Interview de Louise Guillet
(water-polo)

Louise Guillet Ă©tait la capitaine de l’Ă©quipe de France fĂ©minine de water-polo lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Pour sa première participation aux JO, la France a remportĂ© un match et a failli se qualifier pour les quarts-de-finale. Entretien.

Louise, tu as participĂ© aux Jeux Olympiques de Paris 2024 et il s’agissait de la première participation de l’équipe de France fĂ©minine de water-polo aux JO. Quel Ă©tait ton Ă©tat d’esprit et quel Ă©tait l’objectif de l’équipe en arrivant aux Jeux ?

Pour moi, c’était la consécration d’une carrière et l’objectif final dont je rêvais depuis que je suis petite. J’avais beaucoup d’excitation et l’envie de savoir comment ça allait se passer. Notre objectif était de réaliser le chemin le plus haut possible et de faire parler du water-polo féminin.

Finalement, on a réussi quelque chose de grandiose sur un match, qui a contribué à mettre en lumière le water-polo féminin. Je suis donc assez contente du résultat.

La cérémonie d’ouverture sur la Seine a été un moment marquant de ces JO. Comment l’as-tu vécue ?

C’était fou ! Le seul regret, c’est la pluie. Mais sinon, c’était incroyable. En allant Ă  la cĂ©rĂ©monie, on Ă©tait dans le bus avec les handballeurs et les judokas. On Ă©tait tous des sportifs, mais lĂ  on Ă©tait soudainement tous des amis. On dansait et on chantait ! Je n’avais jamais vu ça !

Quand on a dĂ©filĂ© sur le bateau, franchement, j’en ai vraiment pris plein des yeux ! Il y avait tellement de monde. Je me rappelle voir des gens sur les toits de Paris. Il y avait Teddy Riner et Nikola Karabatic Ă  cĂ´tĂ© de moi. C’est un moment qui restera dans ma tĂŞte pour toujours !

« En vingt ans d’équipe nationale, je n’avais jamais vu l’équipe crier et pleurer autant à la fin d’un match »

L’équipe de France a remportĂ© son deuxième match, contre l’Italie. Peux-tu nous raconter comment tu as vĂ©cu ce match historique de l’intĂ©rieur ?

L’ambiance était détendue avant le match. On n’était pas conscientes qu’on pouvait réaliser cet exploit contre l’Italie. On avait plutôt visé le match contre la Grèce. Je pense que c’est ce qui nous a permis d’effectuer ce match. En tant que capitaine, je voyais les filles confiantes et détendues. Elles ne se posaient pas de question.

Le match a dĂ©butĂ©, et notre gardienne a arrĂŞtĂ© un premier penalty, un deuxième penalty, un troisième penalty… Dans ma tĂŞte, je me suis alors dit : « wouah, on est fortes, les Italiennes vont douter ! Â». C’était serrĂ©. A un moment donnĂ©, on Ă©tait menĂ©es de deux buts et j’ai dĂ©clarĂ© aux filles que tout Ă©tait jouable et que je sentais qu’on allait faire quelque chose. J’ai ensuite marquĂ© le but d’égalisation et j’ai vu le public sauter. Mes coĂ©quipières m’ont alors regardĂ©e et m’ont dit qu’on Ă©tait en train de faire quelque chose. Je leur ai rĂ©pondu : « oui, mais gardez la tĂŞte Â».

Je connais certaines Italiennes et Ă  la fin, j’ai vu qu’elles commençaient Ă  douter. J’étais alors convaincue qu’on allait gagner le match. Elles ne jouaient plus. Elles avaient peur de nous et de notre gardienne. On a jouĂ© sur ça et grâce au public et Ă  nos entraĂ®nements, on a gagnĂ© ! C’était une dĂ©livrance ! En vingt ans d’équipe nationale, je n’avais jamais vu l’équipe crier et pleurer autant Ă  la fin d’un match. On a ensuite vu aussi nos parents pleurer. C’était beau !

C’était une satisfaction Ă©norme car on n’avait auparavant jamais gagnĂ© contre une Ă©quipe du top 8 mondial. Personne n’y croyait avant, mais l’équipe de France fĂ©minine a battu l’Italie ! On a travaillĂ© pendant quatre ans et cela a donnĂ© un rĂ©sultat !

La France n’a malheureusement pas Ă©tĂ© qualifiĂ©e pour les quarts-de-finale, terminant avec le mĂŞme nombre de points que deux autres pays qualifiĂ©s, et avec la particularitĂ© qu’un but encaissĂ© de plus au dernier match aurait Ă©tĂ© synonyme de qualification. On imagine que cela a Ă©tĂ© difficile Ă  digĂ©rer ?

Oui, cela a été très dur sur le coup. On avait effectué un super match contre l’Italie et on méritait notre qualification pour les quarts-de-finale. Le règlement est stupide. Mais je pense aussi qu’on s’est un peu déconcentrées et relâchées après le match contre l’Italie et que ça nous a coûté cette défaite contre la Grèce.

En effet, notre équipe n’avait jamais battu une équipe du top 8. C’était la folie après le match contre l’Italie et je pense qu’on a un peu perdu la tête. On n’avait pas l’expérience de gagner un match comme ça. Cela ne pardonne pas.

