Nina Kanto fait partie des piliers de l’Ă©quipe de France fĂ©minine de handball. Sa participation aux Jeux Olympiques de PĂ©kin en 2008, la nouvelle saison de la Ligue FĂ©minine de Handball, son double rĂ´le de mère et de sportive de haut niveau… Elle se confie pour interviewsport.fr !
Nina, la nouvelle saison a débuté au début du mois. Depuis 2004, votre club de Metz a remporté sept des huit derniers titres de champion de France ainsi que les sept dernières Coupes de la Ligue. Après avoir gagné autant de titres, n’y-a-t-il pas une certaine lassitude qui s’installe ?
Il n’y a aucune lassitude car les années ne se ressemblent pas. Notre équipe change beaucoup tous les ans. On a environ cinq départs pour cinq arrivées, donc ce n’est pas du tout le même jeu qui est produit. On change aussi d’entraîneur parfois. Cette saison, le championnat va être très relevé. Je pense que toutes les équipes peuvent prétendre au titre. Avec le système des play-offs, c’est complètement différent : je pense qu’on reste quand même la meilleure équipe ou l’une des meilleures du championnat de France sur la régularité, mais les play-offs, c’est l’opportunisme ! Il faut aussi savoir qu’il y a beaucoup d’internationales à Metz, ce qui risque d’être un désavantage du fait du Mondial et de l’année olympique. En effet, beaucoup de joueuses sont sollicitées, donc ce n’est pas évident pour préparer le collectif. Mais la motivation est là , sinon j’arrêterais de m’entraîner ! Chaque titre a sa saveur !
Vous évoluez depuis l’an 2000 à Metz. Qu’est-ce qui vous plaît autant au sein de de club ?
Ce qui me plaît à Metz, ce sont les valeurs. C’est un club qui est beaucoup porté sur l’aspect collectif. Ce qui me déplaît aujourd’hui dans le haut niveau, c’est qu’on essaie toujours de sortir des individualités. Or, on ne fait pas un sport individuel ! A Metz, par exemple, on est championne de France depuis belle lurette mais on n’a jamais été la meilleure attaque : c’est la défense qui est très importante dans ce club.
Thierry Weizman (médecin du club de Metz, ndlr) est arrivé l’année où je pense que j’aurais pu partir à l’étranger. C’est quelqu’un en qui j’ai confiance. Ce club est comme une grande famille pour moi aujourd’hui. Au niveau du suivi médical, il n’y a pas mieux. Comme je le dis souvent, pourquoi quitter Metz si c’est pour rester en France ? Le mieux, ce serait plutôt d’aller à l’étranger. Mais j’ai privilégié l’aspect familial : aujourd’hui, j’ai mon enfant, mon mari, et je vis ma passion à fond.
Je me sens vraiment bien à Metz car ce sont des valeurs qui correspondent à ma personnalité, c’est-à -dire l’humanité, le travail et le courage. J’aime représenter les choses qui me ressemblent !
Depuis 2002, vous comptez plus de 120 sélections en l’équipe de France. Quel est votre meilleur souvenir avec les Bleues ?
C’est paradoxal, mais mon meilleur souvenir est en même temps mon pire souvenir : c’est le quart-de-finale contre la Russie aux JO de Pékin. C’était un très grand moment de handball (malgré un match exceptionnel, la France a été éliminée après deux prolongations et une performance arbitrale discutable, ndlr). Je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi fort au niveau de l’adrénaline ! La déception aussi a été énorme ! Voilà , c’est paradoxal, mais ça reste mon meilleur moment ! Il y aussi le match France-Cameroun en 2005 qui pour moi aura toujours une saveur particulière. Mais sportivement parlant, c’est vraiment ce quart-de-finale contre les Russes. C’était très relevé et je garde plein d’étoiles dans les yeux des JO !
Avec un peu de recul, ces JO de Pékin et cette cinquième place sont-ils un bon souvenir ou un souvenir amer ?
C’est un souvenir de revanche. Ça laisse un goût d’inachevé. On a vraiment envie d’y retourner et de faire mieux !
En 2005, vous étiez capitaine lors d’un match contre le Cameroun, pays où vous êtes née. Comment avez-vous vécu ce match si particulier de l’intérieur ?
