Le karatĂ© a fait sa première apparition au programme Olympique l’Ă©tĂ© dernier Ă Tokyo. Alexandra Feracci nous explique comment elle a vĂ©cu cette expĂ©rience malgrĂ© le contexte spĂ©cial de ces Jeux Olympiques de Tokyo. Entretien.
Alexandra, tu as obtenu ton billet pour les Jeux Olympiques de Tokyo lors du TQO de Paris en juin 2021. On imagine que la course à la qualification était une période stressante ?
Oui, c’était une période assez stressante et surtout longue. Les Jeux avaient été reportés à cause de la crise sanitaire et on ne savait pas trop où on allait. Avec mon coach, on avait fait le choix d’aller au Tournoi de Qualification Olympique. C’était un one shot : je n’avais pas le droit à l’erreur le jour J ! Être au pied du mur m’a plutôt bien réussi. J’avais toutes les conditions nécessaires pour aller décrocher la qualification ce jour-là , que ce soit psychologiquement ou physiquement.
Lors des Jeux Olympiques de Tokyo, tu as été éliminée en qualifications. Peux-tu nous raconter comment tu as vécu ta compétition de l’intérieur ?
Mes parents et ma sœur sont également dans le milieu du karaté et ont toujours été là dans les moments les plus importants de ma carrière. Il a déjà fallu travailler psychologiquement sur le fait qu’ils allaient être absents à Tokyo (les JO de Tokyo se sont déroulés sans spectateurs, ndlr).
Une fois que je suis arrivée au Village Olympique, je me suis mise petit à petit dans ma bulle. Le jour J, je suis contente parce que je n’ai pas été submergée par le stress malgré l’ampleur de l’événement. J’avais juste envie de montrer mon karaté et prouver ce que je savais faire.
« Le jour J, je suis contente parce que je n’ai pas été submergée par le stress »
La situation du karaté était très spéciale à Tokyo car il s’agissait de la première fois et de la dernière fois que le karaté était au programme Olympique. Cela a-t-il eu un impact sur ta façon de vivre ces JO ?
Bizarrement, cela n’a pas eu d’impact sur ma façon de vivre les JO. Mais cela a eu un impact tout au long de la préparation, qui a duré cinq ans. Au début, je pensais qu’il fallait que je performe à chaque compétition. Cela a créé un stress supplémentaire et je sentais que je n’arrivais pas à me libérer. Il a fallu changer ça rapidement. J’ai travaillé le côté mental. J’ai réussi ensuite à aborder les compétitions différemment, en me disant qu’elles n’étaient que de la préparation pour les JO.
Une fois que j’ai été sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Tokyo, ce n’était que du bonus pour moi. Mon rêve était de participer et je savais que j’allais le faire ! Il n’y avait donc pas de pression de me dire que ce seraient les premiers et les derniers Jeux, puisque l’objectif était déjà d’’y être !
Les Jeux Olympiques de Tokyo se sont déroulés à huis-clos et avec des règles sanitaires strictes à cause du covid-19. As-tu tout de même ressenti la magie Olympique ?
Comme c’étaient mes premiers Jeux Olympiques, je n’ai pas trop de comparaison. C’est vrai qu’il y avait une barrière à cause de cette crise sanitaire, mais j’ai aussi senti que les gens étaient chaleureux et qu’il y avait cet engouement des JO. Quand on allait à la cantine par exemple, les Japonais étaient assez proches de nous, tout en gardant les gestes barrières. L’effet des JO était donc tout de même présent.
Certains sportifs ont un coup de blues après les Jeux Olympiques. Comment as-tu vécu la période d’après JO ?
Ça a été difficile parce que j’ai vraiment ressenti une fatigue physique et psychologique à ce moment-là . Cela faisait cinq ans que je préparais cet événement et il y avait une grosse charge émotionnelle car on savait que ce serait les derniers JO pour le karaté. Le contrecoup s’est fait semaine après semaine : il y a d’abord eu le contrecoup du décalage horaire, puis celui de la compétition. Même si je suis heureuse d’avoir vécu cet événement, j’aurais aimé aller plus loin dans l’aventure. Au final, les JO sont passés à une vitesse folle ! Comme un éclair ! Avant la compétition, je suis restée dans ma bulle. Ensuite, j’ai profité des JO, mais on se dit toujours qu’on aurait pu en profiter plus ! L’après JO a été épuisant parce que toute la pression est retombée. Je n’ai pas eu le blues comme certains, mais un vrai contrecoup.