Tu Ă©tais la capitaine de l’équipe de France lors de ces JO. As-tu senti que ton rĂ´le Ă©tait plus spĂ©cial sur cette compĂ©tition Ă©tant donnĂ© qu’il s’agissait de la première participation Olympique des l’équipe ?

On avait une Ă©quipe jeune, qui n’avait pas l’habitude de cet Ă©vĂ©nement. J’avais encore plus une mission d’encadrement et d’écoute en cas de problème. C’était plus un rĂ´le de grande sĹ“ur. C’était important d’aider les joueuses et elles pouvaient compter sur moi. Mais cĂ´tĂ© motivation, je n’avais pas grand-chose Ă  dire car elles Ă©taient hyper motivĂ©es !

« Tout le monde était détendu, heureux et prêt à faire la fête ! »

De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Paris ? As-tu eu l’occasion d’aller voir d’autres sports ?

Avant notre élimination, on était enfermées au Village Olympique et on ne pouvait rien faire car on était concentrées sur notre compétition. Ma famille m’avait expliqué que le Club France était génial et je me disais en rigolant que ce serait dommage si on passait les quinze jours au Village. Bien sûr, j’aurais préféré y rester toute la durée des Jeux et avoir une médaille, mais notre élimination nous a permis de profiter de l’ambiance dans Paris et du Club France.

J’ai ainsi vĂ©cu l’expĂ©rience de l’autre cĂ´tĂ©. Je suis allĂ©e voir d’autres sports. L’ambiance Ă©tait gĂ©niale. Je n’avais jamais vu Paris sous cet angle-lĂ  ! Tout le monde Ă©tait dĂ©tendu, heureux et prĂŞt Ă  faire la fĂŞte ! Un soir, quand je suis sortie du club France, les gens Ă©taient en train de chanter dans la rue. Les gens ont oubliĂ© leurs problèmes du quotidien. C’était un grand moment de fĂŞte ! Cet engouement m’a marquĂ© lors de ces JO.

Tu comptes 280 sĂ©lections en Ă©quipe de France entre 2003 et 2024, tu as participĂ© Ă  cinq Championnats du monde et six Championnats d’Europe. Mis Ă  part les Jeux Olympiques, quel est ton meilleur souvenir avec l’équipe de France ?

A l’époque, les conditions de l’équipe nationale féminine n’avaient rien à voir avec maintenant. On avait juste deux entraîneurs et un kiné. Il y a désormais en plus un préparateur physique et un préparateur mental.

Je me rappelle d’une Coupe du monde en 2009 au fin fond de la Russie, Ă  Kirishi. On y a rĂ©alisĂ© un tournoi de fou. Lors de cette Ă©preuve, on a perdu contre l’Italie, la Russie et la Grèce d’un but seulement, et j’ai terminĂ© meilleure buteuse de la Coupe du monde. Je suis la seule Française Ă  qui c’est arrivĂ© dans l’histoire. Et Ă  cĂ´tĂ©, l’ambiance dans l’équipe Ă©tait top. Dans l’hĂ´tel, les gens nous traitaient de fou ! Ce sont des moments de cohĂ©sion en dehors de l’eau comme ça qui m’ont marquĂ©e.

Tu as mis un terme Ă  ta carrière après les JO, Ă  l’âge de 38 ans. Peux-tu nous parler de ta reconversion ?

Depuis septembre, je suis en pĂ©riode de transition. Je suis en train de reprendre l’entreprise de peinture familiale. Mon père va partir Ă  la retraite et je travaille avec lui pour reprendre sa place dans deux ou trois ans. Je change donc complètement de monde : je passe du sport au bâtiment. Mais je garde le cĂ´tĂ© management. Manager des peintres requiert les mĂŞmes compĂ©tences que mon rĂ´le de capitaine avec les joueuses dans l’eau.

J’ai aussi Ă©tĂ© Ă©lue au comitĂ© directeur de la FĂ©dĂ©ration. J’ai envie de contribuer Ă  ce que le water-polo fĂ©minin et le water-polo français en gĂ©nĂ©ral grandissent sur les scènes europĂ©enne et mondiale. Ça me tient aussi Ă  cĹ“ur d’aider les clubs. Si les jeunes ont besoin d’échanger avec moi un jour, je serai lĂ  !

Merci Louise pour cette interview et bonne reconversion !

La carrière de Louise Guillet en quelques lignes :

Louise Guillet est sélectionnée pour la première fois en équipe de France en 2003. Avec les Bleues, elle se classe 15e du Championnat du monde 2003 et 8e du Championnat d’Europe 2008.

Elle participe aux Championnats du monde 2015 (14e), 2017 (11e), 2022 (8e), 2023 (9e) et 2024 (13e) et aux Championnats d’Europe 2014 (7e), 2016 (7e), 2018 (7e), 2020 (7e), 2022 (7e) et 2024 (6e). En club, elle joue en France, en Espagne (championne d’Espagne 2006 et 2008), en Grèce et en Italie.

Elle est la capitaine de l’équipe de France lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Pour la première participation de l’équipe de France fĂ©minine dans l’histoire des JO, les Bleues se classent 9e (une victoire et trois dĂ©faites en poules). Comptant 280 sĂ©lections, Louise Guillet met un terme Ă  sa carrière après les Jeux, Ă  l’âge de 38 ans. Elle travaille dĂ©sormais dans son entreprise familiale, « Guillet Artisan Peintre Â».

drapeau paralympique Participation aux Jeux Olympiques de Paris 2024

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