Interview de Nicolas Peifer
(handisport)

Il a remportĂ© la mĂ©daille d’or des Jeux Paralympiques de Tokyo en double l’annĂ©e dernière après un scĂ©nario incroyable. Il compte aussi Ă  son palmarès l’or des Jeux de Rio 2016 et l’argent des Jeux de Londres 2012. Nicolas Peifer, spĂ©cialiste du tennis fauteuil, a rĂ©pondu Ă  nos questions.

Nicolas, tu as remportĂ© ta première mĂ©daille Paralympique Ă  Londres en 2012 avec l’argent du double avec FrĂ©dĂ©ric Cattaneo. A l’époque, cette mĂ©daille Ă©tait-elle un objectif clair en arrivant aux Jeux ou bien une bonne surprise ?

A vrai dire, c’était plutĂ´t une surprise. FrĂ©dĂ©ric et moi Ă©tions cinquièmes ou sixièmes dans la hiĂ©rarchie. Mais on espĂ©rait quand mĂŞme faire un bon rĂ©sultat. On a battu en demi-finales les Hollandais, qui Ă©taient les favoris. C’était la paire qui gagnait tous les tournois ! Fred et moi avons rĂ©ussi Ă  renverser la situation. Je me rappelle très bien de la balle de match : Ă  40-15, je rĂ©alise un ace sur le pied de l’adversaire. C’était vraiment incroyable d’avoir battu la meilleure paire du monde ! On n’arrivait pas vraiment Ă  rĂ©aliser qu’on Ă©tait en finale. C’était une surprise.

Tu es devenu champion Paralympique Ă  Rio en 2016 en double avec StĂ©phane Houdet. Le fait d’être tĂŞte de sĂ©rie numĂ©ro 1 et de remporter l’or a dĂ» ĂŞtre un grand moment Ă  vivre ?

Oui. Le fait d’être tĂŞte de sĂ©rie numĂ©ro 1 met la pression car on se dit qu’on n’a pas le droit Ă  l’erreur. On Ă©tait quand mĂŞme assez confiants car StĂ©phane et moi menions le circuit et on gagnait de nombreux tournois ensemble. On savait exactement comment jouer chaque Ă©quipe. On Ă©tait vraiment bien prĂ©parĂ©s pour ça. En finale, on a jouĂ© contre les Anglais, qui Ă©taient les adversaires qui nous faisaient le plus peur. StĂ©phane et moi avons rĂ©ussi Ă  mettre en place le jeu qu’il fallait. On est ainsi allĂ©s chercher la mĂ©daille d’or en dĂ©fendant notre statut de favoris. Ça a Ă©tĂ© un moment vraiment magique et incroyable !

« Remporter ce match après cette dispute et ce score défavorable de 6-0/3-0, c’était magique ! »

Tu as de nouveau remporté la médaille d’or du double avec Stéphane Houdet aux Jeux Paralympiques de Tokyo l’été dernier. Raconte-nous comment tu as vécu cette finale au scénario incroyable ?

Les Jeux de Tokyo ont Ă©tĂ© un peu plus compliquĂ©s. Pendant quelques temps, StĂ©phane et moi n’avons fait que perdre contre la paire anglaise. Ce qui nous a un peu aidĂ©s, c’est qu’on a battu les Anglais en finale lors du dernier tournoi avant les Jeux, au Touquet. Alors qu’on avait dĂ» perdre dix fois d’affilĂ©e contre eux auparavant ! Cela nous a un peu rassurĂ©s.

En finale Ă  Tokyo, on a remportĂ© le premier set. Cela nous a aidĂ©s Ă  nous relâcher, mais peut-ĂŞtre mĂŞme un peu trop car on a ensuite perdu le deuxième set 6-0. Et dans le troisième set, on a Ă©tĂ© menĂ© 3-0 !

En fait, on s’est un peu embrouillĂ©s avec StĂ©phane lors du deuxième set, en particulier lors d’une amortie adverse. Je lui ai dit que j’avais la balle, mais on y est allĂ©s tous les deux. Du coup, personne n’a jouĂ© la balle car chacun a laissĂ© l’autre jouer ! On s’est pris un peu la tĂŞte sur cet Ă©vĂ©nement et ça a commencĂ© Ă  partir un peu dans tous les sens. On s’est mĂŞme insultĂ©s, au point de se dire que chacun allait rester dans son coin et ne s’occuper de rien d’autre. Je me rappelle avoir dit Ă  StĂ©phane : « J’ai l’impression que tu ne veux pas gagner cette finale, tu ne veux pas remporter la mĂ©daille d’or, tu ne fais que regarder les coaches, je ne te sens pas prĂ©sent Â». Il m’a rĂ©pondu : « Tu me dis ça Ă  moi,  c’est toi qui fais n’importe quoi, chacun dans son coin Â». On a donc commencĂ© Ă  rester chacun dans son coin et on a bien vu qu’on n’arrivait pas Ă  revenir. A un moment, StĂ©phane et moi nous sommes pris dans les bras. On s’est tenus la main et on s’est dit : Â« Si on veut vraiment aller chercher l’or, il faut qu’on soit une Ă©quipe et qu’on soit soudĂ©s, on est capables de le faire, on va essayer de donner le maximum de nous-mĂŞmes et de faire ce qu’il faut pour remonter petit Ă  petit ». C’est ce qu’on a fait. C’était vraiment un scĂ©nario incroyable ! Remporter ce match après cette dispute et ce score dĂ©favorable de 6-0/3-0, c’était magique ! A la fin, je me suis vraiment effondrĂ©. Je n’arrivais pas Ă  rĂ©aliser.

