Interview de Jonathan Lobert
(voile)

Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Londres 2012, Jonathan Lobert va tenter de se qualifier pour ses troisièmes Jeux Olympiques. Il nous explique ses souvenirs de Londres et de Rio ainsi que le challenge élevé pour aller à Tokyo.

Jonathan, tu as remportĂ© la mĂ©daille de bronze du Finn aux Jeux Olympiques de Londres 2012. A l’époque, cette mĂ©daille Ă©tait-elle un objectif clair ou bien une bonne surprise ?

C’était vraiment un objectif car j’étais performant sur le plan d’eau des Jeux. Autant j’étais un peu outsider sur l’ensemble des autres compétitions de la saison, autant j’avais réussi à être sur le podium quasiment à chaque fois sur le plan d’eau des Jeux. L’objectif était donc d’aller décrocher la médaille.

Lors de ces Jeux Olympiques de Londres, tu as remportĂ© la Medal Race et cela t’as permis de monter sur le podium. Peux-tu nous expliquer quel Ă©tait le contexte avant cette course dĂ©cisive ?

En Finn, la compĂ©tition se dĂ©roule sur plusieurs jours. Il y a d’abord cinq jours de compĂ©titions, sur lesquels on additionne les rĂ©sultats. Puis les dix premiers du classement sont retenus et disputent la Medal Race, qui compte double et qui s’additionne Ă  toutes les courses prĂ©cĂ©dentes. J’étais quatrième juste avant cette Medal Race. Je ne pouvais plus terminer ni premier, ni deuxième. J’étais très proche du troisième, mais j’étais Ă  Ă©galitĂ© de points avec le cinquième et avec une faible avance sur le sixième. Je pouvais donc terminer entre la troisième et la sixième place ! Pour ĂŞtre sur le podium, il fallait que je fasse une très belle course et que je sois devant tous ces concurrents.

Raconte-nous comment tu as vécu cette Medal Race de l’intérieur ?

J’ai essayé d’aborder la course le plus simplement possible et de suivre le vent. J’ai attaqué dès le départ, en me décalant sur la droite du plan d’eau. Je ne me suis ensuite quasiment jamais retourné. J’ai pris le lead à partir du deuxième bord et je ne l’ai jamais lâché jusqu’à la fin.

Le concurrent qui Ă©tait troisième avant la course Ă©tait assez loin au dĂ©but. Mais il a ensuite remontĂ© pas mal de places dans le dernier tour et il s’est ainsi retrouvĂ© troisième Ă  l’avant-dernière bouĂ©e. A ce moment-lĂ , je n’avais plus de mĂ©daille. C’était particulier car je savais que j’allais gagner la Medal Race car j’avais un peu d’avance, mais je savais aussi que je n’avais plus de mĂ©daille car il avait rĂ©ussi Ă  remonter suffisamment de places. Or, au passage de la toute dernière bouĂ©e, il a voulu tenter le tout pour le tout pour essayer de doubler le concurrent devant lui. Il a fait une faute sur cette manĹ“uvre : il a touchĂ© l’autre bateau ! Il a ainsi dĂ» faire une pĂ©nalitĂ©, un tour sur lui-mĂŞme, et il a perdu les quelques places qui m’ont permis, alors que j’avais dĂ©jĂ  franchi la ligne d’arrivĂ©e, de remporter le bronze ! C’était donc spĂ©cial comme situation ! Comme quoi, tant que ce n’est pas fini, ce n’est pas fini !

« La magie des Jeux était totale pour moi ! »

De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces premiers Jeux Olympiques ?

En voile, c’est important de bien connaĂ®tre le plan d’eau donc on avait Ă©tĂ© très souvent naviguĂ© Ă  Weymouth. Ce qui m’a frappĂ© quand je suis arrivĂ© sur le site pour les JO, c’est qu’il y avait les anneaux Olympiques partout. L’atmosphère Ă©tait complètement diffĂ©rente de toutes les compĂ©titions qu’on y avait  faites auparavant. On sentait la tension chez les adversaires. D’habitude, on se mĂ©lange un peu mais aux JO, on Ă©tait vraiment par pays et on n’avait presque pas de contact avec les autres.

