Il y a exactement 10 ans, Mathieu Bozzetto remportait la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Vancouver en snowboard. Pour sa quatrième participation aux Jeux Olympiques et après avoir arrêté sa carrière deux ans auparavant, il réussissait son défi. Il revient pour nous sur ses souvenirs de Vancouver et nous parle de sa reconversion.
Mathieu, vous avez remporté il y a 10 ans la médaille de bronze du slalom parallèle lors des Jeux Olympiques de Vancouver 2010. Cette médaille était-elle à l’époque l’accomplissement d’un rêve ?
Elle en faisait partie. Ce n’était pas l’accomplissement ultime, mais c’était une des choses qui manquaient à mon palmarès et que j’espérais avoir. J’avais été tellement « gâté » par mes victoires en Coupe du monde que ma carrière était pour moi déjà tout à fait honorable. Beaucoup d’athlètes misent tout sur une médaille Olympique parce que leur carrière à côté est moyenne. Ils essaient donc de faire un coup de poker. Ce n’était pas du tout mon cas. J’avais eu une jolie carrière dans laquelle tout s’était bien passé pour moi, même si je n’avais pas gagné de médaille aux Jeux malgré plusieurs participations. Cette médaille à Vancouver était vraiment la cerise sur le gâteau.
Les conditions à Vancouver étaient difficiles avec peu de visibilité et malgré tout vous avez réussi à décrocher cette médaille. Racontez-nous comment vous avez vécu cette journée il y a 10 ans ?
C’est vrai que c’était une journée un peu dantesque. Il avait neigé toute la nuit et il y avait de la poudreuse sur la piste quand on est arrivé le matin. Après, il s’est mis à pleuvoir pendant la course et il y avait un jour blanc. C’était un peu compliqué !
Quand je suis arrivé, je me suis dit que ça allait vraiment être une journée horrible. En effet, je faisais partie des athlètes qui ont besoin d’avoir une bonne vision et une bonne sensibilité de la piste pour pouvoir performer. Mais tout de suite, je me suis rassuré en me disant qu’avec l’expérience que j’avais, cela pouvait être un avantage pour moi. Plus on a d’années d’expérience, plus on est habitué à jouer avec tous les types de conditions de neige et de temps, et plus on est à même de se fondre dans les éléments. Je me suis donc dis que ce n’était pas grave et que ces mauvaises conditions pouvaient peut-être m’amener autre chose. Finalement, ça s’est bien passé et je m’en suis pas mal sorti avec ces mauvaises conditions ! Je pense que mon expérience m’a un peu aidé à m’adapter à ces conditions de neige compliquées.
Vous aviez mis un terme à votre carrière en mars 2008, avant de revenir à la compétition plus d’un an après pour un ultime défi aux Jeux Olympiques de Vancouver. Racontez-nous un peu comment cette décision de revenir a été prise ?
Elle a été prise par le plus grand des hasards, lorsque j’étais à Val d’Isère pour les Championnats du monde de ski en février 2009. Je venais de m’installer dans le sud de la France, où j’avais monté une entreprise avec un associé. Mais les conditions météorologiques y étaient alors catastrophiques et je ne pouvais pas travailler en extérieur. Du coup, comme j’avais travaillé pendant trois ans avec le Comité d’organisation pour avoir ces Championnats du monde, j’ai dit à mon associé que j’allais monter à Val d’Isère pour aller voir les deux dernières disciplines restantes. J’avais alors oublié que le snowboard existait. J’avais changé de vie et j’étais passé à autre chose.
En voyant l’événement, ce public, cette belle organisation et cette belle compétition, je me suis dit qu’on se croyait aux Jeux Olympiques. Et en parlant de ce mot, je me suis rappelé que c’était dans 12 mois pile ! J’ai alors pensé que ce serait bon d’y retourner pour essayer de remporter une médaille. Tout est parti comme ça. Ça s’est accéléré à une vitesse folle dans ma tête ! A un moment donné, quelqu’un m’a proposé de monter sur le plateau de France Télévisions. J’ai accepté. Le journaliste Alexandre Boyon m’a demandé si ça me donnait envie d’y retourner. J’ai répondu : « oui, ça me donne envie et je pense que je vais y aller ! ». Ma mère regardait la télé et était complètement étonnée que je puisse prendre une telle décision en deux secondes, alors que j’avais réorienté ma vie !
Quatre ans auparavant, vous aviez terminé quatrième aux Jeux Olympiques de Turin 2006 suite à une casse de fixation. On imagine que cela avait été difficile de se remettre d’un tel coup du sort à l’époque ?
C’est sûr que ce n’était pas facile à l’époque, surtout que ça ne m’était jamais arrivé et que je n’avais jamais vu personne d’autre casser deux fixations en même temps dans le même virage. Mais si on s’arrête à tout ce qui nous arrive, on ne fait plus rien dans la vie. Je n’aime pas trop garder en mémoire les souvenirs délicats et pas agréables. Ça a été dur mais je l’ai ensuite balayé en pensant à autre chose.
Vous avez disputé en tout quatre éditions des Jeux Olympiques : Nagano 1998, Salt Lake City 2002, Turin 2006 et Vancouver 2010. Quelle est l’édition qui vous a le plus marqué ?
C’est Vancouver qui m’a le plus marqué. L’organisation a été phénoménale. Il y avait une ferveur populaire extraordinaire. Les Canadiens sont des sportifs et sont des gens biens. Ils voulaient faire bonne figure vis-à -vis des Etats-Unis et ils ont vraiment organisé des gros Jeux. Et bien sûr, le fait de ramener une médaille était super sympa ! C’était vraiment de très beaux Jeux Olympiques.
