Il y a deux mois, Lara Grangeon a terminé neuvième du 10 km en eau libre des Jeux Olympiques de Tokyo. La médaillée de bronze des Championnats du monde 2019 nous explique comment elle a vécu ses troisièmes Jeux Olympiques, disputés dans le contexte du covid-19.
Lara, tu viens de participer aux Jeux Olympiques de Tokyo, où tu as terminé neuvième du 10 km en eau libre. Avec un peu de recul, es-tu satisfaite de ce résultat ?
Je ne suis pas totalement satisfaite car j’espérais faire mieux. Aux Championnats du monde 2019, j’avais terminé à la quatrième place, à la touche. Quand on est si proche du podium sur un Championnat du monde et qu’il y a les mêmes concurrentes aux Jeux Olympiques, on espère obligatoirement une médaille. C’était mon objectif et je m’étais entraînée pour. Je me sentais forte et capable d’aller chercher cette médaille mais je n’ai pas réussi donc je ne suis pas tout à fait satisfaite.
Le scénario de cette course était-il comme tu te l’étais imaginé ?
C’était une course un peu plus violente que ce que j’avais prévu. Il y a eu pas mal de coups et de filles qui se nageaient dessus. Venant du bassin, c’est quelque chose que je n’ai malheureusement pas su bien maîtriser. Je manquais certainement d’expérience sur ce point-là . C’était un axe que je voulais privilégier après les Championnats du monde 2019, mais le contexte du covid-19 ne me l’a pas permis. En effet, on n’a pas pu faire beaucoup de compétitions entre les Championnats du monde 2019 et les Jeux Olympiques.
La chaleur était très importante à Tokyo. Comment as-tu géré ce paramètre ?
Pendant la course, la chaleur ne m’a pas du tout gênée. Je m’étais préparée à ça. J’avais effectué un gros stage en altitude à Font-Romeu. J’y avais fait de la Thermo Room : une pièce très chaude dans laquelle on peut régler la température et l’humidité. Cela se rapprochait des conditions qu’on a eues à Tokyo. Le stage terminal au Japon nous a également permis de nous acclimater aux conditions météorologiques et à l’humidité. On avait la chance d’avoir un bassin extérieur de 50 m avec de l’eau chaude. En tout, on est resté trois semaines au Japon. Cela nous a permis de bien nous adapter à la chaleur.
« Il y avait certes des contraintes liées au covid-19, mais on était tous tellement heureux que les Jeux Olympiques aient lieu ! »
Les Jeux Olympiques de Tokyo se sont déroulés à huis-clos et avec des règles sanitaires strictes à cause du covid-19. Comment était l’ambiance sur place ?
J’ai trouvé que les Japonais ont vraiment bien réussi à mettre les Jeux en place. Grâce à leur gentillesse, on acceptait d’attendre parfois longtemps, par exemple à l’aéroport. Il y avait certes des contraintes liées au covid-19, mais on était tous tellement heureux que les Jeux Olympiques aient lieu ! Et puis, on était à l’abri de tout risque lié au covid.
Avec les autres nageurs d’eau libre, on était à l’hôtel et non au Village Olympique. On avait fait ce choix car on était un petit groupe et on voulait être sûrs de ne pas avoir le covid. En effet, on ne savait pas comment ça allait se passer au Village Olympique et comment les Japonais allaient organiser ces Jeux. Être au Village Olympique représentait un risque de se faire contaminer. Finalement, il n’y a pas eu beaucoup de contaminations et c’est tant mieux ! On avait des tests tous les jours.
Il y avait une bonne ambiance entre nous et j’ai bien aimé ces Jeux Olympiques, même s’ils étaient loin de ce que j’ai pu ressentir en 2012 ou en 2016. Il n’y avait pas la magie des Jeux Olympiques : le Village, la grande famille, tout le monde encourageant tout le monde, le partage, l’échange qu’on peut ressentir avec l’équipe de France et avec tous les pays… Mais c’était déjà tellement bien qu’ils aient lieu qu’on ne pouvait que se réjouir !
Tu as concouru à Tokyo en eau libre, discipline que tu as commencée après les Jeux Olympiques de Rio 2016. Peux-tu nous expliquer ton choix de basculer de la natation en bassin à l’eau libre ?
En effet, j’ai concouru aux JO 2012 et 2016 en bassin sur 200 m papillon et sur 400 m 4 nages. Je suis passée en eau libre parce que j’étais très déçue en 2016 (élimination en séries, ndlr). Surtout, j’avais le sentiment que je ne pouvais pas faire beaucoup mieux que ce que j’avais réalisé. Quand on fait ce constat, on ne peut pas continuer quatre ans et se donner tous les moyens en sachant qu’on ne peut pas faire mieux qu’une finale !
J’ai donc décidé de changer d’orientation. Je me suis lancée dans l’eau libre car je savais que j’avais des capacités d’endurance et aussi car il y avait une super équipe de France. Aurélie Muller venait d’être championne du monde et Marc-Antoine Olivier venait de remporter une médaille aux Jeux Olympiques. Cela créait une émulation et je me suis dit que j’allais tenter. Mais je ne savais pas trop où je mettais les pieds !
Comment s’est faite l’adaptation à l’eau libre ?
L’adaptation s’est bien faite car il y avait un gros staff, qui m’a donné beaucoup de conseils. J’ai acquis l’expérience grâce au staff. Par exemple, à la fin de la course des Championnats du monde 2019, je me suis placée à la gauche du peloton parce que Frédéric Barale, l’entraîneur de l’équipe de France, m’avait dit la veille : « Lara, si tu te mets à gauche, c’est plus intéressant par rapport à la plaque ». C’est quelque chose que je n’aurais pas du tout pensé toute seule. Le staff m’a permis de m’adapter au mieux aux conditions et à la stratégie individuelle de l’eau libre.
