Médaillé d’argent aux Jeux Paralympiques de Tokyo en 2021, le pongiste Matéo Bohéas a récidivé en remportant la médaille de bronze aux Jeux de Paris 2024. Il nous décrit le contraste entre sa finale à Tokyo sans public et son tournoi à Paris devant 6000 personnes.
Matéo, tu as participé à tes premiers Jeux Paralympiques à Rio en 2016, où tu as atteint les quarts-de-finale en individuel et les demi-finales par équipe. Quels souvenirs gardes-tu de ces premiers Jeux Paralympiques ?
J’en garde deux principaux souvenirs. Le premier souvenir est positif. Il s’agissait de mes premiers Jeux et je découvrais un monde incroyable où tout est fait pour la performance. Cette découverte était assez dingue. Le deuxième souvenir concerne la fin d’aventure et est un peu plus amer. En effet, on a terminé quatrième par équipe et la petite finale ne s’est pas bien passée à la fois avec mon ancien partenaire et avec mon coach de l’époque. Ça s’est mal terminé avec cette « médaille en chocolat ». Mais Rio m’a permis de découvrir et de performer sur les Jeux suivants.
En 2021, tu as remporté la médaille d’argent en individuel des Jeux Paralympiques de Tokyo. On imagine que cela a été spécial de remporter une telle médaille sans public à cause de la pandémie de covid-19 ?
C’était en effet très spécial. Ces Jeux ont été particuliers pour tout le monde mais j’en garde quand même un bon souvenir car il y a eu ma médaille au bout ! Il s’agissait de ma première médaille Paralympique. Aussi, on a la chance d’avoir une équipe de France très soudée. Même s’il n’y avait aucun spectateur, mes partenaires de l’équipe de France et quelques personnalités étaient présentes lors de ma demi-finale et lors de ma finale. Il y avait environ une vingtaine de Français qui faisaient le maximum pour m’encourager. Ça me permettait d’avoir du soutien. Mais c’est sûr que l’ambiance était incomparable avec les Jeux de Paris !
« Au-delà de la médaille, l’expérience était dingue avec ce public incroyable ! »
Tu as remporté la médaille de bronze des Jeux Paralympiques de Paris 2024 en simple et tu as atteint les quarts-de-finale en double hommes. Ces résultats correspondaient-ils à tes objectifs ?
Oui. L’objectif était de remporter une médaille. J’aurais préféré un plus beau métal, mais j’étais déjà très content. Ma plus grande chance de médaille était le simple car j’étais tête de série numéro 3 ou 4. On était outsiders en double hommes. Et on n’avait clairement aucune chance de remporter une médaille en double mixte.
En double hommes, on a eu un bon tirage au sort en quarts-de-finale mais on est vraiment passé à côté de notre match. J’ai donc des regrets. En simple, j’ai réalisé une bonne compétition. J’ai failli me faire sortir en quarts-de-finale mais j’ai réussi à m’en sortir. En demi-finale, je suis tombé contre le numéro 1 mondial, le « GOAT », qui perd très peu. J’ai quand même réussi un bon match, perdu 3-1.
Il y avait aussi la question de comment on allait appréhender de jouer cette compétition à domicile, devant un public nombreux et très bruyant. Je m’en suis plutôt bien sorti. Au-delà de la médaille, l’expérience était dingue avec ce public incroyable !
Tu n’as pas participé à la cérémonie d’ouverture car tu avais deux matchs de double le lendemain. A quel moment as-tu décidé de ne pas y prendre part ?
Cela a été assez simple : j’ai décidé de ne pas y participer dès que j’ai su que je jouais le lendemain. Quand je prends part à une compétition, je vise le résultat. Bien sûr, j’aurais adoré participer à cette cérémonie et aller à la rencontre du public français. Mais ce n’était pas possible. Si le lendemain ne s’était pas bien passé et que j’avais perdu le premier match, je m’en serais voulu d’avoir été à cette cérémonie.
Je ne vais cependant pas cacher que j’ai hésité jusqu’au dernier moment. Quand j’ai vu mes copains se préparer et mettre leurs tenues, j’étais frustré et je voulais aussi y aller. Mais ce sont des choix. Je voulais vraiment faire un résultat à Paris. Par contre, j’ai participé à la cérémonie de clôture et je me suis régalé ! Ça compense un peu !
Peux-tu nous parler de l’engouement très fort du public pendant ces Jeux de Paris ? T’attendais-tu à une telle effervescence pour le tennis de table handisport ?
On s’attendait à un certain engouement car on se doutait que les Jeux en France allaient fonctionner. Je pense que deux choses ont joué dans l’effervescence très forte du public. La première, c’est que les Jeux Olympiques se sont très bien passés et les gens ont eu envie de continuer la fête. Quant aux personnes qui craignaient que les JO se déroulent mal, ils ont constaté que ce n’était pas le cas et ils ont alors voulu assister aux Jeux Paralympiques. La deuxième, c’est que les frères Lebrun ont très bien réussi leur compétition et les gens se sont donc intéressés au tennis de table, et par ricochet aussi un peu au tennis de table handisport. Voir cette salle de 6000 places quasiment pleine à chaque session était quelque chose de grandiose !
