D’abord quatrième des Jeux Olympiques de Londres 2012 avec le relais 4×100 m, Pierre-Alexis Pessonneaux a rĂ©cupĂ©rĂ© la mĂ©daille de bronze trois ans plus tard, suite Ă la disqualification pour dopage du relais amĂ©ricain. Il revient pour nous sur cette expĂ©rience Olympique dix ans après.
Pierre-Alexis, vous étiez le troisième relayeur français lors des Jeux Olympiques de Londres 2012 et il s’agissait de vos premiers Jeux Olympiques. Racontez-nous tout d’abord dans quel état d’esprit vous étiez juste avant la finale et notamment dans la chambre d’appel ?
Je me souviens être arrivé dans le stade d’échauffement et me dire : « c’est maintenant que ça se joue ». Je m’étais préparé pendant quatre ans et j’y étais ! Dans la chambre d’appel, j’étais déjà dans la course. Mais c’était particulier parce qu’un relayeur de Trinidad et Tobago, Emmanuel Callender, m’avait fait un peu de « provocation gentille » juste avant les séries. Comme nos deux relais ont réussi à se qualifier pour la finale, une forme de respect mutuel s’était créée. Emmanuel Callender avait une renommée internationale que je n’avais pas et il ne savait donc pas qui j’étais. Mais avant la finale, c’était devenu un peu plus fraternel. On savait que ça allait être serré. Il y avait donc de l’excitation. J’ai vraiment ça en mémoire !
Les chambres d’appel sont longues. Usain Bolt faisait du « Usain Bolt » : il écoutait de la musique, marchait et faisait beaucoup d’aller-retours. Je me souviens d’un relayeur américain assis et très concentré, avec des écouteurs dans les oreilles. Malgré l’excitation, je me sentais prêt pour l’événement. On avait couru des Championnats du monde et d’Europe auparavant. On était prêts !
Le relais français a passé la ligne à la cinquième place mais a été rapidement classé quatrième après la disqualification du Canada. Racontez-nous comment vous avez vécu l’arrivée et le fait de finir à quatre centièmes du podium ?
C’était dur. Dans ma tête, j’étais prêt depuis longtemps à tout donner et même à me jeter s’il le fallait pour donner le relais. Mais quand j’ai transmis mon témoin, j’ai senti que c’était facile. Ronald Pognon était parti sans prendre trop de risques. Après, j’ai regardé le grand écran dans le stade pour voir comment se passaient les derniers mètres. En effet, je ne voyais pas trop comment se déroulait la course de là où j’étais. J’ai vu qu’on se faisait remonter alors qu’on était bien placés. On était troisièmes, puis quatrièmes, puis cinquièmes. Une fois que notre place de quatrième a été confirmée, j’ai pris conscience qu’on rentrait à la maison sans médaille. C’était vraiment la douche froide. C’était très compliqué de quitter le stade. C’était dur aussi de se rendre dans la zone d’interviews, car il fallait devoir expliquer à tout le monde pourquoi on n’avait pas réussi à monter sur le podium alors qu’il était accessible. On était les premiers impactés. C’était vraiment très compliqué !
« Même si on a récupéré la médaille, on n’a pas eu l’effervescence d’après-compétition »
Mis à part votre compétition, qu’est-ce-qui vous a le plus marqué lors de ces Jeux Olympiques de Londres ?
C’est l’ambiance dans le Village ! On était dans une sorte de mini-ville peuplée uniquement de sportifs internationaux. C’était un milieu à part. J’ai le souvenir d’avoir mangé trois ou quatre fois avec les handballeurs français, qui avaient à peu près les mêmes rythmes de repas. L’ambiance était particulière : il fallait rester concentré car le relais était en fin de programme Olympique, alors que certains avaient fini leurs épreuves depuis une semaine et voulaient profiter. On attendait notre événement avec grande impatience, en essayant de concilier repos et préparation. On sortait et on voyait Tony Parker en pleine interview, on croisait Teddy Riner… On était tous mélangés ! J’ai beaucoup aimé l’ambiance !
