Il y a dix ans, Dorian Mortelette a remportĂ© la mĂ©daille d’argent des Jeux Olympiques de Londres 2012. Il revient pour nous sur son expĂ©rience Olympique, marquĂ©e Ă©galement par une mĂ©daille de bronze aux Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008.
Dorian, tu as remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Pékin 2008 en quatre sans barreur, après avoir pourtant dû passer par les repêchages. Quel a été le déclic pour décrocher cette médaille de bronze ?
Le déclic a tout simplement été notre entraîneur, qui a été bon ! Jusqu’aux repêchages, on était quatre gamins en voyage en Chine. Ensuite, il nous a fait prendre conscience qu’on était aux Jeux Olympiques et qu’on avait un réel potentiel. Il nous a montré des vidéos de nos familles et de nos amis qui étaient restés en France et qui nous encourageaient. Cela nous a fait prendre conscience de la grandeur de l’événement et de la chance qu’on avait d’être là . On avait une opportunité à saisir et il fallait qu’on arrête de faire les gamins ! On s’est alors mis en route !
Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, tu as décroché avec Germain Chardin la médaille d’argent en deux de pointe sans barreur, juste devant les Britanniques. Raconte-nous comment tu as vécu cette finale de l’intérieur ?
Un vent de travers était prévu sur la finale et avantageait donc certaines lignes d’eau. Les vainqueurs des demi-finales, les Britanniques et les favoris Néo-Zélandais, avaient eu l’avantage sur le choix des lignes d’eau. Avec Germain, on s’est ainsi retrouvés au milieu et désavantagés par rapport à eux. Mais on a réussi à laisser cet aspect de côté.
En demi-finale, on avait été battus par les Anglais, mais on les avait gérés pendant la course et on avait senti qu’on aurait pu les battre. C’était une petite stratégie de ne pas leur dévoiler notre finish à ce moment-là , afin de les surprendre en finale. C’est ce qui s’est passé !
« Jusqu’aux repêchages, on était quatre gamins en voyage en Chine »
Comment as-tu vécu à chaque fois la période d’après-médaille Olympique ? Le retour à l’entraînement a-t-il été compliqué ?
Il y a eu toute l’euphorie qui va avec la médaille des Jeux. Pour l’aviron, cela dure deux ou trois mois et après c’est terminé. Notre sport n’est pas médiatisé donc on est petit à petit oubliés. Je n’ai jamais eu de problème pour revenir à l’entraînement ! Ma femme m’a aussi vite fait comprendre que la vie ne s’arrêtait pas au sport, que j’avais des enfants et qu’il fallait que je m’occupe de la maison !
Lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, tu as terminé cinquième en deux de pointe sans barreur. Ce résultat correspondait-il à tes attentes ou bien était-ce une déception quatre ans après la médaille d’argent ?
L’Olympiade de Rio a été assez difficile car notre DTN nous a mis des bâtons dans les roues. On a commencé en étant vice-champions du monde en 2013 derrière les Néo-Zélandais, qui étaient intouchables. On réalisait de belles performances avec Germain en deux sans barreur, mais le DTN a absolument voulu qu’on fasse du huit. Il a voulu mélanger la couple (deux rames par personne) et la pointe (une rame par personne) et mettre les meilleurs dans un huit. Sauf que ce n’est pas comme ça que ça marche ! Ce n’est pas en mettant les meilleurs dans un bateau qu’il ira plus vite. Ce n’est aussi pas ma philosophie du sport. Je veux ramer avec quelqu’un que j’aime bien, et pas avec des noms.
Mais comme le DTN a tout fait pour qu’on fasse du huit, on en a fait. On a terminé cinquième des Championnats du monde 2014. L’année d’après, on a dit avec Germain qu’on arrêtait et qu’on retournait en deux sans barreur. Le DTN nous a alors pourri la vie toute l’année. Il a divisé par deux nos aides mensuelles personnalisées. Or, en tant que rameur, ces aides sont très importantes car on ne gagne pas notre vie avec notre sport. Bref, le DTN nous a mis des bâtons dans les roues alors que pour être bon en sport, il faut être bien psychologiquement et il faut que les conditions autour du sportif soient bonnes. Il n’y a pas de secret !
Tu as participé à trois éditions des Jeux Olympiques : Pékin 2008, Londres 2012 et Rio 2016. Quelle est celle qui t’a le plus marqué ?
Ce sont clairement les Jeux Olympiques de Pékin qui m’ont le plus marqué ! On était quatre copains, quatre gamins qui atterrissaient en Chine et qui étaient contents. Au Village Olympique, il y avait plein de stars et une salle de jeu où on passait nos journées à faire des paniers de basket. Au self, il y avait le McDo et des restaurants du monde entier.
