Suite et fin de notre sĂ©rie d’interviews consacrĂ©e aux sportifs mĂ©daillĂ©s aux Jeux Olympiques de Sydney 2000. Il y a 20 ans, Arnaud Di Pasquale crĂ©ait la surprise et remportait la mĂ©daille de bronze du tournoi de simple. Il revient pour nous sur cet exploit.
Arnaud, vous avez remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Sydney il y a exactement 20 ans. A l’époque, cette médaille était-elle un objectif clair avant la compétition ou bien une bonne surprise pour vous ?
C’était une bonne surprise ! Comme sur chaque tournoi, l’objectif était d’aller loin mais c’était difficile d’anticiper le résultat. J’étais dans une phase où je ne jouais pas très bien. Mais je pensais que le fait de jouer pour l’équipe de France serait quelque chose d’extraordinaire et me permettrait de très bien rejouer au tennis. J’en étais intimement convaincu. Dix jours avant les Jeux de Sydney, on est partis sur un stage à Nouméa pour se préparer.
L’objectif a grandi au fil du tournoi. Au premier tour, j’ai battu Nicolas Kiefer. Au deuxième tour, j’ai gagné 6-2, 6-2 contre le Biélorusse Vladimir Voltchkov. Quand je suis sorti de ce match, je me sentais invincible. Je me suis alors dit que j’allais aller au bout et que j’allais être champion Olympique. Cela devenait très concret. Cette force est intervenue à ce moment-là et j’ai finalement eu la médaille de bronze. Jouer pour l’équipe de France m’a donné des ailes.
Après la défaite en demi-finale, cela a-t-il été difficile de vous remotiver pour le match pour la médaille de bronze ?
C’était très difficile car je n’imaginais pas autre chose que la victoire finale. Quand j’ai perdu, c’était comme une chute vertigineuse d’une vingtaine d’étages ! C’était infernal sur le moment. Je n’y croyais pas : mon rêve Olympique s’envolait ! Mais il fallait rebondir très rapidement car il y a un nouveau match. Je me suis remobilisé en me disant que j’avais encore une chance d’obtenir une médaille et de ne pas rentrer bredouille. J’avais le sentiment d’être un peu en mission et d’avoir 60 millions de regards tournés sur moi, qui m’attendaient au tournant et qui ne me louperaient pas si je ne remportais pas cette petite finale. Cette pression m’a fait un bien fou car elle m’a permis de me mettre dans une bulle imperméable de motivation, qui a eu pour conséquence de me ressaisir et de rebondir très vite sur l’objectif de la troisième place.
« C’est l’équipe de France qui a fait que j’ai eu ce résultat et que j’ai réussi à me transformer et à me sublimer »
Vous avez remporté la médaille de bronze en battant Roger Federer. On imagine que remporter une médaille Olympique a été un grand moment ?
Le match en lui-même était d’un piètre niveau, tellement la pression était forte des deux côtés et tellement on voulait cette médaille de bronze. Ça ne s’est joué à rien : au courage et à un peu de physique aussi, car on était épuisés. C’était une satisfaction folle d’avoir réussi à donner une médaille à la grande équipe de France. C’était une sorte d’ivresse et de bonheur total. Je me rappelle à la sortie du match avoir été face aux journalistes sans savoir quoi dire. Je me souviens avoir eu un sourire un peu idiot, dans une ivresse de bonheur. Je me sentais bête face à eux. Cette joie intense a duré pendant des jours. J’ai pris conscience à ce moment-là de la dimension et de la puissance des Jeux Olympiques.
Le tennis est très médiatisé et a moins besoin de l’exposition des Jeux Olympiques que d’autres sports. Cependant, le fait de représenter l’équipe de France aux JO vous a-t-il donné un supplément d’âme pour remporter cette médaille ?
Bien sûr ! Plus que tout ! Si je n’avais pas été en équipe de France, je n’aurais jamais eu cette médaille. C’est l’équipe de France qui a fait que j’ai eu ce résultat et que j’ai réussi à me transformer et à me sublimer. J’en étais arrivé au point de me dire que ce n’était pas moi qui jouais, pour vous dire à quel point c’était dingue ! J’ai dû regarder des photos pour être sûr que c’était bien moi ! C’est vraiment le fait d’avoir joué pour le drapeau et d’avoir mis le survêtement de l’équipe de France qui a permis ce résultat !
De façon plus globale, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Olympiques de Sydney ?