Suite Ă la disqualification pour dopage du relais AmĂ©ricain, vous avez rĂ©cupĂ©rĂ© en 2015 la mĂ©daille de bronze du relais 4×100 m des Jeux Olympiques de Londres 2012. Comment avez-vous appris que vous alliez rĂ©cupĂ©rer la mĂ©daille de bronze ?
Je l’ai appris en 2014, quand j’étais en Angleterre. Une partenaire d’entraînement m’a dit qu’elle avait entendu que Tyson Gay était dopé et qu’il allait donc perdre toutes les médailles qu’il avait remportées sur une certaine période, dont celle des Jeux Olympiques de 2012. Elle m’a expliqué qu’on allait donc normalement récupérer la médaille du relais. Je ne voulais pas trop y croire pour éviter de m’enflammer pour rien. Petit à petit, ça s’est passé exactement comme elle l’avait dit ! La remise de médaille officielle a été faite lors du meeting de Paris en juillet 2015.
Vous avez reçu cette médaille Olympique en 2015, soit trois ans après la compétition. Quel rapport avez-vous avec cette médaille ? Avez-vous réussi à vous l’approprier totalement ?
Pour être très honnête, elle est compliquée à savourer. Je sais ce que c’est de gagner : lors de notre victoire aux Championnats d’Europe 2010, on avait l’impression d’être les rois du monde. On a connu la fête après la course, la célébration, le fait d’être invité partout, l’engouement, l’effet sur nos proches et sur notre vie. On sait tous qu’une médaille Olympique a beaucoup d’impact, quel que soit le métal. Mais quand je repense aux Jeux Olympiques, je me souviens de la tristesse d’après-course et de la déception d’être passé à côté. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps quand on a quitté le stade après cette quatrième place. Il a fallu digérer tout ça. Même si on a récupéré la médaille, on n’a pas eu l’effervescence d’après-compétition. Tout cela a été perdu et volé. Le seul truc cool, c’est que cela me permet de dire à mes collègues de travail que je suis médaillé Olympique !
Votre carrière a notamment Ă©tĂ© marquĂ©e par votre titre de champion d’Europe du relais 4×100 m en 2010. On imagine que cela a Ă©tĂ© une grande Ă©motion d’être les favoris de la course et de l’emporter ?
Je ne sais pas si on était favoris. Cela avait été une année compliquée pour former le relais mais c’est vrai qu’au final, on avait une super équipe sur le papier. On n’avait pas la pression du favori, mais on avait une énorme envie de gagner. Les six athlètes présents avaient envie de donner le maximum. Martial Mbandjock (le dernier relayeur, ndlr) a fait une remontée magnifique sur l’Italie. C’était génial ! C’était pour moi la plus grosse victoire, avec le plus gros effet de ma carrière !
« Quand j’ai commencé en athlétisme, à aucun moment je ne pensais pouvoir aller jusqu’aux Jeux Olympiques ! »
En 2015, vous avez battu vos records personnels sur 100 m et 200 m mais vous n’avez pas participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016 à cause d’une blessure. On imagine que cela a été difficile à digérer ?
Oui. J’ai eu une période compliquée après les Jeux de Londres. En 2013, j’ai tout raté. J’ai eu besoin de faire une expérience à l’étranger et je suis parti pendant un an, en 2013-2014. Ça a été formateur mais cela ne m’a pas permis de progresser. Après une phase de remise en question, je suis revenu dans mon club de cœur, à Aix-les-Bains, sans me mettre trop de pression et avec un coach qui me connaissait très bien. On a fait les choses petit à petit et on a retrouvé ce qui marchait bien. Cela m’a permis de monter en puissance. En 2016, j’ai amélioré mon chrono sur 100 m. Deux semaines plus tard, je me suis blessé. Ce jour-là , je pense que je partais très probablement pour battre mon record sur 200 m. J’étais donc dans une phase de progression mais je n’ai finalement pas pu participer à mes deuxièmes Jeux Olympiques. Cela fait partie des règles du jeu, il faut l’accepter. On cherche les limites à chaque course et je pense que je les ai atteintes à ce moment-là . J’étais arrivé à un palier : si ça passait, c’était mon record, sinon ça cassait. Et ça n’est pas passé !
