Interview de Benjamin Lacroix-Desmazes
(handisport)

Il y a deux mois, Benjamin Lacroix-Desmazes participait aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 et Ă©tait le capitaine de l’Ă©quipe de France de volley assis. Il revient pour nous sur cette expĂ©rience inoubliable et l’impact des Jeux sur le handisport en France.

Benjamin, vous Ă©tiez le capitaine de l’équipe de France de volley assis aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Pouvez-vous tout d’abord nous raconter dans quelles circonstances vous avez commencĂ© ce sport ? Pratiquiez-vous dĂ©jĂ  le volley avant votre accident ?

Oui, je pratiquais le volley quand j’étais valide, de l’âge de 12-13 ans à 17-18 ans environ. J’en faisais au niveau régional avec mes copains, donc plutôt en loisir. J’ai eu mon accident à l’âge de 22 ans. Je n’ai pas retouché un ballon de volley pendant des années. Puis, en 2016-2017, un ami d’enfance qui travaillait dans le milieu du handicap s’est intéressé au volley assis et m’a proposé d’essayer. J’ai effectué un essai et j’ai rapidement été mis en contact avec l’équipe de France. Mon petit bagage de volleyeur m’a permis d’intégrer rapidement l’équipe, qui était en train de se construire et avait seulement six mois quand je l’ai rejointe. Le volley assis est paralympique depuis 1980 donc on a quatre décennies de retard sur nos adversaires.

La cĂ©rĂ©monie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Paris s’est dĂ©roulĂ©e dans le cadre magnifique de la place de la Concorde. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vĂ©cu cette cĂ©rĂ©monie de l’intĂ©rieur ?

C’était totalement dingue ! On est partis du Village Olympique en bus et on s’est fait escorter par les motards de la gendarmerie et de la police dans une ambiance incroyable de fête et de communion. On voyait des spectateurs nous acclamer le long des routes.

Descendre les Champs ElysĂ©es Ă  pied et entrer sur la place de la Concorde Ă©tait un moment inoubliable ! Quand j’ai levĂ© les yeux, ces tribunes m’ont paru immenses ! J’en ai encore des frissons rien qu’en en parlant. Il y avait une telle ferveur du public ! C’était aussi une forme de consĂ©cration pour nous, après sept ans de travail et de sacrifices avec la famille. Cela marquait le dĂ©but des Jeux. On y Ă©tait enfin !

« Descendre les Champs Elysées à pied et entrer sur la place de la Concorde était un moment inoubliable ! »

Il s’agissait de la première participation de l’équipe de France de volley assis aux Jeux Paralympiques et le public a répondu présent. Vous attendiez-vous à un tel engouement pour vos matches ?

Non, pas du tout ! On n’a pas l’habitude de jouer dans des salles remplies qui nous supportent. On savait qu’il y aurait du monde, mais on ne savait pas du tout que cela prendrait cette ampleur et que le public serait 100% derrière nous du premier au dernier point, mĂŞme quand on Ă©tait en difficultĂ© ! Quand on marquait un point, c’est comme si on gagnait le match pour le public ! Cet enthousiasme et ce soutien sur chaque ballon Ă©taient extraordinaires Ă  vivre.

L’équipe de France a perdu ses quatre matchs et s’est donc classée dernière du classement de ces Jeux Paralympiques. Quel regard portez-vous sur vos performances ?

Comme je le disais tout à l’heure, on a quatre décennies de retard sur nos adversaires. Il y a un an et demi, on était derniers du classement mondial, et avant les Jeux, on était 23e. La Fédération a mis des moyens en place pour nous permettre de progresser le plus rapidement possible et on a eu une très belle progression.

On est arrivés aux Jeux en outsider et on savait que ce serait difficile. Evidemment, on aurait aimé faire mieux, gagner un match et gagner des sets. Mais on était à notre niveau. Nos adversaires sont plus développés et ont des centaines, voire des milliers de joueurs dans leur pays. Certaines nations ont même des athlètes professionnels, qui s’entraînent toute l’année ensemble et qui sont payés. En France, on est encore à des années lumières de ça mais on espère y arriver dans les années à venir grâce à ces Jeux de Paris.

On était là aussi pour promouvoir notre discipline et la faire connaître au grand public. De ce côté-là, je pense qu’on a rempli notre mission. On a quand même montré un beau visage de notre sport et c’est ce qui était le plus important pour nous.

De façon plus globale, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Paralympiques de Paris 2024 ?

Ce sont toutes les rencontres et les Ă©motions grâce Ă  ces Jeux. Avec d’autres athlètes, on a des frissons et mĂŞme parfois les larmes aux yeux quand on en reparle et qu’on se remĂ©more des souvenirs. Je garde en mĂ©moire la beautĂ© de ce projet collectif et humain dans lequel je suis depuis 8 ans. On s’est tous battu individuellement et collectivement pour ĂŞtre Ă  Paris !

