Il y a dix ans jour pour jour, SĂ©verine Vandenhende devenait championne olympique de judo. A l’occasion de cet anniversaire, interviewsport.fr vous propose de revenir avec elle sur ce titre remportĂ© aux JO de Sydney en 2000, mais aussi sur sa mĂ©daille d’or aux Championnats du monde de Paris en 1997. Sans oublier, bien sĂ»r, sa reconversion en tant qu’entraĂ®neur national.
Séverine, vous êtes devenue championne du monde de la catégorie des -61 kg en 1997, à Paris. A l’époque, vous attendiez-vous un peu à remporter ce titre ou alors cela a été une surprise totale ?
« Durant la saison, j’avais battu des filles fortes de la catĂ©gorie. Je venais de faire troisième aux Championnats d’Europe, donc je savais que mon niveau pouvait me permettre d’accĂ©der au podium. On a toujours envie de gagner quand on est en compĂ©tition. A 23 ans, il s’agissait de mon premier Championnat du monde : j’avais un statut outsider et je m’Ă©tais dit qu’une place sur le podium, ça serait gĂ©nial.
Au fur et mesure de la compĂ©tition, je me sentais de mieux en mieux et j’avançais combat par combat. Et puis, il y a la certitude d’ĂŞtre sur le podium après avoir gagnĂ© la demi-finale… Cela peut ĂŞtre Ă double tranchant : laisser filer le titre car trop de relâchement, ou au contraire ĂŞtre l’outsider qui va saisir sa chance sans complexe. J’ai eu la chance de monter sur la plus haut marche du podium Ă Paris pour un Championnat du monde, et ça, c’est magique ! »
Avant ce titre, vous aviez vécu plusieurs années dans l’ombre de Cathy Fleury. Comment avez-vous vécu cette période ?
« Dans l’ombre de Cathy Fleury, comme vous dĂ®tes, oui et non… Je sortais des juniors, oĂą j’avais rĂ©alisĂ© quelques belles performances. Cependant, ĂŞtre performante en seniors prend parfois un peu de temps. MĂŞme si effectivement, j’ai rapidement fait quelques belles performances en seniors, il ne faut pas oublier que Cathy Ă©tait championne du monde et championne olympique. En m’entraĂ®nant au quotidien avec elle, j’ai pris conscience qu’il y avait beaucoup de travail Ă fournir pour atteindre son niveau. Paradoxalement, ĂŞtre numĂ©ro 2 derrière Cathy m’a sĂ»rement permis de progresser plus vite. Ce fut un mal pour un bien ! »
En 2000, vous avez été championne olympique des -63 kg à Sydney. Etait-ce la réalisation d’un rêve pour vous ?
« Tout sportif de haut niveau rĂŞve d’ĂŞtre un jour champion olympique… C’est le titre suprĂŞme ! Ce titre a pour moi une saveur particulière. J’Ă©tais remplaçante en 1996 pour les JO d’Atlanta (derrière Cathy) et je m’étais dit : « ce n’est pas grave, tu seras championne olympique Ă Sydney ». Entre temps, j’ai subi deux opĂ©rations (une Ă l’Ă©paule en 1998 et une au genou en 1999) et j’ai fait un Championnat du monde catastrophique en 1999, donc forcĂ©ment, ce rĂŞve olympique semblait s’Ă©loigner peu Ă peu. L’annĂ©e 2000 m’a fait oublier 1999. Au fur et Ă mesure de la saison, j’ai repris confiance en moi et les rĂ©sultats ont suivi pour ĂŞtre au top le jour J. »
A ce moment-là de votre carrière, vous aviez donc déjà gagné les deux plus grandes compétitions mondiales. Cela n’a-t-il pas été trop difficile de se remotiver après Sydney ?
« J’ai certes pris le temps de savourer ce titre, mais le plaisir d’avoir retrouvĂ© mon meilleur niveau et le titre de championne d’Europe qui manque Ă mon palmarès m’ont vite fait reprendre l’entraĂ®nement. Je n’avais donc pas besoin de chercher plus loin une source de motivation. »
Malgré votre titre de championne olympique, vous êtes finalement restée peu connue du grand public. Avez-vous vécu cela comme une sorte d’injustice ?
« J’ai Ă©tĂ© très sollicitĂ©e durant les trois jours qui ont suivi mon titre. Cependant, lorsque David Douillet a Ă©tĂ© sacrĂ© pour la seconde fois, les mĂ©dias ne voyaient plus que lui… Sur le moment, cela m’a choquĂ©e, et puis je me suis dit qu’après tout, c’est notre sociĂ©tĂ© qui veut ça. Le judo est un sport qui n’est pas très mĂ©diatique et mĂ©diatisĂ©, mĂŞme si la France brille rĂ©gulièrement. Il faut donc multiplier les performances pour ĂŞtre reconnue et connue du grand public. Je n’ai pas vĂ©cu ça comme une injustice, car je suis consciente d’avoir Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©e en faisant une carrière de sportive de haut niveau et les injustices, je les rĂ©serve plus pour les faits divers… J’ai juste vĂ©cu quelques moments de frustrations que j’ai vite oubliĂ©s en Ă©tant avec ma famille et mes amis. »
Durant votre carrière, vous avez souvent été gênée par des blessures. Vous avez d’ailleurs arrêté votre carrière en 2003 à cause d’une blessure au genou. Aviez-vous auparavant déjà envisagé de mettre un terme à votre carrière ?
