Raphaël Poirée a marqué l’histoire du sport français dans les années 2000, en remportant trois médailles Olympiques, huit titres de champion du monde et quatre gros globes de cristal. L’ancien biathlète revient pour nous sur cette riche carrière et ses trois expériences aux Jeux Olympiques.
Raphaël, vous avez participé à vos premiers Jeux Olympiques en 1998 à Nagano, terminant septième du relais et vingt-deuxième de l’individuel. Quels souvenirs gardez-vous de cette première expérience aux JO ?
C’était une très mauvaise expérience mais j’ai énormément appris. J’étais assez jeune et j’étais entre deux générations au sein de l’équipe de France qui comptait des grands noms qui étaient sur la fin comme Patrice Bailly-Salins, qui avait marqué l’histoire avant moi. J’avais gagné ma première course juste avant les Jeux et j’étais donc un outsider sur ces Jeux Olympiques. Mais la neige était vraiment spéciale à Nagano. On n’était pas préparé à ça et c’était mission impossible au niveau de la glisse. J’ai eu de très mauvais résultats.
J’ai énormément appris car je me suis rendu compte que j’étais tout seul. J’ai commencé à me dire qu’il fallait que je m’entoure d’une équipe. Il fallait que j’aille chercher des informations à l’étranger, notamment sur l’entraînement. Cela m’a provoqué une ouverture d’esprit et la conviction qu’il fallait que je m’entoure de gens très professionnels.
Lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002, vous avez remporté la médaille d’argent en poursuite dans un contexte particulier : vous partiez de la neuvième place suite au sprint et vous aviez eu des problèmes de carabine avant la course. Comment avez-vous vécu cette course ?
Quand j’ai pris le départ, j’étais focalisé sur ce que je devais faire. Je suis très content de cette course. Je ne pouvais pas faire mieux. Je n’étais pas au top physiquement car l’épreuve se déroulait en altitude. Or, j’ai toujours eu du mal en altitude, contrairement à un athlète comme Ole Einar Bjorndalen qui y était très fort. J’ai terminé deuxième derrière Bjorndalen, qui était imbattable. Je suis très fier de cette course.
« J’ai rattrapé le Suédois mais j’étais liquéfié, je n’avais plus aucune énergie après »
Quatre jours après, vous avez remporté la médaille de bronze du relais. On imagine que remporter une médaille Olympique avec vos coéquipiers de l’équipe de France a aussi été une grande joie ?
Oui. A chaque fois que j’ai décroché des médailles ou des podiums en relais, c’était vraiment grand pour moi. J’avais tellement l’habitude d’avoir des podiums en individuel que je me focalisais du coup tout de suite sur la course d’après. Mais quand je faisais un relais, je prenais un réel plaisir à regarder mes coéquipiers qui voulaient savourer le moment présent. Ça a été un grand moment à partager.
Lors des Jeux Olympiques de Turin 2006, vous avez remporté la médaille de bronze du relais de quelques centimètres, après avoir notamment compté 13 secondes de retard après le dernier tir. Racontez-nous comment vous avez vécu ce relais de l’intérieur ?
Mal ! Quand je suis sorti du tir couché, je pouvais jouer la deuxième place. Je suis arrivé sur le tir debout et il m’a fallu trois balles de pioches pour faire le plein. J’étais très énervé et je savais que ça allait être vraiment horrible d’être quatrième. J’ai mis énormément d’énergie sur le dernier tour. J’ai rattrapé le Suédois mais j’étais liquéfié, je n’avais plus aucune énergie après. Cela s’est joué sur un sprint où le Suédois a fait une erreur. Il a fait un mauvais pas et cela m’a permis de terminer sur le podium. Heureusement que j’ai terminé troisième ! Sinon, cela aurait été vraiment, vraiment dur !
En 2004, vous avez réalisé des Championnats du monde exceptionnels, avec trois médailles d’or (individuel, sprint et mass-start), une médaille d’argent (poursuite) et une médaille de bronze (relais). Qu’est-ce-qui a fait la différence cette année-là selon vous ?
Quand je suis arrivé sur ces Championnats du monde, j’étais vraiment au top. Mentalement, j’étais aussi très content d’être là . Cela a très bien marché sur cette compétition car j’avais tout un système autour de moi, le « team Poirée », qui était excellent. Il y avait notamment des farteurs norvégiens, et j’avais des contrats avec des marques de fart qui marchaient très bien et dont j’avais l’exclusivité. Mon ex-femme, Liv, était au top (la Norvégienne Liv Grete Skjelbreid, qui a remporté quatre titres de championne du monde sur cette édition 2004, ndlr). J’avais aussi ma fille, Emma, qui avait moins d’un an. Tout était à 100% ! C’est pour ça que ça a marché !
« C’était important pour moi de m’arrêter au top »
Vous avez été au sommet de nombreuses années, avec notamment quatre gros globes de cristal, huit titres de champion du monde et plus de 100 podiums en Coupe du monde. Le fait d’être toujours attendu était-il parfois difficile ?