« Je pense que la Fédération aurait tout à gagner à organiser un match de volley assis entre l’équipe de France valide et celle handisport »

Pensez-vous que ces Jeux Paralympiques de Paris vont changer durablement la place du handisport en France ?

Oui. J’ai dĂ©jĂ  vu la diffĂ©rence Ă  partir de 2017, quand on a su qu’on aurait les Jeux Ă  la maison. Le programme « La Relève Â» a Ă©tĂ© mis en place en vue des Jeux de Paris. Il permet de dĂ©tecter des personnes en situation de handicap et de leur faire pratiquer du sport, que ce soit en loisir ou en haute-performance.

Cela fait 22 ans que je suis amputé et j’ai vraiment vu la différence grâce à ces Jeux. Ça a mis en lumière toutes les disciplines. Des spectateurs m’ont expliqué que tous les sports ont été un spectacle incroyable et qu’ils ont découvert de vrais athlètes. On ne veut surtout pas de la pitié des gens. On veut juste être considérés comme des athlètes de haut-niveau.

Je pense que ces Jeux de Paris 2024 ont vraiment aidé et vont continuer sur la durée à développer le parasport en France. A nous aussi, athlètes, de continuer à promouvoir nos disciplines et à faire bouger nos Fédérations et nos clubs.

Quelles sont vos relations avec les joueurs de l’équipe de France de volley valide, championne Olympique ? Avez-vous des Ă©vĂ©nements en commun ?

Je pense que la FĂ©dĂ©ration aurait tout Ă  gagner Ă  organiser un match de volley assis entre l’équipe de France valide et celle handisport. Et pourquoi pas, Ă  un moment donnĂ©, mixer les Ă©quipes ? Je pense que ce serait une superbe image d’inclusion par le sport. Je rĂŞve de faire ça ! On a dĂ©jĂ  eu la chance de faire quelques Ă©changes contre eux en 2019 et ça avait Ă©tĂ© un super moment. J’espère que la FĂ©dĂ©ration va lancer ça et trouver une date car on a tous des emplois du temps bien remplis.

A titre individuel, j’ai quelques échanges avec Benjamin Toniutti, le capitaine de l’équipe de France valide. Il a toujours répondu présent à mes sollicitations. On s’était par exemple appelé quand j’avais besoin d’informations sur le capitanat.

Vous avez actuellement 45 ans. Quels sont vos prochains objectifs sportifs ? Allez-vous continuer votre carrière en volley assis ?

J’espère poursuivre le plus longtemps possible et continuer à progresser. Il s’agit d’un sport qu’on peut pratiquer assez longtemps, tant qu’on ne se blesse pas. Par exemple, le capitaine de l’équipe d’Allemagne a 50 ans et il a participé à Paris à ses septièmes Jeux Paralympiques. Mais il faut aussi que je recentre les priorités avec ma famille car ils ont fait beaucoup de sacrifices pour me permettre de vivre cette aventure.

On a gagnĂ© un tournoi Ă  Prague il y a un mois. C’était le premier titre de l’équipe de France et on est très fiers d’avoir remportĂ© une mĂ©daille d’or. Dans trois semaines, on sera en Turquie pour les Championnats d’Europe B. On espère y monter sur le podium, ce qui nous permettrait de passer en Championnat d’Europe A. C’est le dĂ©fi qu’on s’est lancĂ©s !

Merci beaucoup Benjamin pour votre disponibilité !

Crédits photos : World Paravolley

La carrière de Benjamin Lacroix-Desmazes en quelques lignes :

Benjamin Lacroix-Desmazes a 22 ans quand il doit se faire amputer d’une partie de sa jambe gauche après un accident en gare avec un train. Il essaie le volley assis seize ans plus tard, en 2017, et intègre rapidement l’équipe de France. Il y évolue au poste de passeur. Aux Championnats d’Europe, il termine 16e en 2021 et 7e en 2022. En 2023, la France prend la 10e place de la Coupe du monde. En parallèle, il devient champion de France de para triathlon en 2019 et en 2020.

Il est le capitaine de l’équipe de France lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024. Il s’agit de la première participation de la France aux Jeux Paralympiques. L’équipe de France y perd ses quatre matches et termine 8e du tournoi.

En octobre 2024, les Bleus remportent la Bronze Nations League. Aujourd’hui âgé de 45 ans, Benjamin Lacroix-Desmazes vise un podium aux Championnats d’Europe B en ce mois de novembre.

drapeau paralympique Participation aux Jeux Paralympiques de Paris 2024

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