Suite de notre sĂ©rie consacrĂ©e aux mĂ©daillĂ©s des Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008 avec le gymnaste Thomas Bouhail. Vice-champion Olympique du saut de cheval il y a 10 ans, il a aussi Ă©tĂ© le premier gymnaste français champion du monde, en 2010. Il revient pour nous sur sa carrière ainsi que sur son poste d’entraĂ®neur de l’Ă©quipe de France.
Thomas, tu es devenu vice-champion Olympique au saut de cheval il y a 10 ans, lors des Jeux Olympiques de Pékin. A l’époque, cette médaille était-elle un objectif clair ou bien une belle surprise pour toi ?
Avoir une médaille Olympique est le rêve de tout sportif de haut niveau. C’était forcément un objectif, mais un objectif qui se rapprochait plus du rêve. J’étais vraiment l’outsider. Je n’avais pas remporté de médaille au saut de cheval auparavant (j’en avais eu une au sol, aux Championnats d’Europe l’année précédente). Je n’étais pas un prétendant au podium car il y avait de grandes pointures au saut de cheval à cette époque. Rentrer en finale était plus qu’une joie. Après, tout se jouait en finale. Je n’avais vraiment rien à perdre. J’ai eu la chance de monter sur le podium ! J’ai saisi l’opportunité.
Lors de cette épreuve, tu as eu le même nombre de point que le médaillé d’or et vous avez été départagé au règlement en cas d’égalité. Le fait de ne pas avoir été médaillé d’or dans ces conditions est-il un grand regret ?
Un grand regret, non, parce que je reste médaillé Olympique et c’est une fierté. Mais c’est vrai qu’une médaille d’argent n’est pas une médaille d’or. Avec le recul aujourd’hui, il y a un petit peu de regret, mais sans amertume.
Lors des Jeux Olympiques de Pékin, tu as aussi été finaliste du concours général individuel. On imagine que cela reste également un grand moment ?
Oui, cela a été une très belle expérience et j’ai eu le plaisir de pouvoir remonter sur les agrès Olympiques. J’ai participé à une compétition supplémentaire et cela m’a surtout permis de pouvoir refaire un saut de cheval avant la finale. D’ailleurs, sur ce concours général, je suis tombé au saut de cheval. Ça m’a remis « un petit coup de pied aux fesses » pour me reconcentrer pour la finale. J’ai vraiment passé un super moment à faire ce concours général. Mais j’étais plus spectateur qu’acteur et je suivais de très près Benoît Caranobe (médaillé de bronze lors de cette épreuve, ndlr).
La période d’après-médaille Olympique a-t-elle été difficile à gérer ? Ta motivation pour la gymnastique était-elle restée intacte ?
L’après-Jeux n’a pas du tout été difficile. Ça change forcément la vie, de par les sollicitations et la médiatisation que peuvent avoir les Jeux sur des sports comme les nôtres. Il y a eu beaucoup de sollicitations, que j’ai toujours faites avec plaisir et sans contrainte. Ça a été pour moi un réel tremplin à la performance. Ça m’a décomplexé. Après les Jeux, je n’avais qu’une envie : revenir très vite à la compétition et y retrouver des sensations de podium comme j’ai pu avoir en aux Jeux.
En 2010, tu es devenu le premier champion du monde français en gymnastique, au saut de cheval. Avec le recul, de quelle médaille es-tu le plus fier : celle de champion du monde ou celle de vice-champion Olympique ?
Les deux sont difficiles à obtenir. Ce n’était pas la même sensation. Aux Jeux Olympiques, j’ai eu des larmes de fierté. Ça a été très touchant humainement, de par l’événement en lui-même qui a lieu tous les quatre ans, et du fait que la médaille Olympique est le rêve de tous. Aux Championnats du monde, je n’ai pas eu ces larmes de joie mais le côté historique de la médaille m’a plu. Etre le premier gymnaste à ramener l’or mondial en France a été une fierté, d’autant plus que j’ai pu la partager avec mon entraîneur, qui m’avait entraîné depuis mon entrée à l’INSEP en 2001. Ce sont deux choses différentes !
Tu as remporté de nombreuses médailles en saut de cheval, qui est un agrès où tout se joue en quelques secondes. Comment te préparais-tu ?
