Interview de Kilian Le Blouch
(judo)

A quelques mois des Jeux Olympiques de Tokyo, nous avons interviewĂ© Kilian Le Blouch. Après avoir participĂ© aux Jeux Olympiques de Rio 2016, le mĂ©daillĂ© de bronze des derniers Championnats d’Europe sait que c’est l’annĂ©e ou jamais pour monter sur le podium Olympique.

Kilian, tu as participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016 alors que la concurrence dans ta catégorie en France était importante. A l’époque, cette sélection était-elle un aboutissement ?

C’était quelque chose que je n’avais pas forcément envisagé six ou sept mois avant et c’était donc clairement une franche réussite. Mais une participation n’était pas un aboutissement à mes yeux. L’aboutissement, cela aurait été une médaille. J’aurais peut-être un autre discours à la fin de ma carrière, mais je pense comme cela pour l’instant car mon objectif est de performer.

Lors des Jeux Olympiques de Rio, tu as Ă©tĂ© Ă©liminĂ© en huitièmes-de-finale par le champion du monde en titre. Quel regard portes-tu sur ta compĂ©tition ?

Je suis nourri de regrets. Je me dis forcĂ©ment que ça aurait pu se passer diffĂ©remment et que j’aurais pu m’imposer si j’avais eu une solution supplĂ©mentaire. Mais il m’a clairement surclassĂ© ce jour-lĂ . C’est quelqu’un qui Ă©tait battable et l’Italien a prouvĂ© qu’il y avait des solutions pour le faire. Je suis nourri de remords car je n’ai pas remportĂ© de mĂ©daille alors que j’ai vu sur le podium des concurrents que j’ai l’habitude de battre. C’est comme ça ! Je prĂ©fère regarder devant moi plutĂ´t que derrière.

« On était clairement une équipe très soudée »

De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Rio ?

Ce que je garde surtout en tête, c’est tout ce qu’on a traversé avant pour essayer d’atteindre nos objectifs. On était clairement une équipe très soudée. Les six derniers mois de préparation étaient très intenses, avec beaucoup de tournois et de stages. Il y avait de l’entraide. On en est ressortis encore plus amis que ce qu’on était avant. Aujourd’hui, je vois énormément ceux avec qui j’ai fait les Jeux. On a un parcours de vie commun qui fait qu’on est liés.

Malheureusement, il y a eu beaucoup de dĂ©ceptions pendant ces Jeux car pas mal d’athlètes masculins sont passĂ©s Ă  cĂ´tĂ©. Cela s’est beaucoup mieux passĂ© sur les deux derniers jours (mĂ©daille de bronze pour Cyrille Maret et d’or pour Teddy Riner, ndlr). Mais j’ai le souvenir un peu nĂ©gatif qu’on faisait tous un peu la tronche car on Ă©tait  déçus les uns pour les autres.

Sinon, le Brésil c’était sympa. Mais j’étais tellement concentré sur l’événement sportif que je n’ai pas vécu les Jeux. Mon objectif n’était pas de les vivre, mais d’y performer. A tort ou à raison. Mon côté pragmatique a fait que je n’étais pas dans l’émotion de l’événement.

Les Jeux Olympiques de Tokyo ont Ă©tĂ© dĂ©calĂ©s d’un an Ă  cause de l’épidĂ©mie de covid-19. Comment as-tu rĂ©agi Ă  ce report des Jeux ?

J’avoue que ça m’a mis un coup quand on me l’a annoncĂ©. Au dĂ©but, on Ă©tait parti pour un petit confinement de deux ou trois semaines. De fil en aiguille, je me suis retrouvĂ© Ă  avoir l’objectif de ma saison foutu en l’air. Ça a Ă©tĂ© assez dur Ă  digĂ©rer. Après, je me suis vite ressaisi car j’ai plutĂ´t tendance Ă  regarder devant moi. Je sais que certains ont mis beaucoup plus de temps Ă  avaler cette dĂ©ception. J’ai donc assez bien rebondi mais j’avais quand mĂŞme une crainte : que les Jeux de 2021 soient annulĂ©s. Cela aurait Ă©tĂ© un vrai coup dur.

Comment vis-tu la situation actuelle ?

Actuellement, la notion de plaisir est moins présente. Il y a beaucoup de contraintes. Être dans des bulles sanitaires pendant une semaine, ne pas pouvoir bouger dans un pays, ne pas pouvoir faire ce qu’on veut, tout cela rend la compétition beaucoup moins agréable. Mais on sait pourquoi on est là et on essaie de le faire de la meilleure des manières.

