Yves HocdĂ© est devenu champion Olympique Ă Sydney il y a exactement 20 ans. Avec ses trois Ă©quipiers, il s’est imposĂ© de peu devant l’Ă©quipe australienne. A l’occasion de l’anniversaire de cet exploit, il nous explique comment il a vĂ©cu ce titre de l’intĂ©rieur.
Yves, vous êtes devenu champion Olympique du quatre de pointe sans barreur poids léger à Sydney il y a exactement 20 ans. A l’époque, cette médaille d’or était-elle un objectif clair en arrivant aux Jeux ou bien une belle surprise ?
C’était un peu les deux. On allait aux Jeux avec l’idée qu’on était potentiellement médaillables et même vainqueurs. En effet, on avait été médaillés aux Championnats du monde 1997, 1998 et 1999, et on avait été soit premier soit deuxième des épreuves de Coupe du monde l’année des Jeux. On savait donc qu’on pouvait jouer la gagne. Mais les Jeux Olympiques sont des courses d’un jour. Entre l’espoir de gagner et le fait de vivre la victoire, c’est toujours une surprise !
Lors de la finale, vous avez longtemps été derrière l’Australie avant de remporter le titre Olympique de peu. Racontez-nous comment vous avez vécu cette finale de l’intérieur ?
Cela nous renvoie à des émotions un peu lointaines mais quand même bien ancrées dans la mémoire. Pendant la course, on était à un rythme soutenu mais on était un peu en dedans, derrière les Australiens qui étaient chez eux. Mais on n’a jamais paniqué. On était confiants dans ce qu’on était capables de faire. Aux 1000 mètres, on savait qu’on était un peu derrière mais on sentait qu’on commençait à revenir. Sur les 500 derniers mètres, il y avait des tribunes remplies de supporters, ce qui portait les Australiens. Cela nous a donné une force qui nous a décuplés et au final, on a rattrapé notre retard mètre après mètre et on les a coiffés au poteau sur l’arrivée ! Il y avait malgré tout dans cette course une forme de sérénité. On était vraiment concentrés pour gagner.
Mis à part votre compétition, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Olympiques de Sydney ?
Je retiens la magie des Jeux avec le partage et le fait que les athlètes se côtoient et se parlent tous, quelles que soient les disciplines. Toutes les nations sont rassemblées. Les gens y dialoguent facilement et il y a peu de moments dans la vie qui permettent cela. Ce sont des moments de partage et d’échanges qui marquent.
« Je considérais que cette victoire était partagée et ne m’appartenait pas »
Racontez-nous un peu la période d’après-titre Olympique. Comment l’avez-vous vécue ?
A mon retour en France, on m’a accueilli dans ma ville de Nantes comme jamais je ne l’avais été. J’ai été accueilli à la sortie du train, puis je suis passé en voiture cabriolet dans les rues de la ville. Il y avait une ferveur très sympa. Ensuite, de très nombreuses réceptions ont suivi. J’ai parrainé pas mal d’événements pour lesquels j’étais sollicité. Il s’agissait notamment d’événements dans des hôpitaux pour des enfants malades, des compétitions de public handicapé et de visites dans des écoles pour présenter ma discipline. J’y ai participé pour porter une forme de reconnaissance au système. En effet, la construction de la performance n’est pas individuelle mais est portée par tout un système : le club, la famille, la ville et l’ensemble des autres partenaires. C’était pour moi une forme de restitution de ce que le système avait produit. Je considérais que cette victoire était partagée et ne m’appartenait pas.
Lors des Championnats du monde 2001, vous avez remporté à la fois l’or en huit de pointe avec barreur poids léger et le bronze en quatre de pointe sans barreur poids léger. Remporter deux médailles sur deux embarcations a dû être difficile ?
Doubler aux Championnats du monde avait en effet rarement été fait pour des rameurs français. On avait souhaité le faire pour deux raisons. D’une part, on savait que parmi les quatre champions Olympiques, on n’était pas tous voués à se tourner vers les JO d’Athènes 2004 mais on voulait poursuivre le projet sportif en quatre de pointe. D’autre part, on désirait permettre à une jeune génération d’être formée et accompagnée. On voulait avoir mis des jeunes sur une rampe de lancement pour le moment où nous arrêterions. C’est pour ces raisons qu’on a fait le huit de pointe en plus du quatre de pointe. Cela n’a pas été une sinécure. La construction de deux bateaux à ce niveau-là était un vrai challenge. Finalement, on a été champions du monde en huit de pointe et médaillés de bronze en quatre de pointe sans barreur. Avec le recul, je pense que si on avait voulu gagner le quatre de pointe sans barreur, il aurait fallu ne pas faire le huit de pointe. Tout mener de front nous a pris trop d’énergie. C’était une belle aventure humaine et il n’y a aucun de regret par rapport à ça !
A quel moment et pour quelles raisons avez-vous décidé d’arrêter votre carrière ? Avez-vous songé à défendre votre titre aux Jeux Olympiques d’Athènes 2004 ?
J’avais prévu d’arrêter ma carrière après les Jeux Olympiques de Sydney 2000. Finalement, j’ai continué un an de plus pour le challenge de faire le doublé huit de pointe et quatre de pointe sans barreur aux Championnats du monde 2001, et pour lancer les jeunes. J’ai mis un terme à ma carrière après les Mondiaux car une carrière de haut niveau demande un engagement total et je n’avais plus l’énergie de continuer.