Le saut de cheval, c’est 25 mètres d’élan, un saut qui dure une seconde, et il faut arriver debout. La préparation est simple : on travaille vraiment en amont la répétition, afin qu’on n’ait plus de question sur la technique et le saut et qu’on se pose uniquement la question de la réception. Avant de sauter, je réfléchissais juste à comment bien prendre la table pour m’envoler le plus haut possible et avoir le temps de voir le sol pour avoir la réception la plus parfaite possible.
En décembre 2011, tu t’es gravement blessé lors d’un entraînement et cela a mis un terme à ta carrière. As-tu aujourd’hui encore des séquelles de cette blessure ?
Oui, j’ai des séquelles à vie. J’ai un handicap permanent à la jambe. J’ai du mal à me déplacer et à marcher. Cela limite tout ce que je pouvais faire quand j’étais sportif ou même lambda dans la vie. C’est délicat de passer de sportif de haut niveau à personne à mobilité réduite. Le deuil est fait, mais cela a été un changement radical de vie qui a été très difficile.
Tu es actuellement entraîneur de l’équipe de France. Raconte-nous comment tu es arrivé à ce poste ?
Pendant ma carrière, j’ai entendu une phrase qui m’a marquée. Elle a été prononcée lors des Etoiles du sport par Benoît Eycken, cofondateur de cet événement. A l’époque, j’étais espoir et parrainé par Isabelle Séverino. C’était après les Jeux d’Athènes 2004. Lors du speech de départ, il a dit : « si un champion ne transmet pas son expérience, son expérience sera perdue ». J’ai toujours voulu redonner quelque chose à la gymnastique à la fin de ma carrière et ainsi faire mon devoir de champion. Je suis donc parti dans cette idée après mon accident, après quand même quelques années de reconstruction psychologique. J’ai suivi une formation faite à Paris par Denis Troch, qui regroupe tout ce qui est management humain, coaching et préparation mentale. Cette formation m’a permis d’arriver avec des outils. Mon entraîneur de l’époque était entraîneur national. Avant les Jeux Olympiques de Rio, je suis entré en équipe de France en tant que préparateur mental. Ça m’a permis de remettre un pied dans le gymnase. J’ai pris goût à l’entraînement, à donner des conseils et mon avis sur la technique, à orienter le gymnaste. C’est à ce moment-à , en 2014-2015, que j’ai voulu être entraîneur. J’ai donc passé le professorat de sport. Je suis aujourd’hui professeur de sport rattaché à la Fédération Française de gym et j’entraîne à l’INSEP. Je suis rentré dans le staff national et notre Directeur du haut niveau, Yann Cucherat, me fait confiance sur ces fonctions-là .
L’équipe de France de gymnastique masculine a pris la médaille de bronze des Championnats d’Europe il y a un mois. On imagine que cela a été une grande satisfaction et que cela te donne de la motivation pour préparer les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 ?
C’est sûr que ça a été une belle satisfaction, surtout pour les gymnastes, qui sont les premiers acteurs de cette performance. Quelque chose s’est créée lors de ces Championnats d’Europe. Je n’étais pas tout seul sur le plateau, il y avait aussi un entraîneur d’Antibes. On a créé le lien entraîneur-entraîné. Cela va vite : il faut donner le bon conseil au bon moment, les canaliser, les rebooster. Les gymnastes ont vraiment été à l’écoute lors de cette finale par équipe et le résultat a été une belle performance. La préparation Olympique prend forcément une autre tournure. Ça donne de la confiance et de l’ambition à toute l’équipe, et une motivation supplémentaire pour le staff.
Merci beaucoup Thomas pour ta disponibilité !
La carrière de Thomas Bouhail en quelques lignes :
Thomas Bouhail remporte son premier titre de champion de France en 2006, au sol. Il obtient l’année suivante la médaille d’argent des Championnats d’Europe au sol.
Aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008, il se distingue en remportant la médaille d’argent au saut de cheval. Il obtient en fait le même score que le premier, départagé seulement par la note d’exécution. Lors de ces Jeux Olympiques, il est également 8e par équipe et finaliste du concours général individuel.
Il confirme sa progression en 2009, en remportant le titre de champion d’Europe au saut. En 2010, il devient le premier champion du monde français de l’histoire en gymnastique, au saut de cheval. En 2011, il est de nouveau champion d’Europe au saut. Il se blesse ensuite gravement lors d’un entraînement, ce qui précipite la fin de sa carrière. Aujourd’hui âgé de 32 ans, Thomas Bouhail est désormais entraîneur de l’équipe de France.
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