J’avais l’impression d’avoir le corps et le cœur partagés en deux. Oui, je joue en équipe de France depuis des années et j’aime chanter la Marseillaise, mais je suis née au Cameroun et j’ai perdu mon papa à l’âge de quinze ans. C’était un honneur pour moi de pouvoir jouer contre ce pays parce que quelque part, je me sentais aussi un petit peu Camerounaise. En plus avec le fait d’être capitaine, ça a été un moment émotionnellement vraiment très fort et un grand moment de bonheur ! J’avais très peur que ça soit mal pris par certains compatriotes, mais finalement, après sondage, les gens ont compris : j’ai grandi en France, je suis née au Cameroun, je suis franco-camerounaise !
Vous avez donné la naissance à votre fils en 2010. Concilier vie de mère et handball de haut niveau est-il particulièrement difficile ?
C’est très difficile ! On est mère, on est femme de quelqu’un et on est sportive de haut niveau. Physiquement, c’est dur. Mais ce qui a été le plus difficile pour moi est émotionnellement, à chaque fois que je laisse mon fils. J’ai encore beaucoup de mal à gérer l’éloignement. Je suis partagée entre ce sentiment de culpabilité et le fait de me dire que c’est mon travail et que ce n’est pas parce que je joue avec un ballon que je vais m’amuser. Donc pour moi, c’est surtout l’aspect émotionnel qui est difficile.
Physiquement, on ne dort pas. Je suis « sur les rotules » depuis deux ans, mais je pense que toutes les mamans vivent un peu ça, avec des métiers différents. Là où c’est plus difficile, c’est que c’est un métier qui demande d’être vraiment bien physiquement : quand on manque de sommeil et de récupération, ça joue forcément un peu sur les performances. Mais l’arrivée de mon fils est mon moteur, mon essence, mon rayon de soleil ! Avant, j’avais toujours à cœur d’être la meilleure et de tout gagner. Son arrivée m’a fait relativiser les choses : oui, je me bats toujours pour gagner mais je sais que le handball reste le handball. Le jour de la naissance de mon fils est incomparable par rapport à tous les titres que j’ai pu remporter. Ça permet de garder les pieds sur terre et de garder un bon contact avec le monde réel. Parce que dans le handball, on est tellement chouchouté qu’on est dans une bulle. Tout est accessible et le jour où on se retrouve dans la vraie vie, ça peut faire mal !
L’année prochaine ont lieu les Jeux Olympiques de Londres. Vous y pensez tous les jours ?
Oui ! C’est dans ma tête et j’y pense depuis Pékin. C’est pour ça que j’ai donné naissance à mon fils en 2010. Bien sûr, c’est aussi grâce à la chance parce qu’on ne tombe pas enceinte quand on veut, mais c’était vraiment dans l’optique d’être présente à Londres. Je vais donc me battre dans la course pour les Jeux Olympiques car les places sont chères. Je laisserai mon fils et ma famille pour quelques breloques !
Merci beaucoup Nina pour votre gentillesse et bonne saison !
Crédit photos : femmesdedefis.com (première photo de Stéphane Pillaud, Sportissimo)
La carrière de Nina Kanto en quelques lignes :
Evoluant au poste de pivot, Nina Kanto est formée à Noisy-le-Grand. En 2000, elle rejoint le club de Metz. Elle est sélectionnée en équipe de France pour la première fois en novembre 2002.
Depuis 2000, Nina Kanto a remporté un nombre impressionnant de titres avec Metz. Elle devient ainsi 8 fois championne de France de France (en 2002, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2011) et remporte six fois la Coupe de la Ligue (toutes les saisons depuis 2005 sauf en 2010 où elle a eu un enfant). Elle remporte aussi la Coupe de France en 2010. A titre individuel, elle est élue meilleure pivot du championnat de France en 2009.
En parallèle, elle poursuit une brillante carrière en équipe de France. Elle remporte la médaille de bronze au Championnat d’Europe 2006 et finit 5e du Championnat du monde 2007 disputé en France. En 2008, elle est sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Pékin. La France est éliminée en quarts-de-finale par la Russie et prends finalement la 5e place de la compétition. Agée de 28 ans, Nina Kanto compte plus de 120 sélections en équipe de France et vise désormais une qualification aux JO de Londres 2012.
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