L’histoire du lutteur Yannick Szczepaniak est particulière. Il a remportĂ© la mĂ©daille de bronze des Jeux Olympiques de PĂ©kin en 2008. Pourtant, il n’a reçu sa mĂ©daille Olympique que neuf après, suite au dĂ©classement de son adversaire russe pour dopage. Il nous explique comment il a vĂ©cu ces Ă©vĂ©nements.
Yannick, tu as participé aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et tu avais à l’époque pris la cinquième place de la catégorie des -120 kg en lutte gréco-romaine. Cette place d’honneur était-elle alors une satisfaction ou bien une déception ?
C’était forcément une déception. C’était la troisième fois que je terminais cinquième dans l’année : après les Championnats du monde et les Championnats d’Europe, cela se passait encore aux Jeux Olympiques. La défaite s’était jouée à pas grand-chose. Et quand on fait partie d’une équipe qui ramène deux médailles (les frères Guénot en or et en bronze, ndlr), on a envie de participer à la fête et d’avoir la sienne. C’était une très forte déception !
Tu as finalement été déclaré médaillé de bronze suite au déclassement de ton adversaire russe pour dopage. Raconte-nous comment tu as appris que tu devenais médaillé de bronze des Jeux Olympiques ?
Cela s’est fait par étape : on commence à y croire, on n’est pas sûr, puis ça se concrétise ! Il y a d’abord eu un article dans le journal L’Equipe, qui parlait d’un nouveau rapport McLaren concernant des lutteurs. Un collègue m’a tout de suite partagé cela en me disant : « peut-être une médaille pour toi ! ». Après, j’ai appris que le lutteur devant moi était concerné. Mais cela ne signifiait pas forcément une médaille, car les Fédérations internationales ne sont pas dans l’obligation de proposer un reclassement. Le Comité International Olympique a demandé la position de la Fédération internationale, qui a souhaité faire un reclassement et attribuer les médailles. Ça a été assez long, car le Russe a entamé une procédure pour invalider cette décision. Certains me félicitaient, d’autres me disaient de ne pas aller trop vite pour ne pas être déçu. J’ai ensuite été informé officiellement par la Fédération française et par le CNOSF. Cela s’est étalé sur un long mois avant de connaître la décision finale.
Tu as reçu cette médaille Olympique en août 2017, soit neuf ans après la compétition. Quel rapport as-tu avec cette médaille ? As-tu réussi à te l’approprier totalement ?
Oui, elle est vraiment à moi. Il faut apprivoiser tout ça. Je l’aurais prise avec euphorie le jour-même alors que là , je la prends avec philosophie. A aucun moment je ne doute que je mérite cette médaille. Elle a une histoire particulière, malheureuse malgré tout, mais je suis content d’avoir récupéré cette médaille. Il y en a beaucoup qui n’en récupéreront jamais dans des situations similaires. Je n’étais pas médaillé et je me suis réveillé médaillé huit ans après. On ne peut pas revenir dans le passé. Je ne peux que me projeter vers l’avenir avec cette médaille. Elle met un point à ma carrière et à un sentiment d’inachevé qui existait jusque-là .
Qu’est-ce-que cette médaille a changé dans ta vie ? As-tu gagné un peu de reconnaissance ?
Oui, forcément un peu. On me félicite encore aujourd’hui. J’ai eu la reconnaissance de mes pairs et j’ai été félicité par des lutteurs étrangers sur les réseaux sociaux. J’ai été mis à l’honneur par le président du CNOSF lors de ses vœux en 2017. On m’a remis la médaille aux Championnats du monde, devant mes pairs et en France. Il y a une reconnaissance. Aujourd’hui, mon nom est inscrit sur les tablettes Olympiques et c’est une fierté !
Tu as aussi participé aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Cela avait-il une saveur particulière pour toi de disputer les Jeux Olympiques en Grèce, le pays d’origine de la lutte gréco-romaine ?
Honnêtement, l’attachement n’était pas lié à la Grèce. C’était surtout le fait d’être sélectionné pour mes premiers Jeux Olympiques. Je n’ai pas fait de parallèle particulier par rapport au pays d’accueil. C’était la finalité qui était excitante, pas le lieu, même s’il y a bien sûr un attachement pour la lutte en Grèce. Contrairement à ce que l’on pense, la Grèce n’est pas le berceau de la lutte gréco-romaine. La lutte gréco-romaine est un nom fabriqué pour reconnaître ce style de lutte, qui synthétise plusieurs luttes traditionnelles. Trouver l’origine des luttes est toujours un peu compliqué !
A quel moment as-tu décidé de mettre un terme à ta carrière ?
Ce n’est pas évident de mettre un terme à sa carrière. Je ne l’ai pas fait de manière brutale. J’ai d’abord commencé à être « mauvais » ! Durant ma carrière, en 2009, j’ai obtenu mon professorat de sport sur un poste réservé aux sportifs de haut niveau à l’INSEP. J’ai essayé de me qualifier pour les Jeux Olympiques de 2012, ce que je n’ai pas réussi. Ensuite, je n’ai progressivement plus été au haut niveau et sélectionnable. Ma dernière sélection internationale a eu lieu sur un tournoi en France. Par la suite, j’ai continué à rendre service à mon club de Sarreguemines sur les Championnats de France par équipe. J’ai fait mon dernier combat en 2016.
Tu as aujourd’hui 38 ans. Quelles sont tes occupations ? Es-tu resté dans le monde de la lutte ?
Aujourd’hui, je travaille au Ministère des Sports. Je suis en charge du suivi des Fédérations. On accompagne les Directeurs Techniques Nationaux dans leurs missions.
J’ai toujours ma carte INSEP pour pouvoir accéder au tapis de lutte dès que j’ai le temps. C’est plus compliqué en ce moment, mais j’aime revenir sur le tapis pour soit lutter, soit conseiller les jeunes. J’ai un lien fort avec les équipes en place. L’entraîneur de la lutte gréco-romaine est Christophe Guénot, et celui des jeunes est son frère Steeve. On a un passif commun et on reste proche. Je continue aussi à aider mon club de Sarreguemines, que j’accompagnerais toujours sur les compétitions par équipe quand je le pourrais !
Merci beaucoup Yannick d’avoir donnĂ© de ton temps pour cette interview !
La carrière de Yannick Szczepaniak en quelques lignes :
Evoluant dans la catégorie des -120 kg en lutte gréco-romaine, Yannick Szczepaniak termine 6e des Championnats du monde en 2003. Il participe à ses premiers Jeux Olympiques en 2004 à Athènes avec à la clé une 6e place. En 2007, il finit 5e des Championnats du monde.
En août 2008, il prend la 5e place des Jeux Olympiques de Pékin, battu en demi-finales par un Russe. Huit ans plus tard, suite au rapport Mclaren (rapport d’enquête soupçonnant un système de dopage d’Etat en Russie) et un nouveau test de dopage, son adversaire est déclassé. Yannick est ainsi déclaré officiellement en 2016 médaillé de bronze des Jeux Olympiques de Pékin. Il reçoit sa médaille en août 2017, lors des Championnats du monde de lutte à Paris.
Aujourd’hui âgé de 38 ans, Yannick Szczepaniak a arrêté sa carrière et travaille au Ministère des Sports.
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