Tu as réalisé de très bons Championnats du monde en 2019, avec la médaille de bronze sur le 25 km et la quatrième place sur le 10 km, qualificative pour les Jeux Olympiques de Tokyo. A l’époque, ces résultats étaient-ils un objectif clair ou bien une bonne surprise ?
C’était un objectif de me qualifier aux Jeux, mais je ne pensais pas faire aussi bien que cette quatrième place. Physiquement et mentalement, j’étais vraiment préparée. Je me sentais en forme. Mais je n’avais pas encore l’expérience et je craignais que la course se joue sur cet aspect. J’avais peur de faire à un moment donné une erreur de trajectoire ou de stratégie. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans une course d’eau libre. Mon objectif était d’être dans le top 10. Si j’avais été dixième, j’aurais déjà été très satisfaite. Être quatrième, c’était encore mieux et c’était donc une bonne surprise !
Ensuite, étant donné que j’avais été quatrième sur le 10 km, je me suis dit que tout était possible sur le 25 km. J’ai osé et j’ai été très actrice, et j’ai ainsi obtenu cette médaille de bronze sur le 25 km !
« Je veux me poser les vraies questions pour savoir si je veux vraiment continuer »
Revenons désormais sur ta carrière en bassins. Tu as participé aux Jeux Olympiques de Londres 2012 et de Rio 2016. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Mon plus beau souvenir reste les Jeux Olympiques 2012 car c’étaient les premiers. Mon rêve devenait réalité. En plus, à cette époque, il y avait vraiment une équipe de France merveilleuse. Il s’agissait des plus beaux résultats de la natation française aux JO. J’étais dans le même appartement que Camille Muffat et Charlotte Bonnet. Camille m’a montré ses médailles (trois médailles dont l’or sur 400 m nage libre, ndlr). Quand on côtoie une championne Olympique, on se dit que c’est possible. Cela fait encore plus rêver.
Même si je n’ai pas fait de supers résultats, je garde de merveilleux souvenirs de ces Jeux Olympiques. J’ai fini ma compétition le premier jour, ce qui m’a permis de profiter, de voir plein de choses et de côtoyer cette équipe de France comprenant tous les sports. Je me souviens notamment avoir été voir la finale de handball hommes. C’était juste merveilleux. Je pense que c’était une vraie étape dans ma carrière. Je me suis dit que ce que je faisais était magique et cela m’a donné encore plus de motivation.
Tu as remporté deux médailles d’argent et quatre médailles de bronze aux Championnats d’Europe en petit bassin entre 2010 et 2017, et tu as notamment disputé la finale du 400 m 4 nages aux Championnats du monde 2015. Quel est le meilleur souvenir de ta carrière en bassin ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs. En 2011, il y avait les Jeux du Pacifique en Nouvelle-Calédonie. J’avais été porte-drapeau et j’avais réalisé de supers Jeux (médaillée sur toutes les courses de natation avec notamment seize médailles d’or, ndlr). C’était chez moi, devant ma famille et mes amis. Ma famille est très importante pour moi, ils viennent me voir partout et c’était génial de partager ces émotions avec elle. Sinon, la qualification pour les Jeux Olympiques de Londres 2012 était aussi magique. Vivre les Jeux était extraordinaire, mais il fallait passer par la qualification avant, et se qualifier était dur !
Tu viens d’avoir 30 ans. As-tu l’intention de continuer ta carrière jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ou bien tu verras année après année ?
Je pensais que les Jeux de Tokyo seraient la fin de ma carrière. Je me sentais forte et capable de décrocher cette médaille. Mais je ne l’ai pas obtenue et je me dis que je n’ai pas atteint tous mes objectifs. Le problème, c’est de savoir si je suis capable de les atteindre ? C’est une réelle question à laquelle je n’ai pas encore répondu. Je veux me poser les vraies questions pour savoir si je veux vraiment continuer. Du coup, j’ai repris les entraînements doucement et toute seule. Aujourd’hui, j’ai bien sûr Paris 2024 dans un coin de ma tête mais je n’ai pas encore défini clairement mes objectifs.
Merci beaucoup Lara pour ta gentillesse et bonne chance pour la suite !
La carrière de Lara Grangeon en quelques lignes :
Lara Grangeon débute sa carrière en bassin et dispute ses premiers Championnats du monde en 2009 (éliminée en séries). En 2010, elle remporte les médailles de bronze sur 200 m 4 nages et sur 400 m 4 nages aux Championnats d’Europe en petit bassin. Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, elle se classe 18e du 400 m 4 nages.
En 2015, elle atteint la finale des Championnats du monde du 400 m 4 nages (8e place) ainsi que la demi-finale du 200 m papillon. Lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, elle termine 22e du 400 m 4 nages et 18e du 200 m papillon. Elle obtient de nouvelles médailles aux Championnats d’Europe en petit bassin (bronze sur 400 m 4 nages et argent sur 200 m papillon en 2015, argent sur 400 m 4 nages et argent sur 200 m papillon en 2017).
Elle poursuit ensuite sa carrière en eau libre. Elle décroche la médaille de bronze du 25 km et se classe 4e du 10 km aux Championnats du monde 2019. Aux Championnats d’Europe, elle obtient sur 25 km le bronze en 2018 et l’argent en 2020. En 2021, elle prend la 9e place des Jeux Olympiques de Tokyo sur le 10 km. Aujourd’hui âgée de 30 ans, Lara Grangeon compte également à son palmarès plus de 30 médailles d’or aux Jeux du Pacifique Sud.
Participations aux Jeux Olympiques de Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020
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