Le 4 aoĂ»t 2012, Delphine RĂ©au-Racinet remportait Ă Londres sa deuxième mĂ©daille Olympique en trap. A l’occasion du dixième anniversaire de ce podium, elle revient pour nous sur cette mĂ©daille de bronze ainsi que sur celle d’argent remportĂ©e en 2000.
Delphine, vous avez remporté la médaille de bronze des Championnats du monde 1999. A l’époque, cette médaille était-elle un objectif clair ou bien une bonne surprise ?
A l’époque, je sentais que j’étais capable de remporter une médaille dans une grande compétition internationale. Mais pour être honnête, cette médaille aux Championnats du monde 1999 n’était pas un objectif clair. Mon but était alors d’atteindre la finale en terminant dans les six premières. Au-delà de la médaille, ma plus grosse surprise était d’avoir obtenu le quota pour les Jeux de Sydney. Je n’avais pas du tout calculé cela. Je sentais donc que j’étais en train de passer un palier, et les Championnats du monde en ont été la révélation.
Vous avez ensuite décroché la médaille d’argent des Jeux Olympiques de Sydney 2000. Dans quel état d’esprit étiez-vous avant la compétition ?
En parallèle de ma carrière sportive, je poursuivais mes Ă©tudes sans amĂ©nagement particulier. Je visais le DiplĂ´me d’Etudes SupĂ©rieures Comptables et Financières (un bac + 5). En 2000, mon objectif Ă©tait double : d’abord passer mon diplĂ´me, puis me concentrer uniquement sur les Jeux pour remporter une mĂ©daille. Mais je priorisais clairement mes Ă©tudes et je suis mise un peu la pression pour obtenir le diplĂ´me. Après avoir obtenu le diplĂ´me, j’étais libre car j’avais environ huit mois pour prĂ©parer les Jeux.
Six mois avant les Jeux, j’ai gagné la Coupe du monde pré-Olympique en battant le record du monde. Quand je suis arrivée à Sydney, j’avais donc une ambition de médaille. La veille de la compétition, j’ai mal dormi. C’est classique : le dossard des Jeux est toujours lourd à porter. Mais comme j’avais tout calé avant dans ma tête, la peur s’est transformée en force. A partir du moment où j’ai su que j’étais en finale, je savais que j’avais fait le plus dur.
Racontez-nous comment vous avez vécu cette finale de l’intérieur à Sydney ?
A l’époque, on cumulait les points de la qualification et ceux de la finale. Au début de la finale, j’étais quatrième. Je n’avais pas de grosse pression car j’avais pas mal de retard sur la première et je courrais après celles qui étaient devant moi. Une Allemande tirait avant moi et ses supporters applaudissaient à chacun de ses tirs. Il y avait du bruit et j’estimais que j’avais besoin de plus de temps pour me préparer. Du coup, je prenais plus de temps pour préparer chaque plateau. J’ai senti que je dominais la finale et que la première vacillait. Cela s’est joué à un seul plateau à la fin ! Dans mon état d’esprit, j’ai vraiment gagné la médaille d’argent !
« J’ai senti que je dominais la finale et que la première vacillait »
Quatre ans plus tard, vous n’avez pas été sélectionnée pour les Jeux Olympiques d’Athènes 2004, bien que vous ayez décroché le quota. On imagine que ça a été difficile à digérer ?
Oui. Cela a été le pire cauchemar de ma vie à ce moment-là . Mon petit monde s’est écroulé et je me suis effondrée physiquement et mentalement. Pendant quinze jours, j’ai eu besoin d’être juste avec moi-même et de ne plus parler avec personne. Je voulais faire le point et de me demander si je continuais ou si j’arrêtais. Comme tout grand sportif de haut niveau, j’ai décidé de me relever.
Ça a été une richesse pour la suite de ma carrière car je n’ai pas lâché. J’ai repris mon petit bâton de pèlerin pour reconquérir ma place pour les Jeux Olympiques suivants. Ce qui était un échec s’est transformé en un énorme apprentissage. J’ai vraiment perçu qu’on est capable de trouver des ressources insoupçonnables quand tout va mal. L’année d’après, j’ai gagné les Jeux Méditerranéens. C’était une petite revanche sur moi-même, qui me permettait de montrer que j’étais toujours là et que je repartais au combat !
Vous avez remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Londres 2012 après un tir de barrage avec deux autres concurrentes qui étaient à égalité. Racontez-nous comment vous avez vécu cette compétition ?
J’étais toujours en double projet pour les Jeux Olympiques de Londres. Je travaillais en finance chez Bouygues Construction. Je bénéficiais d’un temps aménagé pour pouvoir pratiquer le sport de haut niveau. Je m’étais rendue compte avec le temps que les deux mondes du sport et de l’entreprise ne s’étaient jamais rencontrés et qu’il fallait que je gère moi-même les deux, en étant leur « interprète ». Un jour, je me suis dit que je n’allais pas préparer ces Jeux de Londres de la même façon. J’ai décidé de réunir les deux mondes pour convenir ensemble d’une stratégie et d’un planning. Je voulais que tout le monde s’engage sur ce projet. Je n’ai donc pas du tout abordé Londres de la même manière.
Mon objectif était de gagner les Jeux. Mais quand je suis arrivée en finale, je savais que l’or était inatteignable. Mon second objectif était de remporter une médaille. Je voulais me prouver que j’étais capable de le refaire. Lors de cette finale, j’étais sereine, déterminée et prête à soulever des montagnes. Argent ou bronze, ce n’était pas le débat. Et j’ai obtenu le bronze après le tir de barrage !