Comment va se passer la sĂ©lection pour les Jeux de Tokyo dans ta catĂ©gorie ?

La sélection devrait normalement tomber après les Championnats d’Europe qui se dérouleront mi-avril. Pour l’instant, j’ai le quota. J’ai très peu de concurrence dans ma catégorie en France, mais on n’est jamais à l’abri. Un autre Français sera sur les prochaines compétitions avec moi. Je suis plutôt concentré sur le niveau international et sur les étrangers plutôt que sur les Français. J’ai à cœur de remporter une ou deux médailles sur des tournois importants avant les Jeux.

« Je pense que c’est le moment où je peux être le plus performant de ma carrière »

En novembre 2020, tu as remportĂ© la mĂ©daille de bronze des Championnats d’Europe. Est-ce le meilleur souvenir de ta carrière Ă  ce jour ?

Je ne sais pas si c’est le meilleur souvenir, mais en tout cas c’est une date importante et un des plus beaux moments de ma carrière. Il y a eu beaucoup d’émotions sur cette compétition. D’une part, car c’est une médaille que je convoitais depuis un certain temps et que j’avais du mal à aller chercher malgré plusieurs sélections. C’était donc un aboutissement. D’autre part, car j’ai eu la perte d’un être cher. Les émotions ont été entremêlées.

Il y a aussi eu d’autres moments très importants. Je pense notamment à mes titres de champion de France et à ma médaille au tournoi de Paris. Les moments d’une carrière ne sont jamais comparables car tu les vis d’une certaine manière, tant sur le plan sportif que personnel. Je considère que toutes les compétitions ont été importantes dans mon parcours. Elles m’ont construit et ont été clés pour me permettre de performer.

Lors de la petite finale de ces Championnats d’Europe, tu menais avant de te faire rattraper Ă  trois secondes de la fin et de finalement gagner au golden score. Raconte-nous comment tu as vĂ©cu ce combat de l’intĂ©rieur ?

C’était clairement de ma faute. Habituellement, je suis plus carrĂ© sur mes matches. LĂ , j’ai senti dès les premières reprises que l’adversitĂ© n’était pas Ă  la hauteur de la difficultĂ© Ă  laquelle je m’attendais. Quand tu es en train de mener et que ce n’est pas compliquĂ©, tu es forcĂ©ment moins bon. Je me suis retrouvĂ© dos au mur tout seul. Mais après, je me suis immĂ©diatement ressaisi. Je me suis mis une claque après avoir fait une erreur de dĂ©butant. Je me suis dit que j’avais fait une grande partie du travail et que je l’avais bien fait. J’ai alors accĂ©lĂ©rĂ© de nouveau et c’est passĂ© !

Tu as actuellement 31 ans. Songes-tu Ă  poursuivre ta carrière pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

HonnĂŞtement, j’ai du mal Ă  me projeter après les Jeux de Tokyo. Je pense que c’est le moment oĂą je peux ĂŞtre le plus performant de ma carrière et il faut que j’aille chercher cette mĂ©daille. J’ai quand mĂŞme pas mal de pĂ©pins physiques rĂ©currents et je pense que ce sera compliquĂ© d’aller jusqu’à Paris 2024. Mais on ne sait pas de quoi demain est fait ! Peut-ĂŞtre que j’aurais envie de rempiler Ă  la suite d’un Ă©chec ? Peut-ĂŞtre que j’aurais envie de rempiler Ă  la suite d’une mĂ©daille parce que j’aurais vĂ©cu des Ă©motions extraordinaires ? Mais sincèrement, je pense que 2024 sera un peu loin. On a pas mal de traumatismes physiques au judo.

Merci beaucoup Kilian et bonne chance pour les Jeux Olympiques de Tokyo !

Crédits photo 2 : International Judo Federation

La carrière de Kilian Le Blouch en quelques lignes :

Evoluant dans la catégorie des -66 kg, Kilian Le Blouch est sacré champion de France en 2012 et en 2014.

En 2016, il se distingue avec la 3e du tournoi du Grand Chelem de Paris. Il participe aux Jeux Olympiques de Rio 2016 mais il est éliminé en 8e de finales. En 2019, il remporte le tournoi du Grand Chelem de Ekaterinbourg et est 3e du Grand Chelem de Brasilia.

Il continue sa progression avec la médaille de bronze des Championnats d’Europe 2020. Aujourd’hui âgé de 31 ans, Kilian Le Blouch va tenter de briller aux Jeux Olympiques de Tokyo cet été.

drapeau olympique Participation aux Jeux Olympiques de Rio 2016

Laisser un commentaire

COMMENTAIRE