Alors que la course en ligne dames des Championnats du monde a lieu demain, Edwige Pitel a eu la gentillesse d’accorder un entretien exclusif Ă interviewsport.fr. Ses objectifs pour la course de demain, en passant par son expĂ©rience aux JO d’Athènes et son futur, Edwige Pitel prouve que le cyclisme fĂ©minin français ne se rĂ©sume pas Ă la seule Jeannie Longo.
Edwige, vous avez été sélectionnée pour les Championnats du monde qui ont lieu en ce moment à Mendrisio, en Suisse. Quels y sont vos objectifs ?
« Puisque la deuxième place française sur le chrono n’a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă aucune fille, alors que logiquement elle me revenait sur les rĂ©sultats de l’annĂ©e, je me suis concentrĂ©e depuis trois mois sur la course en ligne oĂą j’espère faire un top 10 (la course a lieu demain, samedi 26 septembre, ndlr). C’est un profil difficile, très vallonnĂ©, avec 2200 m de dĂ©nivelĂ© sur 125 km, ce que j’ai essayĂ© de reproduire sur des compĂ©titions mixtes tout l’Ă©tĂ© en marge du circuit international fĂ©minin. »
Cette année, vous ne pouvez pas participer à toutes les épreuves de Coupe du Monde malgré votre bon classement à l’UCI… Pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison ?
« Pour prendre le dĂ©part d’une Ă©preuve de Coupe du Monde, il faut faire partie d’une Ă©quipe UCI ou de l’Ă©quipe nationale. Mon Ă©quipe UCI a jetĂ© l’Ă©ponge en fĂ©vrier pour manque de budget alors qu’ils nous avaient fait signer des contrats quatre mois plus tĂ´t en le sachant. Quand je l’ai appris, il Ă©tait trop tard pour nĂ©gocier avec une autre Ă©quipe : effectifs complets, budget clos, contraintes UCI Ă respecter… Quant Ă l’Ă©quipe de France, soit elle n’Ă©tait pas au dĂ©part, soit je n’y Ă©tais pas sĂ©lectionnĂ©e parce-qu’on nous oblige Ă courir avec des pĂ©dales qui m’ont dĂ©jĂ blessĂ©e une annĂ©e complète. Donc on peut très bien avoir 0 point UCI et faire toutes les Coupes du Monde, ou inversement, ĂŞtre bien classĂ©e individuellement et rester Ă la maison quand mĂŞme ! »
Vous avez participé aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Quels souvenirs en gardez-vous ?
« Un super souvenir de par le melting pot de tous les sportifs au village olympique et l’accès aux autres compĂ©titions que les siennes en tant que spectateur pendant la pĂ©riode des JO. CĂ´tĂ© rĂ©sultat sportif, je suis restĂ©e sur ma faim, car j’ai Ă©tĂ© trop entreprenante trop tĂ´t dans la course et il m’a manquĂ© un rien de luciditĂ© au moment oĂą le bon coup est parti. Du coup, mon classement ne reflète pas la forme que j’avais ce jour-lĂ . Avec le recul, c’Ă©tait aussi un manque d’expĂ©rience des courses en ligne internationales car je sortais directement du duathlon Ă cette Ă©poque (sport combinant la course Ă pied et le cyclisme, ndlr). »
Les médias ont tendance à toujours mettre l’accent sur Jeannie Longo quand ils parlent de cyclisme féminin. N’est-ce pas agaçant pour vous, qui avez pourtant aussi un beau palmarès ?
« Quand Jeannie Longo fait des rĂ©sultats et qu’on parle d’elle, c’est tout Ă fait normal, je m’incline devant son palmarès et sa longĂ©vitĂ©. Mais quand, par pĂ©riode, elle n’est pas la meilleure française, et que les mĂ©dias nous zappent quand mĂŞme, avec le temps, ça en devient lassant, frustrant, blessant. »
Arrivez-vous à vivre du vélo, ou devez-vous travailler à côté ?
