Il y a vingt ans jour pour jour, Gwendal Peizerat devenait champion Olympique de danse sur glace avec Marina Anissina. Il nous explique comment il a vécu ce sacre à Salt Lake City mais aussi leur médaille de bronze aux JO de Nagano 1998 et leur titre de champion du monde 2000.
Gwendal, vous avez remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Nagano 1998 avec Marina Anissina. A l’époque, cette médaille était-elle une grande satisfaction pour votre première participation aux Jeux Olympiques ou bien vous visiez déjà l’or ?
C’était déjà une grande satisfaction. On était encore très jeunes et on était très heureux de cette médaille pour notre première participation Olympique. Mais il n’y avait que l’or qui pouvait complètement satisfaire Marina. A peine rentrés, on était déjà prêts à repartir au travail pour préparer l’Olympiade suivante !
Vous êtes devenu champion Olympique à Salt Lake City il y a exactement vingt ans. Racontez-nous votre arrivée à Salt Lake City et la préparation juste avant la compétition ?
L’expérience Olympique de Salt Lake City a commencé par un stage d’acclimatation à Logan (ville à environ 130 km de Salt Lake City, ndlr). C’est une ville un peu spéciale car c’est l’endroit aux Etats-Unis où les températures peuvent descendre le plus bas. Effectivement, il faisait vraiment très froid quand on était là -bas ! On s’y entraînait à la patinoire. Le premier choc qui a perturbé notre préparation a été la blessure de Sarah Abitbol (vice-championne d’Europe en couple avec Stéphane Bernadis juste avant les Jeux, ndlr). Elle s’est rompu le tendon d’Achille. Elle a dû déclarer forfait pour les JO et rentrer en France.
Au début des Jeux Olympiques, il y a eu une polémique sur la notation de l’épreuve de couple qui a impliqué une juge française. Cela a-t-il perturbé votre préparation ?
Ce scandale sur le programme de couple artistique (Gwendal Peizerat et Marina Anissina évoluaient eux en danse sur glace, ndlr), est en effet intervenu juste avant notre compétition, quand on était déjà au Village Olympique. Or, quand on est au Village Olympique, on est très protégé de ce qui se passe à l’extérieur et de l’influence des medias. Evidemment, on en a quand même entendu parler, mais on a réussi à rester constamment concentrés sur notre compétition. On était déjà dans notre bulle grâce au Village Olympique.
« C’étaient vraiment des expériences complètes, épanouies et humainement géniales ! »
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette compétition de Salt Lake City de l’intérieur ? Tout s’est-il passé comme prévu pendant les trois jours de compétition ?
Quand on gagne toutes les épreuves, on ne peut pas dire que ça ne s’est pas passé comme prévu ! On a gagné la première danse imposée, la deuxième danse imposée, la danse originale (qui est aujourd’hui le programme court) et la danse libre ! On était prêts, bien dans nos patins et très en contrôle, que ce soit physiquement ou psychologiquement. La compétition s’est déroulée comme on pouvait le rêver. Par contre, en termes d’ambiance, le scandale et le contexte de la double médaille d’or décernée sur l’épreuve de couple artistique a rendu les choses moins festives. Mais sur la glace, tout s’est donc bien passé !
Mis à part vos médailles, quels souvenirs gardez-vous de vos deux expériences Olympiques à Nagano et à Salt Lake City ?
Personnellement, je suis un « Olympien né ». Cette ambiance des Jeux Olympique me va 1000 fois mieux que celle qu’on a sur les compétitions de la Fédération Internationale de Patinage. Je suis passionné par tous les sports et notamment les sports de glisse. J’ai donc beaucoup aimé ce cadre où on peut rencontrer pleins d’autres sportifs au Village Olympique et au restaurant Olympique. Aussi bien à Nagano qu’à Salt Lake City, je suis allé skier sur les pistes après la compétition. Je me rappelle être allé skier avec Luc Alphand à Salt Lake ! J’ai vécu des moments exceptionnels de vie et de partage avec d’autres athlètes de l’équipe de France et aussi des autres pays. J’ai aussi eu la chance de vivre la cérémonie d’ouverture et la cérémonie de clôture sur les deux JO. Avec Marina, on a même été porte-drapeaux lors de la cérémonie de clôture de Salt Lake City. C’étaient vraiment des expériences complètes, épanouies et humainement géniales ! J’ai adoré !
Comment avez-vous vécu la période d’après-titre Olympique, qui a coïncidé également avec la fin de votre carrière ? Avez-vous connu un coup de blues comme certains sportifs ?
On n’a pas eu le temps d’avoir de coup de blues, car dans notre sport on a la chance qu’il y ait les spectacles. On a eu la possibilité de faire des galas, notamment avec une tournée de quatre mois et demi aux Etats-Unis, une tournée d’un mois en France, et des spectacles au Japon. On a été happés dans un monde de spectacles, de lumières et d’échange avec le public ! Pendant trois/quatre ans après les JO, ça ne s’est pas arrêté ! On a continué à créer sur la glace et à patiner sans avoir la pression des compétitions. Ce n’était que du bonheur !
Entre 1998 et 2002, vous êtes monté sur tous les podiums des grandes compétitions. Comment avez-vous vécu le fait d’être attendu au tournant sur chaque épreuve ?