« Effectivement, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par les blessures et les opĂ©rations (une fois l’Ă©paule, trois fois le genou). Paradoxalement, la fois oĂą j’ai pensĂ© mettre un terme Ă ma carrière, c’est suite Ă l’Ă©chec du Championnat du monde de 1999, oĂą je me suis posĂ© des tas de questions car j’avais perdu plaisir, motivation et judo. D’une manière gĂ©nĂ©rale, chaque blessure m’a permis de revenir plus forte, hormis la dernière qui m’a fait mettre un terme Ă ma carrière car les circonstances Ă©taient diffĂ©rentes : je revenais de blessure, j’avais passĂ© des heures et des heures en rĂ©Ă©ducation, j’avais mis un peu plus de temps Ă retrouver mon niveau et Ă 29 ans, on rĂ©cupère moins vite. Mon corps m’a dit « stop » ! En parallèle, je prĂ©parais le professorat. J’ai donc fait le choix de me concentrer sur ma reconversion. »
Depuis votre fin de carrière, en 2003, quelles ont été les grandes lignes de votre reconversion et que devenez-vous aujourd’hui ?
« Durant ma carrière, j’ai passĂ© un DEUG et une licence STAPS. Pour la licence, j’ai pris l’option entraĂ®nement car après avoir eu des classes de collège pendant ma formation, je me suis rendue compte que je m’Ă©claterais plus dans l’entraĂ®nement que dans l’enseignement. J’ai donc passĂ© mon brevet d’Ă©tat, puis j’ai suivi la formation professorat de sport rĂ©servĂ©e aux sportifs de haut niveau. Et j’ai obtenu le professorat de sport en 2003.
A la suite de quoi, j’ai intĂ©grĂ© un pĂ´le France en tant qu’entraĂ®neur. Parallèlement, je m’occupais du national cadette pendant trois ans. Les trois annĂ©es suivantes, j’ai Ă©tĂ© entraĂ®neur des fĂ©minines Ă l’Institut du judo. Aujourd’hui, je suis entraĂ®neur national chez les jeunes fĂ©minines Ă l’INSEP. »
Actuellement, gardez-vous des contacts avec des judokas de l’équipe de France ? Si oui, quels sont ceux avec qui vous êtes la plus proche ?
« Dans la mesure oĂą je suis entraĂ®neur national, je suis avec les filles de l’Ă©quipe de France au quotidien. Certaines Ă©taient athlètes en mĂŞme temps que moi (CĂ©line Lebrun, FrĂ©dĂ©rique Jossinet, Lucie Decosse… toutes les anciennes !). Nous avons vĂ©cu pas mal de choses ensemble et ce qui est gĂ©nial, c’est qu’aujourd’hui, elles me voient en tant qu’entraĂ®neur. MĂŞme si nous rigolons parfois sur des anecdotes, elles savent faire la part des choses et me respectent sur le tapis.
Dans ma vie privĂ©e, j’ai quelques amis judokas qui ont fait un passage en Ă©quipe de France sans forcĂ©ment ĂŞtre titrĂ©s. En ce qui concerne l’Ă©quipe de France actuelle, il y a FrĂ©dĂ©rique Jossinet : nous Ă©tions proches athlètes, nous avons su garder et prĂ©server notre amitiĂ© lorsque j’ai arrĂŞtĂ©. On se voit rĂ©gulièrement en dehors des tatamis, il nous arrive mĂŞme de trouver le temps de passer quelques jours de vacances ensemble…
Quant aux judokas de l’Ă©quipe masculine de l’Ă©poque, on se croise rĂ©gulièrement Ă l’entraĂ®nement ou lors des compĂ©titions car de nombreux sont devenus entraĂ®neurs ! »
Merci beaucoup SĂ©verine d’avoir rĂ©pondu Ă ces questions !
La carrière de Séverine Vandenhende en quelques lignes :
Séverine Vandenhende est remplaçante lors des Jeux Olympiques d’Atlanta de 1996. En 1997, elle remporte à Paris le titre de championne du monde de sa catégorie, les -61 kg. Cette même année, elle obtient également la médaille de bronze aux Championnats d’Europe.
Elle atteint le sommet de sa carrière lors des Jeux Olympiques de Sydney : le 19 septembre 2000, elle devient championne olympique en -63 kg. Son année 2000 est aussi marquée par sa médaille d’argent aux Championnats d’Europe.
La suite de sa carrière est plus difficile : blessée, elle doit renoncer aux Championnats du monde de 2001. Suite à une autre blessure au genou, elle décide d’arrêter sa carrière en 2003, à l’âge de 29 ans. Depuis, elle est devenue entraîneur et est actuellement en charge des jeunes féminines à l’INSEP.
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