Quand avez-vous décidé de mettre un terme à votre carrière et que devenez-vous depuis ?
Être sportif de haut niveau demande beaucoup d’énergie et comprend beaucoup d’incertitudes. Mon année 2016 partait très bien mais je n’ai participé ni aux Championnats de France ni aux Jeux Olympiques à cause d’une importante blessure. J’étais semi-professionnel et ma condition financière dépendait directement de mes résultats. Je savais aussi que je n’allais pas vivre de mon sport tout le temps. J’avais commencé ma carrière professionnelle de contrôleur de gestion chez Hasbro, à Aix-les-Bains. Quand je me suis blessé en 2016, je savais que j’allais être arrêté pour au moins six mois. C’était pour moi l’occasion de pouvoir me concentrer pleinement sur mon activité professionnelle, de respirer un peu, et de me rétablir doucement. J’ai essayé de revenir mais je me suis blessé au même endroit, avec à la clé une nouvelle indisponibilité de six mois. J’ai compris que mon corps disait stop. Ma tête me disait : « on verra, mais si j’arrête, ce n’est pas très grave ». Quand j’ai commencé en athlétisme, à aucun moment je ne pensais pouvoir aller jusqu’aux Jeux Olympiques ! Je partais juste pour donner le meilleur de moi et m’amuser. J’ai bien profité de ma carrière. Maintenant, il y a d’autres ambitions et d’autres projets. J’ai ma vie banale de papa d’une petite fille de trois ans et j’ai un métier qui me plaît !
Merci beaucoup Pierre-Alexis pour cette interview !
La carrière d’Alexis Pessonneaux en quelques lignes :
SpĂ©cialiste du sprint, Pierre-Alexis Pessonneaux remporte la mĂ©daille d’argent du relais 4×100 m et termine 4e du 200 m lors des Jeux MĂ©diterranĂ©ens en 2009. Il devient champion d’Europe du relais 4×100 m lors des Championnats d’Europe 2010.
En 2012, il remporte la mĂ©daille de bronze du relais lors des Championnats d’Europe. Il est sĂ©lectionnĂ© pour les Jeux Olympiques de Londres 2012 en tant que 3e relayeur du relais 4×100 m (avec Jimmy Vicaut, Christophe LemaĂ®tre et Ronald Pognon). Le relais français termine 4e de ces JO mais rĂ©cupère la mĂ©daille de bronze en 2015 suite au dĂ©classement pour dopage du relais amĂ©ricain.
En 2015, il obtient l’argent du relais 4×200 m aux Relais Mondiaux de l’IAAF. Il ne peut participer aux Jeux Olympiques de Rio 2016 Ă cause d’une blessure. Il met ensuite un terme Ă sa carrière, avec pour records personnels 10’’33 sur 100 m et 20’’61 sur 200 m. Aujourd’hui âgĂ© de 34 ans, Pierre-Alexis Pessonneaux est contrĂ´leur de gestion.
Participation aux Jeux Olympiques de Londres 2012
MĂ©daillĂ© de bronze des Jeux Olympiques de Londres 2012 (relais 4×100 m hommes)
Très bon interview d »Alexis sur une très bonne carrière d’abord de club,puis nationale et international.Des records de qualitĂ© qui auraient pu ĂŞtre meilleurs encore sans toutes ces blessures .C’est un athlète attachant et discret,peut-ĂŞtre moins mis en valeur sur un plan mĂ©diatique, Mais qui peut ĂŞtre fier de son parcours.Sans oublier Pierrot Carraz et Thierry Tribondeau,qui ont su contribuer Ă son Ă©panouissement, ainsi que le formidable environnement du club aixois et de ses infrastructures.Bonne vie Ă Alexis et sa famille. Un (très) ancien de l’ASA,exilĂ© dans le sud-ouest.