En 2020, elle a été élue meilleure joueuse au monde de la décennie. Elle compte à son palmarès une troisième place à la Coupe du monde 2014, deux tournois du Grand Chelem et une participation aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Voici Jessy Trémoulière.
Jessy, tu as terminé troisième de la Coupe du monde 2014 de rugby à XV qui s’est déroulée en France. On imagine que monter sur le podium devant le public français a été un grand moment ?
Oui, ça a été un grand moment. C’était ma première Coupe du monde et elle se disputait en France, devant ma famille et mes amis. L’événement en lui-même était très fort. J’ai un petit regret, c’est qu’on a terminé troisième. On avait vraiment une très belle équipe cette année-là et on peut avoir des regrets de ne pas avoir été en finale. On a perdu en demi-finale sur deux petits détails qui nous ont coûté cher. C’est le seul regret. Mais on a fini troisième et c’était une belle place devant le public français. Cette Coupe du monde a marqué le début d’un engouement pour le rugby féminin. On a vu après que beaucoup de médias et de monde se sont intéressés à nous.
Tu as participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016 alors que tu étais réserviste. Raconte-nous comment tu as vécu ces Jeux Olympiques ?
Les Jeux Olympiques, c’est quelque chose d’exceptionnel. Quand j’étais petite, je regardais cet événement à la télé. Qui ne rêve pas d’aller aux Jeux Olympiques ? Quand on m’a dit que j’étais réserviste pour les Jeux de Rio, c’était déjà exceptionnel pour moi. Ma coéquipière s’est malheureusement blessée et le sélectionneur a décidé de me faire entrer. Entrer dans le Village Olympique et faire la compétition étaient des moments marquants de ma carrière. Malheureusement, on a terminé sixième. C’était une place décevante. Mais c’était un très beau moment de participer aux Jeux Olympiques. Pour ma part, je ne les referai jamais (elle se consacre depuis 2019 au rugby à XV, ndlr). Au Village Olympique, j’ai pu échanger avec d’autres sportifs de très haut niveau avec beaucoup de talents. Je retiens surtout une expérience humaine très enrichissante.
« Être la meilleure joueuse au monde était un objectif depuis plusieurs années »
Tu as malheureusement dû déclarer forfait pour la Coupe du monde 2017 de rugby à XV à cause d’une blessure. As-tu mis longtemps à digérer cette déception ?
Oui. Je me suis blessée au mois de mars 2017. Ma blessure a un peu traîné car je ne savais pas exactement ce que j’avais. J’ai donc perdu un peu de temps. Cela fait partie du sport. En juillet, j’ai dû déclarer forfait pour cette Coupe du monde. Cela m’a mis un coup de massue. En effet, je n’avais qu’un objectif durant toute cette blessure : revenir à ma meilleure forme possible pour faire cette Coupe du monde. Malheureusement, le destin en a fait autrement. Ensuite, j’ai su me remobiliser. La vie ne s’arrêtait pas sur cet événement et je n’arrêtais pas ma carrière sur cette blessure. Je suis repartie sur le rugby à VII et le rugby à XV.
Tu as été élue meilleure joueuse du monde de l’année en 2018 et meilleure joueuse du monde de la décennie en 2020. Qu’est-ce-que ces récompenses ont changé pour toi ?
En premier lieu, elles récompensent tout le rugby français et tout ce que la Fédération a mis en place. Cela fait quelques années que des contrats ont été instaurés en rugby à VII et en rugby à XV. Personnellement, être la meilleure joueuse au monde était un objectif depuis plusieurs années et cela a concrétisé tout le travail mis en œuvre pour arriver à ce niveau. Mais pour moi, ces récompenses ne sont pas qu’individuelles. Elles sont aussi collectives. Je pratique un sport collectif et de nombreuses personnes gravitent autour de moi et m’ont beaucoup apporté pour arriver au très haut niveau. Je pense notamment à mon préparateur physique qui m’a remonté le moral quand j’étais blessée, à mon kiné qui a su me remettre sur pieds, aux staffs de l’équipe de France et de mon club qui ont aussi contribué, et bien sûr à ma famille et à mes amis proches.
Tu as remporté le Grand Chelem en 2014 et en 2018. Est-ce que ce sont les meilleurs souvenirs de ta carrière ?
Je ne pense pas pouvoir parler d’un meilleur souvenir. Un Grand Chelem signifie qu’on a gagné cinq matches. Chaque match en lui-même peut avoir des moments magiques. Dans ma carrière, il y a également d’autres compétitions où je me suis autant régalée. Je pense par exemple à la tournée aux Etats-Unis où j’ai battu les Black Ferns (l’équipe de Nouvelle-Zélande, ndlr) pour la première fois et où je me suis éclatée sur le terrain. Chaque année, il y a des belles expériences !