Turin n’était pas terrible. On était dans un Village Olympique excentré, on ne voyait pas grand-chose et on n’avait pas l’impression d’une grande dimension comme peuvent l’être les Jeux Olympiques. Salt Lake City était juste après le 11 septembre et on était gardés comme si on était des diamants ou de l’or. C’était aussi très compliqué de vivre les Jeux. Nagano n’était pas non plus des grands Jeux. Vancouver m’a donc le plus marqué !
Depuis la fin de votre carrière en 2010, quelles ont été les grandes lignes de votre reconversion et que devenez-vous aujourd’hui ?
J’ai fait plusieurs choses. J’ai ouvert une société dans le sud, spécialisée dans la vente et l’importation de matériel lié au monde de la piscine. J’étais associé avec une personne qui travaillait là -dedans. J’avais même commencé avant les Jeux Olympiques de Vancouver. J’ai seulement fait une pause pour les JO et après j’ai recommencé. Sinon, j’ai fait des séminaires à Val d’Isère et un travail d’accompagnement de personnes dans la station et dans le monde du ski. J’ai aussi continué à travailler pour des chaînes comme BeIn Sports, France Télévisions et Orange pour faire des commentaires sportifs.
Maintenant, j’ai complètement changé mon fusil d’épaule : j’ai arrêté tout ce que je faisais et je suis parti en Chine comme entraîneur d’une des deux équipes nationales de snowboard. L’objectif est les Jeux Olympiques de Pékin 2022.
Les gens vous parlent encore aujourd’hui de votre médaille olympique ?
Oui. C’est incroyable ! Dernièrement, je suis allé à la pharmacie et on m’a demandé mon nom. Quand je l’ai donné, la personne a dit : « ah, comme le champion ». J’ai répondu que c’était moi et elle a dit qu’elle se souvenait très bien de moi. J’étais estomaqué ! L’année dernière, j’étais en Slovénie avec l’équipe de Chine et on a été arrêté par la gendarmerie pour un excès de vitesse effectué par l’un des conducteurs de bus. Au bout d’un moment, ils nous ont demandé nos passeports. Quand le gendarme a vu le mien, il a reconnu mon nom ! On était en plein milieu de l’autoroute en Slovénie ! Quand j’arrive dans un endroit, il n’y a pas marqué mon nom sur mon front. Mais quand je dois le donner, ça arrive régulièrement qu’on m’en parle.
Vous avez vécu l’entrée du snowboard aux Jeux Olympiques en 1998, et vous êtes toujours dans le milieu en tant qu’entraîneur de l’équipe chinoise. Quelles ont été selon vous les principales évolutions de votre sport depuis vos débuts ?
Il y a eu deux évolutions principales au niveau du sport en lui-même. D’abord, on concourrait aux premiers Jeux en géant sur deux manches, alors qu’on est passé au géant parallèle depuis 2002 et les Jeux de Salt Lake City. Ensuite, il n’y a désormais plus de manche aller-retour. Avant, on échangeait de parcours pour avoir une équité parfaite. Mais pour des raisons de timing télévisuel et pour que ça aille plus vite, il n’y a maintenant qu’une seule manche. Le premier en bas a gagné. Ça a un peu baissé en qualité sportive mais ça a augmenté le niveau visuel et la compréhension.
En ce qui concerne le matériel, les athlètes ont désormais des fusées sous les pieds. On a affaire à des snowboards qui ont des performances complètement hallucinantes. Même moi qui suis ancien athlète et qui suis dans le milieu depuis 30 ans, je suis très impressionné quand je suis sur le bord de la piste.
Enfin, un grand changement concerne l’équipe de France. Jusqu’à Salt Lake City 2002, la France était la meilleure nation du snowboard alpin. Il ne reste aujourd’hui qu’un seul Français sur la Coupe du monde. C’est le désert absolu ! C’est vraiment triste. Les Italiens viennent régulièrement me voir et me disent : « Mathieu, mais qu’est-ce-qui se passe en France ? ». En Italie, en Allemagne et en Autriche, ça marche très fort. Mais en France, le snowboard alpin ne passe plus. C’est dramatique mais c’est comme ça. Il y a des raisons à ça. Des mauvais choix ont été faits au niveau de la Fédération. Même en freestyle, on n’a quasiment plus aucun représentant. Heureusement, il reste une équipe de boardercross qui n’est pas trop mauvaise !
Merci beaucoup Mathieu pour votre disponibilité et bonne chance pour la suite !
La carrière de Mathieu Bozzetto en quelques lignes :
Spécialiste du snowboard alpin, Mathieu Bozzetto participe à ses premiers Championnats du monde en 1997 (4e du slalom géant). Il prend la 5e place des Jeux Olympiques de Nagano 1998 en slalom géant. Il devient ensuite deux fois vice-champion du monde du slalom parallèle (1999 et 2003) et remporte deux fois le globe de cristal du vainqueur du classement général de la Coupe du monde (1999 et 2000).
Lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002, il termine 6e du slalom géant parallèle. En 2006, il frôle la médaille aux Jeux Olympiques de Turin 2006 et se classe 4e suite à la casse d’une fixation. Il décide en mars 2008 de mettre un terme à sa carrière, marquée par 35 victoires en Coupe du monde.
Il revient sur le circuit fin 2009. Pour son dernier défi, il participe aux Jeux Olympiques de Vancouver et remporte la médaille de bronze du slalom géant parallèle. Il arrête alors définitivement sa carrière. Aujourd’hui âgé de 46 ans, Mathieu Bozzetto est entraîneur d’une équipe nationale chinoise.
Participations aux Jeux Olympiques de Nagano 1998, Salt Lake City 2002, Turin 2006 et Vancouver 2010
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Vancouver 2010 (slalom géant parallèle)
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