J’en garde de grands souvenirs. Plus que la médaille en soi, il y a la fierté d’avoir participé à cette aventure et d’avoir porté les couleurs de l’équipe de France. C’était incroyable de croiser d’autres athlètes et de participer à ce grand événement qui dépasse le cadre de notre quotidien de joueur de tennis, où on joue pour soi. En plus, les Jeux de Sydney ont été très réussis. On s’est régalés à tous les niveaux : dans le partage, dans les échanges… Aux JO, je regarde tous les sports quand il y a une chance de médaille pour la France. Même quand il s’agit d’une compétition internationale reconnue, il n’y a pas du tout ce sentiment. Aux Jeux Olympiques, on participe en équipe à une même compétition. Même si on a des disciplines différentes, on est tous ensemble et on va dans la même direction avec un seul but : essayer de ramener des médailles pour la France. Les JO sont le seul phénomène qui procure ça.
« Le fait d’avoir foulé le Central de Roland-Garros plein a été quelque chose de très fort »
Votre carrière est aussi marquée par une victoire ATP au tournoi de Palerme, des victoires contre Pete Sampras et Marat Safin, et deux 8e de finale à Roland-Garros. Mis à part les Jeux Olympiques, quel moment a été le plus marquant pour vous ?
C’est sans commune mesure comparable aux JO en termes d’émotions, mais le fait d’avoir foulé le Central de Roland-Garros plein a été quelque chose de très fort. Cette victoire à Palerme était aussi particulière. En effet, je suis allé au bout et mon père était là , alors qu’il m’a rarement accompagné sur le circuit. Il est Sicilien d’origine et j’avais un peu l’impression de jouer à la maison. Cette dimension du public m’a peut-être aussi permis d’une certaine manière de me sublimer.
Vous avez mis un terme à votre carrière à la suite de blessures en 2007, à l’âge de 27 ans. On imagine qu’arrêter sa carrière sur une blessure a été difficile à digérer ?
Pas du tout, pour être très honnête ! Je sais que c’est étonnant. Cela faisait un moment que j’étais blessé, que je souffrais et que je ne pouvais plus m’entraîner correctement. Je sentais que je ne reviendrai pas à mon meilleur niveau. J’avais l’impression de perdre du temps dans ma vie d’adulte. Je me disais que je pouvais continuer à être 100e, 150e ou 200e mondial, qui est un classement plus qu’honorable, mais que ce n’était pas mon ambition. J’ai rempli un certain nombre de cases et je me suis dit qu’il fallait mieux enchaîner le plus tôt possible sur autre chose. Je trouvais cela très excitant de penser à ce qui allait se passer et ce que j’allais vivre. J’imaginais cet après très riche et positif.
Que devenez-vous et quelles ont été les principales lignes de votre reconversion depuis l’arrêt de votre carrière ?
Il s’est passé pas mal de choses depuis 2007 ! J’ai d’abord repris les chemins de l’école pendant une année à Sciences Po Paris. Ils ouvraient leurs portes aux sportifs en reconversion. Très rapidement, j’ai été embauché chez IMG Mark McCormack. Pendant un an, j’y ai été agent de joueur et je me suis occupé de la division tennis à Paris. Ensuite, j’ai démissionné et j’ai eu une bonne étoile car la Fédération m’a embauché dans la foulée, en 2009. J’y ai effectué quatre ans en tant que Directeur du haut niveau masculin, puis quatre ans en tant que Directeur Technique National. Cela a été passionnant, riche et très formateur. Il y a trois ans, j’ai monté une boîte (Perform Consulting, ndlr) avec Alain Solves, qui était mon entraîneur quand j’avais 17 ans et qui était aussi le Directeur Technique National Adjoint quand j’étais à la Fédération. On intervient en entreprise sur des thèmes comme la gestion de la pression ou le rebond après l’échec. En parallèle de tout ça, je suis consultant dans les médias depuis de nombreuses années, et actuellement sur Eurosport. Enfin, je suis marié et père de famille comblé de deux enfants !
Merci beaucoup Arnaud pour cette interview et bravo pour votre médaille il y a 20 ans !
La carrière d’Arnaud Di Pasquale en quelques lignes :
Arnaud Di Pasquale devient champion du monde Junior et est numéro 1 mondial Junior en 1997. Il démarre sa carrière professionnelle en 1998 et atteint la finale du tournoi ATP de Bucarest. En 1999, il remporte le tournoi ATP de Palerme et atteint les 8e de finale de Roland-Garros.
Il brille lors des Jeux Olympiques de Sydney 2000 en remportant la médaille de bronze. Lors du tournoi, il bat notamment trois têtes de série. Il s’incline en demi-finale avant de remporter le match pour le bronze contre Roger Federer.
En 2002, il atteint de nouveau les 8e de finale de Roland-Garros. Suite à des blessures, il met un terme à sa carrière en 2007, à l’âge de 27 ans. Entre 2013 et 2017, il occupe les fonctions de DTN du tennis français. Aujourd’hui, Arnaud Di Pasquale est consultant sur Eurosport et est cofondateur de l’entreprise Perform Consulting.
Participation aux Jeux Olympiques de Sydney 2000
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 (simple messieurs)
Laisser un commentaire