Championne du monde de relais mixte en 2015, Audrey Merle a ensuite connu plusieurs annĂ©es difficiles avant d’apprendre qu’elle Ă©tait atteinte de la maladie de Lyme. Aujourd’hui guĂ©rie, elle vise en 2024 une deuxième participation aux Jeux Olympiques.
Audrey, tu as participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016 à l’âge de 21 ans et tu as terminé à la trente-cinquième place. Ce classement correspondait-il à tes attentes à l’époque ?
Honnêtement, pas du tout. Certes, je suis allée à Rio sans me mettre d’objectif en tête car la Fédération avait été très claire avec les deux Françaises qualifiées : on était trop jeunes et l’objectif était de prendre de l’expérience, pour éventuellement retourner aux Jeux Olympiques après. Mais l’année précédente, j’avais effectué une très bonne saison avec des résultats réguliers. Malheureusement, en 2016, ça a commencé à être beaucoup plus compliqué. Je suis arrivée aux Jeux avec pas mal de difficultés à l’entraînement. J’ai eu des hauts et des bas assez réguliers (Audrey a par la suite appris qu’elle avait la maladie de Lyme, ndlr). J’ai aussi eu plusieurs semaines d’arrêt, parce que je tentais de comprendre ce qui se passait et j’essayais de récupérer afin de laisser une chance à mon corps d’être au top à Rio. J’ai eu une petite lueur d’espoir avant les Jeux car ça allait mieux. Mais pendant la course, je ne me suis pas du tout sentie bien. Cela n’a finalement fait que refléter ma saison 2016, qui a été très moyenne.
Peux-tu nous raconter comment tu as vécu cette course Olympique de l’intérieur ?
Je suis arrivée très peu stressée par l’événement. C’était peut-être dû au fait qu’on n’avait pas spécialement d’attentes de la part de la DTN. Avec l’autre Française Cassandre Beaugrand, on est arrivées sur place cinq jours avant la course. Le triathlon féminin était l’avant-dernière épreuve du programme. Je n’ai pas été dans la folie des Jeux car notre course était à Copacabana et on ne logeait donc pas dans le Village Olympique. On n’était qu’entre triathlètes et staffs. On n’a rejoint le Village que le soir de notre course.
J’ai effectué une natation plutôt correcte. Ensuite, je n’ai pas réussi à faire le premier kilomètre de vélo suffisant pour intégrer le pack principal de la course. Cela a été le début des galères. J’ai été dans un pack isolé à l’arrière et on n’a jamais réussi à rentrer. Je suis donc partie sur la course à pied en étant déjà très loin de la tête de course.
Avec Cassandre, on a fait une course similaire et on a subi. C’est le genre de course qu’on redoute en triathlon : ne pas être dans le coup et subir jusqu’à la fin sans pouvoir être acteur. D’un côté, cela a été une satisfaction quand on a franchi la ligne car on était déjà contentes d’avoir vécu cette expérience. Mais d’un autre côté, je n’étais pas satisfaite du résultat. Etre trente-cinquième était très anecdotique et de nombreuses filles que j’avais déjà battues ont terminé dans le top 15.
« Je me souviens avoir vu Usain Bolt danser à sa fenêtre »
Qu’est-ce-qui t’a le plus marquée lors de ces Jeux Olympiques ?
J’avais des yeux d’enfant à découvrir les Jeux. Tout me paraissait immense. L’ampleur de l’événement et l’engouement des gens m’ont marquée. Je ne m’attendais pas du tout à ça car le triathlon reste une discipline peu médiatique. D’un coup, on se retrouvait avec des caméras partout. C’était assez étrange pour moi !
Il y a également le fait que toutes les disciplines soient rassemblées. En général, on a très peu d’échange avec les autres sports. Aux JO, on se retrouvait avec un objectif commun. Je trouve que ça rassemble beaucoup et que ça donne une dimension de partage de notre passion.
Enfin, le Village Olympique m’a aussi marquée. Il est immense et on y rencontre des sportifs d’un autre monde. Je me souviens avoir vu Usain Bolt danser à sa fenêtre. Je me suis alors dit que j’étais dans le même Village que lui et que je faisais aussi les Jeux ! Je me rappelle avoir eu un sentiment un peu étrange et de me sentir toute jeune et moins à ma place à côté de certains athlètes, alors que cela ne m’arrive jamais dans une compétition normale.
Tu es devenue vice-championne du monde en 2014 et championne du monde en 2015 en relais mixte, ainsi que championne du monde Espoir en 2015. Quelle médaille t’a le plus marquée ?
Je pense que c’est le titre de championne du monde de relais mixte avec l’équipe de France en 2015. Premièrement, car c’était un relais et que les sensations y sont décuplées. J’ai vécu des sensations géniales en courant, puis quand Vincent Luis a pris le dernier relais après moi. C’était hyper palpitant de suivre son dernier relais ! C’est une épreuve qui m’aura beaucoup marquée. Deuxièmement, car je trouve ça génial de partager avec les camarades de l’équipe de France. J’ai pu beaucoup apprendre aux côtés d’athlètes plus expérimentés comme Vincent. Et troisièmement, car la course d’Hambourg est particulière. Elle est appréciée par beaucoup d’athlètes car il y a une foule impressionnante. Tout cela mis bout à bout en font l’un des meilleurs souvenirs de ma carrière !