On n’était pas favoris pour la médaille. Entre la prise de conscience après les repêchages, la demi-finale où on a éliminé les champions du monde en titre, et la médaille au bout, alors qu’on n’avait jamais remporté de médaille aux Championnats du monde ! C’est clairement le meilleur souvenir de ma carrière !
« J’étais bien sûr déçu, mais j’étais plus triste pour eux que pour moi ! »
Tu as mis un terme à ta carrière après les Jeux Olympiques de Rio 2016 mais tu as décidé de revenir fin 2019 pour tenter de participer aux Jeux Olympiques de Tokyo. La reprise de l’entraînement n’a pas été trop compliquée ?
Après mon arrêt officiel, juste après Rio, je n’avais bien évidemment plus la vie de sportif de haut niveau car je travaillais 39 heures. Mais je n’ai jamais arrêté le sport : je courrais souvent, je faisais beaucoup de vélo, je faisais de l’ergo, je participais aux Championnats de France d’aviron avec mon club… Cela a donc été très facile de revenir à l’entraînement car j’étais en bonne condition physique. Je suis retourné à l’entraînement avec Thibaut Verhoeven. Je n’aurais pas repris sans lui.
Dans ce contexte de reprise, comment as-tu vécu le report des Jeux Olympiques de Tokyo à cause du covid-19 ?
Cela a été compliqué. Comme les Jeux de Tokyo ont été décalés d’un an, on s’est sérieusement posé la question d’aller ou non jusqu’en 2021. Cela signifiait pour ma femme et ma famille que je repartais une année de plus. Or, être sportif de haut niveau implique 150 jours de stage par an. Mais j’avais arrêté le boulot et j’avais repris l’entraînement pour tenter la qualification aux Jeux, du coup on a continué !
Malheureusement, ton embarcation a terminé troisième de la finale de la régate de qualification Olympique en 2021, alors que seulement les deux premiers étaient qualifiés pour Tokyo. On imagine que cela a été difficile à digérer ?
Cela a été difficile, pas forcément pour moi mais plus pour les trois jeunes avec qui je ramais. J’ai surtout eu du mal à l’accepter pour eux. Ils méritaient d’aller à Tokyo et de vivre les Jeux Olympiques au moins une fois. J’étais bien sûr déçu, mais j’étais plus triste pour eux que pour moi ! C’est le sport !
Comment se passe ta reconversion ?
Juste après les Jeux Olympiques de Rio, j’ai effectué une formation de plombier-chauffagiste. Et depuis, je travaille donc en tant que plombier-chauffagiste ! Je n’ai pas arrêté le sport. Je viens par exemple d’effectuer un trail de 34 km dans les Vosges. Et en octobre, je vais participer aux Championnats de France d’aviron courte distance !
Merci beaucoup Dorian et bravo pour ta carrière !
Crédits photo 3 : FFA Eric Marie
La carrière de Dorian Mortelette en quelques lignes :
Dorian Mortelette termine 6e des Championnats du monde en 2006 et en 2007 (en quatre sans barreur). Lors des Jeux Olympiques de Pékin 2008, il remporte la médaille de bronze du quatre sans barreur. Il obtient ensuite l’or en 2008 et le bronze en 2009 aux Championnats d’Europe en huit barré. En 2009, il se classe 4e des Championnats du monde (en deux sans barreur).
Il devient champion du monde du quatre sans barreur en 2010. En deux sans barreur, il remporte avec Germain Chardin l’argent lors des Jeux Olympiques de Londres 2012 ainsi que lors des Championnats du monde 2013 et des Championnats d’Europe 2015. En 2014, il termine 5e des Championnats du monde en huit barré.
Il se classe 5e des Jeux Olympiques de Rio 2016 en deux sans barreur. Il met ensuite un terme à sa carrière, puis revient fin 2019 avec pour objectif les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 en quatre sans barreur. Après une 4e place aux Championnats d’Europe 2020, le bateau échoue à se qualifier en 2021 pour les JO. Dorian Mortelette arrête alors définitivement sa carrière. Il est aujourd’hui plombier chauffagiste.
Participations aux Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008, Londres 2012 et Rio 2016
Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Londres 2012 (deux de pointe sans barreur)
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Pékin 2008 (quatre de pointe sans barreur)
Bel exemple pour notre sport et tous mes vœux taccompagnent pour ta reconversion. Un petit mot pour ta compagne support indispensable a ta carrière sportive