L’arrêt de ma carrière n’a pas été une décision facile à prendre. Je me suis blessée au mois d’octobre au dos (j’ai une hernie et un spondylo). On a essayé différentes choses : le repos, les infiltrations, le corset… mais la douleur était toujours très présente, au point d’avoir mal en faisant du rétropédalage (la base de notre sport) et en montant les escaliers… Ca été un peu de trop, je pense que je suis allée au bout de ce que mon corps pouvait supporter. J’ai la carrière dont j’ai toujours rêvé et j’en suis très fière, même si une médaille internationale me manquera toujours, et j’ai fait le choix de protéger ma santé… Mais je ne claque pas la porte du sport, c’est toute ma vie et j’espère pouvoir m’y investir différemment dans le futur ! »
Comment vois-tu ton futur ? Souhaites-tu rester dans le monde de la natation synchronisée ? Les entraînements ne te manquent pas trop ?
« On a beau en avoir marre de souffrir aux entraînements, de se faire mal et de devoir se lever le dimanche quand on a entraînement… Oui, les entraînements me manquent énormément ! J’apprends surtout à organiser tout le temps que j’ai maintenant !
Je suis actuellement en master 1 à l’INSEP en management des organisations sportives, et dans ce cadre en stage à la Fédération Française de Canoë-Kayak, au secteur événement. J’adore ça, j’apprends beaucoup de choses, j’espère pouvoir travailler plus tard dans l’organisation des événements sportifs.
J’espère aussi pouvoir transmettre tout ce que j’ai appris durant ma carrière. J’ai passé mon BEESAN (diplôme qui permet d’enseigner la natation, ndlr) il y a quelques années, donc j’espère pouvoir maintenant m’en servir, entraîner et aider des championnes en herbes ! »
Merci beaucoup Lila pour ta gentillesse et bonne reconversion !
La carrière de Lila Meesseman-Bakir en quelques lignes :
Lila Meesseman-Bakir participe à ses premiers Championnats du monde en 2005, à Montréal, où elle termine 8e par équipe et 10e en duo. Deux ans plus tard, lors des Championnats du monde de Melbourne, elle termine 6e en combiné, 12e en équipe et 16e du duo.
En 2008, elle est sélectionnée avec Apolline Dreyfuss pour former le duo français aux Jeux Olympiques de Pékin. Elles prennent la 11e place de la compétition.
Lors des Championnats du monde de Rome en 2009, elle termine 8e du duo et 7e par équipe. Gênée par des douleurs, Lila Meesseman-Bakir décide en février 2010 de mettre à terme à sa carrière, à l’âge de 22 ans.
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