Non, je l’ai bien vécu. Je suis un montagnard. On est assez humble. Au biathlon, on apprend dès le plus jeune âge le respect de la carabine et des adversaires. Le biathlon est un sport populaire mais qui reste très centré sur une base, qui est la nature. Les gens qui vont voir le biathlon ont aussi beaucoup de respect par rapport à ce qu’on fait. Ce ne sont pas des gens qui sautent sur nous pour nous demander des autographes tout le temps. C’est sûr qu’il y avait de la pression et que j’étais attendu sur chaque course. Mais ça n’a jamais été un souci, car je voulais donner le meilleur de moi-même dans chaque épreuve.
Vous avez arrêté votre carrière en 2007, peu après avoir remporté le titre de champion du monde de l’individuel. Etait-ce une volonté spécifique de vouloir arrêter au plus haut niveau ?
Oui. Depuis que je suis gamin, j’ai toujours eu des idoles qui se sont arrêtées au plus haut niveau. Pour quelqu’un de reconnu ayant effectué une longue carrière, je trouve que c’est triste de finir sur de mauvais résultats pendant une ou deux années. C’était important pour moi de m’arrêter au top et de sentir quand il fallait que je m’arrête. J’aurais pu continuer encore quatre ans sans problème. Mais à l’époque, j’avais déjà deux enfants et je voyageais 265 jours par an. Cela commençait à peser. Au fond de moi, j’avais envie d’être un bon père de famille et j’avais l’impression de ne pas l’être car je voyageais énormément. Et puis, j’en avais assez de préparer mon sac, de partir au même endroit, de parler des mêmes choses, d’aller de l’hôtel au stade… J’étais encore motivé mais je savais au fond de moi qu’il fallait que je m’arrête. Cela a été une décision facile à prendre !
Quelles ont été les principales lignes de votre reconversion et que devenez-vous depuis l’arrêt de votre carrière en 2007 ?
J’ai fait le cursus « classique » d’un athlète quand il arrête sa carrière ! J’ai travaillé pour la télévision et j’ai fait des interventions. J’ai été entraîneur pour l’équipe de Norvège et aussi une année pour l’équipe de Biélorussie. Mais au bout d’un moment, j’en ai eu marre. Je n’avais plus aucune motivation.
Il fallait que je trouve un autre corps de métier. Avec Liv, on a construit un chalet pour les entreprises. C’est moi qui ai piloté le projet de l’idée à la réalisation. Je me suis rendu compte que c’était un métier que j’avais vraiment envie de faire. Je me suis donné huit années pour y arriver. J’ai occupé différents métiers, tous dans le bâtiment, jusqu’à ce que je trouve le boulot que j’ai depuis quatre ans. Je travaille dans une grande société de 550 personnes qui construit notamment des bâtiments et des routes. Je travaille dans le service du marketing !
Merci beaucoup Raphaël pour votre disponibilité et bonne continuation !
Crédits photos : P. Trias (photo 1), L’Equipe (photo 2), AFP (photo 3)
La carrière de Raphaël Poirée en quelques lignes :
Raphaël Poirée dispute sa première épreuve de Coupe du monde en 1995. Il obtient son premier podium en Coupe du monde en janvier 1997 et sa première victoire en janvier 1998. Lors des Jeux Olympiques de Nagano 1998, il termine 7e en relais et 22e en individuel.
Il remporte le classement général de la Coupe du monde en 2000, 2001, 2002 et 2004. Aux Championnats du monde, il remporte en 2000 l’or en mass-start et le bronze en poursuite, en 2001 l’or en mass-start et en relais et l’argent en poursuite, et en 2002 l’or en mass-start. Lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002, il décroche les médailles d’argent en poursuite et de bronze en relais, et termine 9e du sprint et 10e de l’individuel. Il réalise une année 2004 exceptionnelle, remportant trois médailles d’or (individuel, sprint et mass-start), une médaille d’argent (poursuite) et une médaille de bronze (relais) aux Championnats du monde, ainsi que tous les globes de cristal.
Lors des Jeux Olympiques de Turin 2006, il décroche la médaille de bronze en relais et se classe 9e du sprint. Aux Championnats du monde, il remporte en 2005 le bronze en mass-start, en 2006 le bronze en relais mixte et en 2007 l’or en l’individuel, l’argent en relais mixte et le bronze en mass-start. Il décide en 2007 de mettre un terme à sa carrière, marquée par 44 victoires et 103 podiums individuels. Aujourd’hui âgé de 48 ans, Raphaël Poirée travaille dans le service marketing d’une entreprise de BTP en Norvège.
Participations aux Jeux Olympiques de Nagano 1998, Salt Lake City 2002 et Turin 2006
Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002 (poursuite hommes)
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002 (relais hommes) et Turin 2006 (relais hommes)
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