Vous avez participé à trois éditions des Jeux Olympiques : Sydney 2000, Pékin 2008 et Londres 2012. Quelle est l’édition qui vous a le plus marquée ?
Chaque édition des Jeux Olympiques est différente. Sydney, c’était la découverte et le rêve. Je suis partie là -bas sans ma famille et mes amis, mais le fait d’y aller était à l’époque tellement le plus important. J’ai adoré l’Australie. Pékin, c’est la reconstruction suite à ma non-sélection à Athènes. C’était un entre-deux où je n’ai pas réussi à gérer correctement ma vie professionnelle et ma vie d’athlète. Ça m’a permis de rebondir sur Londres, qui était l’apothéose. Mon mari et des amis proches avaient effectué le déplacement. Les JO de Londres étaient très animés et très conviviaux. On a eu un super club France. C’était comme un aboutissement.
J’ai aimé tous les Jeux auxquels j’ai participé. Ils m’ont tous apporté quelque chose de différent. Je suis pour toujours une fan des Jeux. C’est la seule opportunité pour notre sport de pouvoir briller et d’échanger avec des athlètes d’autres sports plus connus. C’est une grande fête du sport, même s’il y a bien sûr des enjeux commerciaux. D’un point de vue émotionnel, il n’y a rien de comparable pour moi ! On a vraiment la sensation d’appartenir à une communauté du sport de haut niveau.
« Après cette médaille, j’ai vraiment eu envie de transmettre aux autres athlètes français cette fibre »
Vous avez remporté deux médailles Olympiques à douze ans d’intervalle. Comment avez-vous vécu la période d’après-médaille Olympique dans chaque cas ?
Après ma première médaille Olympique, je n’acceptais plus de perdre. Je n’acceptais plus d’avoir parfois un niveau qui n’était pas celui que j’attendais. Il m’a fallu du temps. La déception d’Athènes est venue au bon moment car j’avais besoin de cette claque pour descendre un peu de mon nuage. Ma deuxième médaille, à Londres, était celle de la sagesse, de l’apprentissage, de la renaissance et aussi de la transition. Après cette médaille, j’ai vraiment eu envie de transmettre aux autres athlètes français cette fibre pour qu’ils puissent eux aussi s’accomplir dans leur sport.
Comment avez-vous vécu l’arrêt de votre carrière en 2017 ?
L’arrêt de ma carrière a été un moment difficile. Cela a été un deuil du passé qui était nécessaire. Il ne faut pas faire le match de trop. On peut durer longtemps dans mon sport, mais je n’avais pas envie de finir avec des regrets et de la frustration. Mon fils m’a aussi rappelé qu’il avait besoin de moi. Mes déplacements à l’étranger étaient trop nombreux. Ils n’étaient pas non plus compatibles avec mon évolution professionnelle chez Bouygues. Toutes ces raisons ont fait que j’ai arrêté. J’ai voulu poursuivre la transmission autrement !
Quelles sont vos principales activités depuis ?
Je travaille toujours chez Bouygues. Cela fait désormais 17 ans. La reconversion est donc possible. Je suis membre du Racing Club de France et Présidente de la section Tir depuis le décès en 2017 du Président. J’ai intégré son Comité Directeur pour essayer d’aider à reconstruire. Je suis élue dans ma petite commune de 500 habitants, en tant que conseillère municipale en charge des Sports. Je suis également membre de la Commission des Athlètes de Haut-niveau du CNOSF ainsi que membre de la Commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations du Comité Olympique. Je suis aussi ambassadrice des sports pour la région Île-de-France et membre du Comité français du Fair-play. Pendant six ans, jusqu’en mai dernier, j’étais membre du Comité de déontologie. Je ne m’ennuie donc pas trop ! Il a fallu que je compense l’arrêt de ma carrière. Le sport m’a beaucoup apporté et j’essaie de lui rendre !
Merci beaucoup Delphine et bonne continuation !
Crédits photo 2 : FFtir J. Heise
La carrière de Delphine Réau-Racinet en quelques lignes :
Pratiquant le tir en fosse Olympique, Delphine Réau-Racinet obtient la médaille de bronze en individuel ainsi que l’argent par équipe des Championnats du monde 1999. Lors des Jeux Olympiques de Sydney 2000, elle décroche la médaille d’argent. En 2005, elle remporte les Jeux Méditerranéens.
Elle devient vice-championne d’Europe en 2006 puis championne d’Europe en 2007. Elle se classe treizième des Jeux Olympique de Pékin 2008. En 2011, elle décroche la médaille de bronze des Championnats d’Europe ainsi que l’argent par équipe des Championnats du monde.
Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, elle remporte la médaille de bronze. Elle se classe 4e des Championnats d’Europe 2015. Elle met un terme à sa carrière en 2017. Aujourd’hui, Delphine Réau-Racinet travaille chez Bouygues et est notamment membre de la Commission des Athlètes de Haut-niveau du CNOSF.
Participations aux Jeux Olympiques de Sydney 2000, PĂ©kin 2008 et Londres 2012
Médaillée d’argent des Jeux Olympiques de Sydney 2000 (trap femmes)
Médaillée de bronze des Jeux Olympiques de Londres 2012 (trap femmes)
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