« Les gens me parlent régulièrement de la médaille d’or des Jeux »
Vous êtes sous-préfet et vous travaillez actuellement à la Préfecture de Police de Paris. Racontez-nous les grandes lignes de votre reconversion et comment vous êtes arrivé à ce poste ?
En 1997, j’ai réussi le concours de professeur de sport et celui d’enseignant EPS. J’ai opté pour être professeur de sport et j’étais ainsi conseiller technique auprès de la Fédération d’aviron. Cela m’a permis de concilier ma pratique sportive de haut niveau et une activité professionnelle. Lorsque j’ai mis un terme à ma carrière, je suis passé à la Direction régionale de la Jeunesse et des Sports en région Rhône-Alpes sur des fonctions administratives. J’étais en charge de l’accompagnement des sportifs de haut niveau. J’ai ensuite été appelé à être Directeur technique national adjoint des sports de glace en charge du haut niveau pour préparer les Jeux Olympiques de Turin 2006. J’étais en charge des sélections, de l’encadrement des équipes de France, de l’accompagnement des athlètes de haut niveau et de la construction des filières d’excellence pour former les jeunes. Après les Jeux de Turin, j’ai exercé pendant deux ans les fonctions de Directeur technique national du squash. En 2006, j’ai aussi obtenu le concours de la Jeunesse et des Sports. En 2008, je suis devenu inspecteur de la Jeunesse et des Sports en Essonne et chef du service Règlementations et développement des pratiques sportives et formations. En 2010, au moment où les services de l’Etat se réformaient, j’ai été nommé Directeur départemental adjoint de la cohésion sociale du Val-de-Marne à Créteil. Ensuite, j’ai passé les épreuves pour devenir sous-préfet au Ministère de l’Intérieur et je suis devenu sous-préfet, directeur du cabinet du préfet de la Drôme. Puis j’ai été nommé Secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes. Je suis actuellement à la préfecture de Police de Paris et adjoint au sous-Directeur des déplacements et de l’espace public.
Il y a donc eu une évolution : au départ, j’articulais ma pratique sportive avec ma carrière professionnelle et j’avais déjà anticipé ma reconversion. Ensuite, quand j’ai arrêté ma carrière de sportif, j’ai passé des concours et j’ai évolué en cherchant à dépasser les zones de confort.
Vous parle-t-on encore de votre médaille Olympique 20 ans après ?
Oui. C’est une constante. Les gens me parlent régulièrement de la médaille d’or des Jeux. C’est pour eux un vrai repère. Rare sont ceux qui sont médaillés Olympiques et encore plus rares sont ceux qui sont champions Olympiques. Cela représente pour les gens quelque chose d’inatteignable. Dans le cadre de mes fonctions de sous-préfet, je rencontre souvent des dirigeants privés ou des dirigeants institutionnels. Pour eux, c’est vraiment un repère. C’est à leurs yeux la réussite incarnée, avec des valeurs derrière. Les gens m’en reparlent donc très souvent. Avec les Jeux, on a la chance d’avoir été socialement et institutionnellement reconnus.
Mais je dis régulièrement qu’il y a aussi des « champions Olympiques » dans les entreprises privées. Ce sont des perles qui réussissent et qui ont le même niveau d’engagement et de réussite, sauf que ce n’est pas du sport et que leur réussite ne s’appelle pas une médaille Olympique. Il y a des pépites partout dans les structures. Il faut juste savoir les repérer et les valoriser. Je fais beaucoup d’analogie entre les deux.
Pour finir, avez-vous un message Ă faire passer ?
Le message, c’est que même si les contraintes du haut niveau sont importantes et même s’il faut passer par des moments souvent compliqués où il faut articuler le temps d’entraînement avec les études ou le cadre professionnel, les choses sont conciliables. Il ne faut rien lâcher et les défis sont possibles. Lorsque les gens parlent de sacrifice, c’est qu’ils sont déjà dépassés par le sujet. Lorsqu’on parle d’engagement, on est dans la réalité et on est dans l’action de ce qu’on faire comme objectif. Avec un engagement total, tout est possible !
Merci beaucoup Yves pour votre disponibilité et bravo pour cette médaille il y a 20 ans !
Remerciements également à l’Association des Internationaux d’Aviron : rameurs-tricolores.fr
Crédits photo 2 : avironfrance.fr
La carrière d’Yves Hocdé en quelques lignes :
Spécialiste du quatre de pointe sans barreur poids léger, Yves Hocdé remporte la médaille d’argent des Championnats du monde en 1997 ainsi qu’en 1998. En 1999, il obtient le bronze des Championnats du monde.
En 2000, il devient champion Olympique lors des JO de Sydney avec ses coéquipiers Xavier Dorfman, Jean-Christophe Bette et Laurent Porchier. Lors des Championnats du monde 2001, il remporte à la fois l’or en huit de pointe avec barreur poids léger ainsi que le bronze en quatre de pointe sans barreur poids léger.
Il met un terme à sa carrière en 2001. Aujourd’hui âgé de 47 ans, Yves Hocdé est à la préfecture de Police de Paris et adjoint au sous-Directeur des déplacements et de l’espace public.
Participation aux Jeux Olympiques de Sydney 2000
Médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 (quatre de pointe sans barreur poids léger)
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