Tu es l’une des buteuses de l’équipe de France et tu as ainsi un rôle clé dans l’équipe. Comment te prépares-tu juste avant de taper une pénalité ?
Cela paraît un exercice simple à faire, mais c’est très compliqué en soi car toute une équipe peut reposer dessus. Un buteur peut-être le sauveur comme celui qui fait perdre l’équipe. C’est vrai que c’est un rôle très important. Il faut passer au-delà de tout ça mentalement, se remobiliser et se focaliser sur le geste technique. J’essaie vraiment de me concentrer sur mon objectif, sur où le ballon doit aller. Si la routine est répétée à la perfection, ça va entre les poteaux. C’est un rôle très compliqué mais il ne faut pas se mettre de pression. Il faut se focaliser uniquement sur le geste technique.
« Une pénalité, c’est 70% mental ! »
Comment te prépares-tu mentalement pour cet exercice ? As-tu un préparateur mental ?
Je n’ai pas de préparateur mental. Je fais un gros travail de discussions avec mon entraîneur. Quand une pénalité est facile, c’est humain de se dire : « pourvu que je ne la rate pas ». Je pense que cette question est la pire chose qui puisse arriver chez un buteur. Dans 80% des cas, si on part dans cette optique-là , on la rate. Pour ma part, je ne garde pas tout ça en moi-même mentalement. Il y a vraiment un échange avec mon entraîneur du XV de France, ce qui est très enrichissant. Une pénalité, c’est 70% mental !
En parallèle du rugby, tu es agricultrice dans une ferme familiale. Comment t’organises-tu pour concilier ces deux métiers ?
C’est un peu complexe au niveau organisation. Je suis au quotidien dans la ferme familiale mais il ne faut pas que j’oublie mon activité principale, qui est le rugby. Je m’organise en fonction de ce que mes préparateurs physiques me demandent pour la journée. J’essaie aussi d’arriver une heure en avance à mes entraînements en club pour travailler techniquement. J’ai deux autres coéquipières de l’équipe de France qui sont dans mon club et je fais de la préparation physique avec elles. Je vis un peu au jour le jour car des choses peuvent se greffer le lendemain ou le jour-même dans le métier de l’agriculture. Il faut être adaptable et modulable !
La Coupe du monde de rugby à XV 2021 a été reportée à l’année prochaine. Comment as-tu vécu ce report ?
Cela a été une grande surprise pour moi. Je ne voyais pas comment cette Coupe du monde pouvait être reportée. J’avais eu des échos comme quoi tout était fait pour garder cette Coupe du monde en Nouvelle-Zélande. Malheureusement, les conditions sanitaires et l’actualité en ont fait autrement. Au début, cela a été compliqué à digérer. En effet, je me levais tous les jours et je faisais tous mes entraînements avec l’objectif d’être la meilleure à cet événement. Cela a été un petit coup de massue. Mais il faut savoir rebondir. La Coupe du monde n’est pas annulée, mais juste reportée d’une année. Je mène beaucoup de choses de front, donc je me dis que certaines choses vont un peu s’atténuer cette année. Je vais me consacrer à être encore plus la meilleure à cette Coupe du monde et à revenir au meilleur de ma forme physique !
Merci beaucoup Jessy et bonne chance pour le tournoi des VI Nations !
La carrière de Jessy Trémoulière en quelques lignes :
Jessy Trémoulière connaît sa première sélection en équipe de France à XV en 2011. En 2014, elle remporte le Grand Chelem et se classe 3e de la Coupe du monde avec l’équipe de France.
Elle évolue en parallèle en rugby à VII. Initialement réserviste, elle participe aux Jeux Olympiques de Rio 2016 en remplaçant une coéquipière blessée après le premier match. La France est éliminée en quarts-de-finale et termine 6e de ces JO.
Sélectionnée pour la Coupe du monde à XV 2017, elle doit déclarer forfait sur blessure. En 2018, elle remporte le Grand Chelem avec les Bleues. A titre individuel, elle est élue meilleure joueuse du monde de l’année en 2018 et meilleure joueuse du monde de la décennie en 2020. Aujourd’hui âgée de 28 ans, Jessy Trémoulière se consacre désormais au rugby à XV et prépare la Coupe du monde, qui a été remportée en 2022.
Participation aux Jeux Olympiques de Rio 2016
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