Gagner une mĂ©daille Olympique n’a rien Ă  voir avec n’importe quelle autre compĂ©tition. En plus, on a eu une chance incroyable car on a eu des conditions parfaites pour la voile avec du vent et du soleil. Ce sont probablement les plus beaux Jeux de l’histoire pour la voile. La magie des Jeux Ă©tait totale pour moi !

Lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, tu as pris la quatorzième place. Avec le recul, comment expliques-tu ce classement dĂ©cevant ?

Les Jeux de Rio ont Ă©tĂ© pour moi une grosse contre-performance. Sur l’ensemble de l’Olympiade, je crois que je n’étais jamais sorti du top 5 sur les Championnats du monde et d’Europe et sur les Coupes du monde. J’avais donc une vraie chance de mĂ©daille. Lors de la deuxième journĂ©e, j’ai gagnĂ© la première manche et j’étais en tĂŞte de la deuxième manche quand le vent a tournĂ©. Au lieu de terminer premier, j’ai terminĂ© huitième. Dans un contexte diffĂ©rent, avec moi de pression, je pense que je l’aurais pris plus tranquillement. En effet, cela arrive en voile et on ne peut pas tout maitriser. Mais j’ai voulu trop forcer pour rattraper mon retard sur les jours d’après. Quand on « surjoue Â», cela ne s’enclenche pas forcĂ©ment comme il faut. Ca a ensuite Ă©tĂ© un peu la spirale infernale jusqu’à la fin de la semaine.

J’ai beaucoup appris de cette expĂ©rience, certainement beaucoup plus qu’à Londres, oĂą tout s’était bien passĂ©. C’était un sentiment mitigĂ© : d’un cĂ´tĂ©, c’était une grosse dĂ©ception, mais d’un autre cĂ´tĂ©, c’était gĂ©nial de participer une deuxième fois aux Jeux.

En voile Olympique, la compĂ©tition dure six jours et il y a deux manches par jour. Cela est-il difficile de rester concentrer sur autant d’épreuves ?

C’est vrai que c’est compliqué parce qu’on peut avoir des conditions extrêmement différentes d’une journée à l’autre et qu’il faut être capable d’être performant sur l’ensemble des six jours. C’est vraiment la moyenne qui fait la différence et il faut essayer de faire moins d’erreurs que ses concurrents. C’est un format auquel on est habitué et on s’entraîne pour cela. C’est très différent des autres épreuves, où il faut être prêt le jour J sur un temps très court.

On a beaucoup réfléchi à faire un format beaucoup plus simple pour le public. Par exemple, on a pensé faire juste une Medal Race, qui déterminerait tout le classement. Mais le problème, c’est que ce n’est pas représentatif de notre sport, où il se passe beaucoup de choses sur une semaine. C’est important de pouvoir juger les compétiteurs sur l’ensemble des différentes conditions.

« Le challenge à Porto est élevé car on sera huit concurrents pour une seule place »

Avec un tel programme, as-tu quand mĂŞme le temps de profiter des Jeux Olympiques ?

Les Jeux durent quinze jours et on est pris en général sur une dizaine de jours. En effet, il y a des jours de réserve au cas-où il y aurait trop ou pas assez de vent. Une fois que les épreuves sont terminées, on peut aller voir d’autres épreuves grâce à notre pass athlète. A Londres, j’ai par exemple eu l’occasion de voir la finale de handball France-Suède ainsi que de la natation, du plongeon et de l’haltérophilie.

Par contre, en voile, on n’est en général pas sur le site des Jeux. Pour les Jeux de Londres, on était à Weymouth. Pour les Jeux de Paris 2024, les épreuves se dérouleront à Marseille. Cela ne facilite donc pas forcément les choses pour aller voir les différentes épreuves.