Tu as eu des années compliquées entre 2016 et 2019 avec des douleurs et des fatigues, et tu as finalement appris en 2019 que tu étais atteinte de la maladie de Lyme. Peux-tu nous raconter ce qui s’est passé pendant toutes ces années ?
Pour résumer, il y a eu des hauts et des très, très bas. De nombreuses choses m’ont été diagnostiquées à tort. A chaque fois, j’avais des symptômes un peu isolés qui apparaissaient mais les liens n’étaient pas faits entre eux. Une fois, on m’a dit que j’étais intolérante au gluten… Une autre fois, on m’a dit que j’avais des gonflements car je faisais des crises d’urticaire… Une autre fois, on m’a expliqué que mon genou était gonflé car j’étais blessée au genou, alors que je n’avais pas du tout mal au genou… Je suis passée d’une athlète assez solide à l’entraînement et qui ne se blessait jamais à une athlète qui se blessait sans arrêt et qui avait toujours des problèmes.
Au début, je continuais à m’entraîner plutôt correctement. J’arrivais à assumer un entraînement digne d’une sportive de haut niveau. Mais petit à petit, je ne pouvais plus m’entraîner correctement. Sur certaines semaines, je ne pouvais rien faire. J’avais tout le temps mal et j’étais tout le temps fatiguée ! Cela a ensuite joué sur le psychologique. J’ai commencé à beaucoup me remettre en question. Pourquoi cela se passait bien jusqu’en 2015 mais je me prenais ensuite des murs sans arrêt ? Cela a aussi joué sur mon comportement avec les autres. Je me suis repliée sur moi-même. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait et j’avais l’impression que personne n’arrivait à m’aider.
C’est ma Maman qui a insisté. Elle m’a dit qu’elle me connaissait bien, que ce n’était pas dans ma tête et qu’on allait continuer à creuser. Elle m’a aidée. Finalement, j’ai fait le bon test. Cela a permis de poser le bon diagnostic, quatre ans après : c’était la maladie de Lyme. Cela a été une longue traversée du désert.
« Cela a été une longue traversée du désert »
Quelle est la situation actuelle concernant ta santé ? Es-tu complètement guérie ?
J’ai été traitée à partir de septembre 2019. Le médecin m’avait dit qu’il y avait de l’espoir mais que ce n’était pas sûr que ça marche. Il m’avait aussi dit qu’il avait vu le cas de sportifs qui s’en étaient totalement remis et qu’il ne fallait donc pas que je baisse les bras. J’ai eu trois mois de traitement très intense. La pratique du sport était alors clairement mise entre parenthèse. Je m’entretenais selon ce qu’il était possible de faire avec les médicaments. J’ai très vite senti des effets bénéfiques. Au bout d’un mois et demi de traitement, de nombreuses choses commençaient à rentrer dans l’ordre et les douleurs articulaires ont disparu. Cela m’a bien boostée.
Après le traitement, j’ai assez vite repris l’entraînement. Bien sûr, je l’ai fait avec prudence. On m’avait prévenue qu’il faudrait peut-être une année pour que le corps se remette en route. Finalement, c’est à peu près ça. C’est allé de mieux en mieux jour après jour. Je n’ai pour l’instant pas eu de rechute et je peux considérer que je suis guérie. Si le moindre symptôme réapparaît, je sais quelles démarches effectuer à qui m’adresser.
Quels sont tes prochains objectifs, Ă court et Ă moyen terme ? As-tu en tĂŞte une participation aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ?
Je suis quelqu’un qui marche avec des objectifs. J’ai besoin de ça. Quand j’ai repris, la première chose que j’ai essayé de construire est le projet pour lequel je voulais reprendre avec autant d’investissement. Clairement, derrière tout ça, il y a les Jeux de Paris 2024. Mais ce n’est pas une fin en soi. On est dans une discipline où il y a énormément de moyens de se faire plaisir, sans forcément participer aux Jeux. Il y a un gros niveau actuellement en France. J’ai envie d’être portée dans cette dynamique et de me rapprocher des meilleures filles actuellement. Et pourquoi pas intégrer le relais français ? C’est une épreuve que j’affectionne particulièrement. L’objectif à court terme est d’être à nouveau performante sur les Coupes d’Europe et les Coupes du monde. Puis il sera de regagner un ticket pour intégrer les WTS (World Triathlon Series), qui sont le niveau au-dessus des Coupes du monde.
Merci beaucoup Audrey et bonne chance pour la suite de ta carrière !
La carrière d’Audrey Merle en quelques lignes :
Audrey Merle brille dès le début de sa carrière en relais mixte en devenant vice-championne du monde en 2014 (avec Cassandre Beaugrand, Dorian Coninx et Vincent Luis) puis championne du monde en 2015 (avec Jeanne Lehair, Dorian Coninx et Vincent Luis).
En 2015, elle remporte le titre de championne du monde Espoir et termine 2e de la Coupe du monde de Tiszaujvaros (Hongrie). Elle est sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Rio 2016, où elle se classe à la 35e place. Cette même année, elle est 4e du relais mixte aux Championnats du monde.
Elle enchaîne ensuite plusieurs années avec des douleurs articulaires et de la fatigue, avant d’apprendre en 2019 qu’elle est atteinte de la maladie de Lyme. Aujourd’hui âgée de 25 ans, Audrey Merle reprend la compétition.
Participation aux Jeux Olympiques de Rio 2016
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