« Au final, les JO sont passés à une vitesse folle ! »
Tu disputes le karaté kata, qui est différent du karaté combat. Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste et comment se déroule une compétition ?
Le kata est un enchaînement de techniques codifiées dans le vide contre des adversaires imaginaires. Les gens assimilent souvent ça à de la chorégraphie. Je n’aime pas ce terme car il y a vraiment dans le kata une notion de combat très importante, même si l’adversaire est imaginaire. Chaque mouvement a un sens. Il y a des attaques et des contre-attaques.
Les compétitions internationales se disputent sous forme de poule. On est jugé sur la note technique, qui compte pour 70% de la note, et sur la note physique, qui compte pour 30%. Il y a trois tours. Lors des demi-finales, les deux premières de chaque poule se retrouvent en finale, et la deuxième de chaque poule rencontre le troisième de l’autre poule pour de disputer la médaille de bronze.
Tu as remporté la médaille de bronze des Championnats d’Europe 2019. Qu’est-ce-qui a fait la différence selon toi ce jour-là ?
C’est un peu bête à dire, mais j’ai fait un rêve presque prémonitoire quelques semaines avant. J’avais alors rêvé que j’allais performer, même si je ne savais pas quelle médaille j’aurais. Quand je suis arrivée sur place pour la compétition, j’ai également senti que j’allais faire quelque chose. J’ai du mal à l’expliquer parce que c’est rare que j’aie ce ressenti. Bizarrement, cela m’a aussi donné de la pression : je savais que j’allais faire quelque chose mais il fallait aussi que je sois à la hauteur. Il fallait se recentrer et ne pas avoir de surplus de stress.
Ta petite sœur Laëtitia concoure également à haut-niveau dans ta discipline. On imagine que c’est un contexte spécial ?
Quand elle est passée en catégorie senior, j’avoue que cela a été particulier pour moi de l’affronter en finale des Coupes de France ou des Championnats de France. Ce n’était pas seulement une adversaire que j’avais en face, c’était ma sœur. La première fois, ça m’a un peu chamboulée et il a fallu que je reste concentrée. Au fil du temps, c’est devenu une force d’être ensemble. On essaie de se retrouver le plus loin possible dans les compétitions nationales. Elle est également membre de l’équipe de France : elle par équipe et moi en individuel. C’est un soutien supplémentaire.
Maintenant que les Jeux Olympiques sont passés, je souhaite concourir de nouveau par équipe. J’en faisais il y a très longtemps. Voir ma sœur évoluer avec ses coéquipières m’a donné envie de partager des moments avec elle. Le projet aujourd’hui est de monter une équipe 100% corse et de faire des compétitions internationales pour se préparer au mieux. Et pourquoi pas décrocher une sélection en équipe de France ?
Pour finir, quels sont tes objectifs pour l’année 2022 ?
Premièrement, de participer à un maximum de compétitions Karaté1 Premier League afin d’aller titiller le gratin mondial. Je souhaite me rapprocher un peu plus de mes concurrentes et gagner des places dans le ranking. Deuxièmement, d’être sélectionnée pour les prochaines compétitions de référence. Je pense notamment aux Championnats d’Europe, qui se dérouleront en mai et pour lesquels j’ambitionne de participer en individuel et en équipe.
Merci beaucoup Alexandra pour ta disponibilité et bonne année 2022 !
La carrière d’Alexandra Feracci en quelques lignes :
Evoluant en kata, Alexandra Feracci remporte en 2009 l’or des Championnats d’Europe Junior et le bronze des Championnats du monde Junior.
En 2018, elle se classe 5e à la fois aux Championnats d’Europe et aux Championnats du monde. Elle décroche ensuite la médaille de bronze des Championnats d’Europe 2019.
En 2021, elle est 5e des Championnats d’Europe. Elle se qualifie pour les Jeux Olympiques de Tokyo, lors desquels le karaté fait une apparition unique au programme Olympique. Elle y est éliminée en qualification (4e sur 5 dans sa poule). Aujourd’hui âgée de 29 ans, Alexandra Feracci vise les Championnats d’Europe 2022 à la fois en individuel et par équipe.
Participation aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020
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