« Il n’y a pas d’argent dans le vĂ©lo fĂ©minin, Ă part quelques exceptions près. Aucune Française ne peut prĂ©tendre en vivre, en termes de salaire ou de primes de course.
Donc, moi aussi, je dois travailler Ă cĂ´tĂ©. Je suis informaticienne Ă la mairie de Grenoble d’octobre Ă avril plein temps, et libre le reste de l’annĂ©e pour la saison estivale. S’entraĂ®ner l’hiver, c’est donc très difficile en termes d’horaires, comme ça l’est Ă Grenoble en termes de climat. Finalement, j’en suis arrivĂ©e Ă ne faire que de la piste et du VTT Ă cette pĂ©riode. Le vĂ©lo de route, je ne le reprends qu’en mars depuis deux saisons. »
Vous avez 42 ans… Qu’est-ce qui vous pousse à repartir chaque année dans le cyclisme avec toujours autant de conviction ?
« J’adore le sport en gĂ©nĂ©ral et le vĂ©lo en particulier. Cette vie d’athlète de haut niveau continue Ă me plaire. Dès que j’ai le temps de m’entraĂ®ner, je vois que je suis toujours au niveau, et avoir Ă©tĂ© privĂ©e des JO de PĂ©kin injustement m’empĂŞche de baisser les bras pour l’instant. Pourtant, depuis deux ans, il y a eu beaucoup de moments oĂą j’ai eu envie de tout envoyer balader, car en plus des embuches personnelles que j’ai rencontrĂ©es, je trouve que le cyclisme fĂ©minin va de plus en plus mal. Pas d’argent, des contraintes UCI trop fortes pour le cyclisme fĂ©minin, des Ă©quipes qui n’arrivent pas Ă survivre, de plus en plus d’Ă©preuves qui disparaissent ou sont chaque annĂ©e rĂ©duites, un manque d’imagination dans les Ă©preuves filles au regard du calendrier masculin… Mais la passion est toujours lĂ et je tiens grâce Ă elle. »
Avez-vous déjà planifié une éventuelle retraite de coureuse cycliste ? Sinon, quels sont vos prochains objectifs ?
« J’ai dans la tĂŞte de prolonger jusqu’Ă Londres 2012 maintenant, mais je me projette annĂ©e par annĂ©e sur les objectifs Ă court terme, qui sont toujours les mĂŞmes : prioritĂ© aux championnats, France et Monde, sur la course en ligne et le contre la montre. Avec du plaisir aussi Ă l’entraĂ®nement en VTT et sur la piste. Et rĂ©integrer une Ă©quipe UCI pour avoir le choix de participer aux compĂ©titions dont le profil me convient et m’intĂ©resse ! »
Merci beaucoup Edwige d’avoir donnĂ© de votre temps juste avant une course majeure, et bonne chance pour les Championnats du monde de demain !
La carrière d’Edwige Pitel en quelques lignes :
Disposant d’un bon niveau en athlétisme (championne d’Europe de cross country par équipe en 1996) et en duathlon (championne du monde longue distance en 2000 et courte distance en 2003), Edwige Pitel est surtout connue aujourd’hui pour ses performances en cyclisme.
Elle est régulièrement sélectionnée pour les championnats du monde, que ce soit pour le contre la montre (avec notamment une dixième place en 2003, et une douzième place en 2005) ou pour la course en ligne (21e en 2007, 23e en 2004). En 2004, Edwige Pitel participe aux Jeux Olympiques d’Athènes : elle termine 20e du contre la montre et 32e de la course en ligne.
Au niveau national, elle a remporté deux titres de championne de France du contre la montre et un titre de championne de France de la course en ligne, auxquels il faut ajouter un titre de championne de France sur piste en scratch.
Aujourd’hui âgée de 42 ans, Edwige Pitel va tenter demain lors des Championnats du monde disputés en Suisse de rentrer dans le top 10 mondial.
Pour en savoir plus sur Edwige, visitez son site officiel : perso.numericable.fr/edwigepit
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