A quel moment le support du public français t’a-t-il particulièrement aidé ?
En quarts-de-finale, j’étais mené 2 sets à 1 et 3-0 par un Japonais. Je n’étais donc pas loin de la sortie. J’ai réussi à m’accrocher et le public a été présent pour m’aider. Il a aussi mis une certaine pression à mon adversaire, qui avait 19 ans et participait à ses premiers Jeux. Il n’a pas réussi à gérer. Je m’en suis servi et ça a tourné en ma faveur cette fois-ci. Tant mieux !
« Les gens s’enthousiasmaient des performances et étaient heureux d’être là »
En dehors de ta compétition, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux de Paris ? Tu as pu aller voir d’autres sports ?
Je n’ai pas pu aller voir d’autres sports, car on joue en tennis de table quasiment chaque jour, du premier au dernier.
Je garde en principal souvenir la ferveur du public français et l’atmosphère qu’il y avait, que ce soit dans la salle de tennis de table ou au club France. Les gens s’enthousiasmaient des performances et étaient heureux d’être là . Cela faisait du bien.
Ce qui m’a aussi marqué, c’est la réussite qu’on a eue avec mon partenaire de chambre Lucas Didier, le frère d’Ugo (Ugo Didier a remporté une médaille d’or et deux d’argent en natation lors de ces Jeux Paralympiques de Paris, ndlr). Lucas fait également du tennis de table et il a remporté la médaille d’argent de sa catégorie à Paris. Or, il avait failli arrêter sa carrière il y a quelques années. Dans la chambre, on a donc chacun obtenu une médaille en simple. Je suis content qu’on ait tous les deux réussi nos Jeux. C’était cool de pouvoir partager ça.
Comment as-tu vécu la période d’après les Jeux de Paris ? Certains athlètes parlent d’une période de blues…
J’ai remporté une médaille, donc j’ai été très sollicité pour des bonnes choses. Tout le monde veut voir la médaille ! C’était vraiment cool d’être accueilli « en star » dans pas mal d’endroits. Par exemple, j’ai pu donner le coup d’envoi d’un match du FC Nantes et manger un jour avec les joueurs. En tant que supporter de l’équipe depuis vingt ans, c’étaient vraiment des bons moments !
La vie m’a vite rattrapé. En effet, j’ai eu un bébé en janvier 2024. J’étais souvent absent pendant ses huit premiers mois. Après les Jeux, j’ai pu en profiter. J’ai pu faire plus en balade et jouer plus avec lui. Je n’ai donc pas eu le blues !
Pour finir, quels sont tes prochains objectifs ? Penses-tu déjà aux Jeux Paralympiques de Los Angeles 2028 ?
J’ai décidé de repartir pour quatre ans et d’essayer d’aller jusqu’à Los Angeles. Mes objectifs sont toujours les mêmes : performer et monter sur le podium des grandes compétitions, c’est-à -dire les Jeux et les Championnats d’Europe et du monde. J’espère un jour ramener un titre, car je n’en ai pas pour l’instant. Le numéro 1 mondial prend tout sur son passage !
En 2025, il y a pas mal de modifications sur le circuit mondial. On va apprendre à découvrir ce nouveau circuit. Je vais débuter en mars avec un tournoi en Espagne. Cette année, je vais participer à sept tournois puis terminer par les Championnats d’Europe. Cela va donc être une année assez dense !
Il y a quand même une spécificité à mentionner. J’évolue dans la catégorie la plus basse du handisport et il semblerait que la Fédération internationale veuille élever un peu le handicap minimum. Tous les joueurs de ma catégorie vont ainsi être revus par des médecins. On a très peu d’informations là -dessus, mais ça peut avoir de grosses incidences : si je ne suis plus accepté en handisport, ma carrière sera terminée ! Mais si cela arrive au numéro 1 mondial, cela ouvrirait des perspectives sportives ! On attend de voir !
Merci beaucoup Matéo et bravo pour ta médaille aux Jeux de Paris !
Crédits photo : L’Equipe (photo 1), Alexis Zikria (photo 2) et G.Picout CPSF (photo 3)
La carrière de Matéo Boheas en quelques lignes :
Atteint d’une atrophie de son mollet gauche, Matéo Bohéas participe à ses premiers Jeux Paralympiques à Rio en 2016 et il atteint les quarts-de-finale en individuel et les demi-finales par équipe. Il obtient la médaille d’argent des Championnats d’Europe 2019 en individuel.
En 2021, il remporte la médaille d’argent des Jeux Paralympiques de Tokyo en individuel. Il est en revanche éliminé en quarts-de-finale de la compétition par équipe. Il obtient une médaille de bronze en simple lors des Championnats du monde 2022 et lors des Championnats d’Europe 2023.
Lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024, il décroche la médaille de bronze en individuel. Il est en revanche éliminé en quarts-de-finale du double hommes et en 8e de finale du double mixte. Aujourd’hui âgé de 28 ans, Matéo Bohéas vise les Jeux Paralympiques de Los Angeles 2028.
Participations aux Jeux Paralympiques de Rio 2016, Tokyo 2020 et Paris 2024
Médaillé d’argent aux Jeux Paralympiques de Tokyo 2020 (individuel)
Médaillé de bronze aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 (individuel)
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