Tu as Ă©tĂ© vice-champion du monde en 2017, Ă  un point seulement du vainqueur. A l’époque, cela Ă©tait-il une grande satisfaction ou bien un regret d’avoir ratĂ© le titre pour si peu ?

C’est toujours génial de monter sur un podium mondial. Mais sur le coup, j’étais vraiment frustré d’échouer si près du but. J’avais déjà été vice-champion du monde et aussi champion d’Europe. J’avais effectué une très belle semaine. Malgré des conditions très compliquées, j’avais très bien navigué et j’avais été en tête de nombreuses courses. C’était une petite déception d’échouer si près du but.

Tu n’es pas encore sĂ»r d’être sĂ©lectionnĂ© pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Comment va se passer la sĂ©lection ?

La qualification aura lieu sur la première quinzaine de mai, sur les Championnats du monde Ă  Porto. L’enjeu y est simple : il faudra rĂ©cupĂ©rer la dernière place europĂ©enne. On a eu des qualifications auparavant, notamment sur les Championnats du monde 2018. J’étais alors très bien placĂ© pour me qualifier mais un orage est passĂ© sur la dernière course et j’ai cassĂ© mon mât. J’ai donc dĂ» abandonner sur la dernière manche.

Le challenge Ă  Porto est Ă©levĂ© car on sera huit concurrents pour une seule place. C’est très excitant. J’ai vĂ©cu trois campagnes Olympiques et elles ont toutes Ă©tĂ© diffĂ©rentes. Avec le covid-19, le fait d’avoir ce challenge Ă©levĂ© me permet d’avoir une dĂ©termination sans faille tous les jours Ă  l’entraĂ®nement. Alors que si j’avais Ă©tĂ© qualifiĂ© dès 2018, je pense que je serais plutĂ´t dans la position d’attendre que les Jeux arrivent. Je suis quasiment certain que celui qui sortira vainqueur de cette sĂ©lection sera un sĂ©rieux concurrent pour la mĂ©daille d’or Ă  Tokyo !

Tu as actuellement 35 ans. Envisages-tu de participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ?

Les Jeux en France, c’est sĂ»r que c’est un rĂŞve ! Je garde en mĂ©moire l’exemple de l’Anglais Ben Ainslie, avec qui j’ai partagĂ© le podium aux Jeux de Londres 2012. C’est une lĂ©gende de notre sport : il a gagnĂ© quatre mĂ©dailles d’or et une mĂ©daille d’argent en cinq Olympiades ! Et il gagnĂ© sa dernière mĂ©daille d’or chez lui, en Angleterre. Je garde un souvenir Ă©mu de sa rĂ©action quand il a gagnĂ©. On a senti que c’était quelque chose de fort.

Malheureusement, ma catĂ©gorie a Ă©tĂ© supprimĂ©e pour Paris 2024. Aussi, cela fait douze ans que je suis sur le circuit et j’ai des envies d’aller voir et de faire d’autres choses ! Mais si je peux aider des athlètes français Ă  gagner des mĂ©dailles, ce serait avec plaisir !

Merci beaucoup Jonathan et bonne chance pour la qualification Olympique !

La carrière de Jonathan Lobert en quelques lignes :

Pratiquant le Finn, Jonathan Lobert participe à ses premiers Championnats du monde en 2007. Il progresse chaque année aux Championnats du monde et se classe notamment 6e en 2011. Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, il décroche la médaille de bronze après avoir remporté la Medal Race.

Il continue sa progression aux Championnats du monde : classĂ© 5e en 2013 et 4e en 2014, il devient vice-champion du monde en 2015. Lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, il prend la 14e place.

En 2017, il devient champion d’Europe et vice-champion du monde. Il termine 14e en 2018 et 11e en 2019 aux Championnats du monde. Aujourd’hui âgé de 35 ans, Jonathan Lobert va tenter de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo cet été.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques de Londres 2012 et Rio 2016

medaille Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Londres 2012 (Finn)

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