Ces Jeux Paralympiques de Tokyo se sont dĂ©roulĂ©s Ă  huis-clos et dans le contexte de la pandĂ©mie du covid-19. Comment as-tu vĂ©cu ces Jeux dans ce contexte aussi spĂ©cial ?

Le fait que ce soit à huis-clos n’a pas changé grand-chose pour moi. En effet, on n’a en général pas de spectateurs quand on fait des tournois à l’étranger. Je pense que ça m’a même bien aidé à me concentrer sur chaque match et sur chaque chose que je devais faire. Je me disais que j’étais vraiment là que pour la compétition et je n’avais pas la tête ailleurs.

Tu as participĂ© Ă  quatre Jeux Paralympiques : PĂ©kin 2008, Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020. Quelle est l’édition qui t’a le plus marquĂ© ?

Au niveau du public et des médias, je pense que ce sont les Jeux de Londres qui m’ont le plus marqué. Ils étaient bien médiatisés. Les Anglais étaient très carrés et faisaient beaucoup de pub. Les gens étaient à fond derrière chaque match. Ils ont mis un coup de boost pour les Jeux Paralympiques suivants.

« La vitesse de jeu a énormément évolué »

Tu fais partie du top 10 mondial depuis plus de 10 ans. Quelle a Ă©tĂ© l’évolution du tennis fauteuil depuis tes dĂ©buts ?

Il y a eu beaucoup d’évolution sur les fauteuils, notamment au niveau du poids. Quand j’ai commencé, les fauteuils faisaient presque 25 kg. Aujourd’hui, le mien fait 9 kg. Il y a donc une vraie différence. Au niveau du jeu, on est beaucoup plus agressifs et plus portés sur l’attaque. Le jeu est moins défensif qu’avant. La vitesse de jeu a énormément évolué.

Tu as remportĂ© tous les tournois du Grand Chelem en double mais tu n’as pas encore remportĂ© de tournoi du Grand Chelem en simple, malgrĂ© plusieurs finales. Cela est-il un grand regret et cela est-il ton principal objectif dĂ©sormais ?

Effectivement, j’ai été en finale de tous les Grands Chelems en simple. Je n’étais pas loin de gagner et je le regrette un peu. Je vais tout faire pour essayer de remporter au moins une fois un Grand Chelem en simple. C’est vraiment l’objectif. Je suis quand même content d’avoir remporté des Grand Chelems en double, mais la victoire en simple est la seule chose qui manque à mon palmarès.

Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 auront lieu dans deux ans. On imagine que c’est une grande motivation mais aussi une grande pression de jouer devant le public français ?

Effectivement, c’est une motivation. Avoir les Jeux en France est quelque chose de génial et de magique. C’est un bonus pour faire évoluer les regards et l’intérêt des médias. Quant à la pression, je ne pense pas que j’en aurais plus que ça. Pour moi, cela reste les Jeux, quel que soit l’endroit. Il va falloir que je sois concentré du début à la fin, comme je l’ai toujours fait sur les Jeux Paralympiques. Le fait que ce soit à Paris et qu’il y ait les supporters français sera un bonus et ça m’encouragera un peu plus !

Merci beaucoup Nicolas pour cette interview et bonne chance pour la suite !

La carrière de Nicolas Peifer en quelques lignes :

Nicolas Peifer évolue en tennis fauteuil et est privé de ses jambes, amputées suite à une maladie à l’âge de 4 ans. Il participe à 17 ans à ses premiers Jeux Paralympiques à Pékin en 2008. En simple, il atteint la finale de l’US Open (2010), de Roland-Garros (2011) et de l’Open d’Australie (2012). En double, il gagne Roland-Garros et l’US Open en double en 2011.

Lors des Jeux Paralympiques de Londres 2012, il remporte la médaille d’argent du double avec Frédéric Cattaneo. Il gagne Wimbledon en 2015 et l’Open d’Australie en 2016, toujours en double. Il remporte la médaille d’or du double des Jeux Paralympiques de Rio 2016 avec Stéphane Houdet. Le duo continue ses performances en obtenant les victoires à Roland-Garros en 2017 et 2018 et à l’Open d’Australie en 2018. Il atteint la finale de l’Open d’Australie en simple en 2017.

En 2021, il devient de nouveau champion Paralympique de double à Tokyo avec Stéphane Houdet. Aujourd’hui âgé de 31 ans, Nicolas Peifer vise les Jeux Paralympiques de Paris 2024.

drapeau olympique Participations aux Jeux Paralympiques de PĂ©kin 2008, Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020

medaille medaille Médaillé d’or aux Jeux Paralympiques de Rio 2016 (double) et Tokyo 2020 (double)

medaille Médaillé d’argent aux Jeux Paralympiques de Londres 2012 (double)

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