Je trouve que c’est l’une des choses les plus difficiles à vivre pour un sportif ! C’est très dur car cela signifie qu’on est considéré comme infaillible et qu’on n’a pas le droit de se manquer. Cela s’est passé en particulier lors des Championnats du monde de Nice en 2000. C’était la dernière compétition de la saison et on avait gagné toutes les compétitions auxquelles on avait participées cette saison-là . Quand on est arrivés à Nice, les gens considéraient qu’aller chercher le titre mondial était une formalité pour nous. Les personnes autour de nous, le public et les fans n’étaient plus dans un mode d’encouragement, mais dans un mode d’attente : « Vous devez remporter ce titre, faites votre job et donnez le nous ». C’est très dur à vivre et on se sent un peu tout seul devant cette pression de devoir être infaillible. Or, ce n’est pas vrai : on n’est pas infaillibles ! Même si on a gagné toutes les compétitions, l’effort à chaque compétition était énorme. C’était un effort de concentration, un effort physique et de l’investissement personnel. Ça pouvait lâcher à un moment où à un autre. D’ailleurs, la saison 2001 a été difficile pour nous. Ce n’était vraiment pas simple de garder la position de leader.
Votre carrière est marquée par votre duo avec Marina Anissina, qui venait de Russie et avait un caractère, une culture et une langue différente. Avec le recul, comment avez-vous réussi à faire de ces différences une force ?
On n’a pas essayé de gommer nos différences pour faire quelque chose de lisse. On a accepté les différences de l’autre et on les a additionnées pour faire quelque chose de plus riche. Cette alchimie n’était pas gagnée au départ. Elle a eu lieu parce qu’on a beaucoup travaillé et que chacun a beaucoup donné de soi-même pour accepter l’autre dans sa différence. Il s’agissait de comprendre qu’on était l’un et l’autre le meilleur atout pour notre réussite à tous les deux. C’étaient des années de travail acharné et de progrès dans la connaissance de l’autre mais aussi de soi-même. Il fallait apprendre à reconnaître son fonctionnement et se maitriser pour faire fonctionner une relation de couple. C’était vraiment une relation fusionnelle très complexe !
« On a accepté les différences de l’autre et on les a additionnées pour faire quelque chose de plus riche »
Vous avez mis un terme à votre carrière juste après votre titre Olympique. A quel moment avez-vous pris cette décision ? Etiez-vous sur la même longueur d’onde avec Marina ?
On a décidé ça à Nagano. Avant les Jeux de Nagano, je m’étais dit que j’arrêterais ma carrière si on y remportait une médaille. On y a obtenu la médaille de bronze. Mais le couple médaillé d’or mettait fin à sa carrière et le couple médaillé d’argent n’était pas inatteignable. On s’est dit qu’on était encore en forme et qu’on pouvait continuer jusqu’aux prochains Jeux Olympiques. Avec Marina, on s’est regardé et on a décidé de continuer quatre ans ! Les Jeux de Salt Lake City étaient d’emblée la fin de notre contrat moral. Quand on a remporté l’or, on ne s’est même pas posé la question de continuer. On n’a pas participé aux Championnats du monde qui avaient lieu un mois plus tard car notre objectif était atteint !
Vous êtes désormais chanteur et vous avez déjà sorti deux albums. Est-ce une passion depuis longtemps ?
La musique est pour moi une passion depuis l’âge de 8 ans. Cette passion s’est exprimée tout au long de ma carrière sportive. Bien choisir sa musique est primordial pour une chorégraphie. J’étais en charge de rechercher et de sélectionner des musiques. Je faisais le travail en amont et à la fin, on choisissait ensemble avec Marina. Je réalisais aussi les montages musicaux. Cela m’a donc suivi tout le long de ma carrière. Cette passion avait besoin de s’exprimer et c’est le cas aujourd’hui. J’en suis vraiment heureux !
Mis à part la musique, quelles ont été les principales lignes de votre reconversion depuis l’arrêt de votre carrière en 2002 ?
J’ai fait une école de commerce en même temps que ma carrière de sportif. J’ai été diplômé de l’EM Lyon en 2002, l’année des Jeux de Salt Lake. En 2004, j’ai créé mon entreprise, Soléus. Mon entreprise est le leader sur le contrôle des équipements sportifs en France et embauche aujourd’hui une quarantaine de personnes. C’est une belle histoire et une belle réussite. Cela me permet aujourd’hui de m’engager dans de belles aventures comme la musique. Car pour vivre de la musique, c’est un peu comme le patinage, il faut des années et des années de travail en amont !
Merci beaucoup Gwendal pour votre disponibilité !
La carrière de Gwendal Peizerat en quelques lignes :
Pratiquant la danse sur glace, Gwendal Peizerat évolue avec Marina Morel jusqu’en 1993. C’est en 1994 qu’il commence à patiner avec Marina Anissina. Le couple progresse rapidement : aux Championnats du monde, ils se classent 10e en 1994, 6e en 1995, 4e en 1996 et 5e en 1997.
Lors des Jeux Olympiques de Nagano 1998, ils remportent la médaille de bronze. Cette même année, ils décrochent également l’argent aux Championnats du monde et le bronze aux Championnats d’Europe. Ils deviennent vice-champions du monde et d’Europe en 1999, puis champions du monde et d’Europe en 2000, avant d’être de nouveau vice-champions du monde et d’Europe en 2001.
Juste après un nouveau titre de champion d’Europe, ils deviennent champions Olympiques à Salt Lake City en 2002. Ils y remportent les quatre épreuves. Ils mettent fin à leur carrière en compétition dans la foulée des Jeux Olympiques. Ils continuent ensuite à patiner ensemble sur des galas. Gwendal Peizerat est actuellement chef d’entreprise et chanteur.
Participations aux Jeux Olympiques de Nagano 1998 et Salt Lake City 2002
Médaillé d’or aux Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002 (danse sur glace)
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Nagano 1998 (danse sur glace)
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