A six mois des Jeux Olympiques de Pékin, nous avons interviewé le skieur de bosses Sacha Theocharis. Il nous explique ses objectifs pour cette nouvelle saison ainsi que son expérience des Jeux Olympiques de Pyeongchang, où il a terminé neuvième.
Sacha, tu as terminé neuvième des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018 en ski de bosses. Raconte-nous comment tu as vécu cette finale de l’intérieur ?
C’étaient mes premiers Jeux Olympiques. Le format de compétition était différent de celui des Coupes du monde et était le suivant : une première qualification avec dix qualifiés, une deuxième qualification avec dix nouveaux qualifiés, puis une finale 1 dans laquelle douze athlètes se qualifient pour la finale 2, et enfin une finale 3 avec six athlètes.
Lors de la finale 1, j’étais content de moi : je pensais avoir fait un super run avec un bon ski et deux bons sauts. Mais les juges m’ont donné une note technique basse. Quand j’ai vu leur note, mon monde s’est un peu écroulé car je pensais que ce score ne me donnait aucune chance d’aller en finale 2. Je suis alors un peu sorti de ma compétition. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que beaucoup de skieurs faisaient plus de fautes aux Jeux Olympiques qu’habituellement. J’ai réalisé au dernier moment que je pourrais être le douzième et dernier qualifié. Je suis alors remonté en haut de la piste.
Sur le télésiège, j’ai compris que j’étais effectivement le dernier qualifié. Quand je suis arrivé en haut, j’ai commencé à déchausser mes skis pour commencer ma routine. En effet, j’ai une routine assez longue pour m’échauffer et me concentrer physiquement et mentalement. A ce moment-là , j’ai vu mon coach qui a commencé à paniquer et m’a demandé de ne pas déchausser. Dans le même temps, j’ai entendu au talkie-walkie de l’organisation : « 30 secondes avant le départ ! ». Je suis donc arrivé au départ en n’étant pas complètement concentré et en n’ayant pas pu faire ma routine. Au milieu de la piste, cela allait vite et j’ai commencé à me demander quel saut je devais faire et si je faisais ou non mon grab. Je me suis alors déconcentré et étant donné la vitesse à laquelle on va au milieu des bosses, je suis sorti. J’ai ainsi terminé neuvième de la finale 2.
A l’époque, ce classement était-il une satisfaction pour tes premiers Jeux Olympiques ?
Non. Ce n’était pas une satisfaction car je pense que je pouvais faire bien mieux que cela. Avec les runs que j’avais réalisés à l’entraînement sur cette piste, je pouvais espérer mieux. Ce que je viens d’expliquer sur le déroulement de cette finale fait que je ne suis pas satisfait !
On m’a toujours dit que les premiers Jeux sont pour l’expérience. J’en retire l’expérience que quoiqu’il arrive, il faut remonter au départ. Pour l’anecdote, je suis remonté au départ à la course d’après et je suis resté à une place de la super finale !
« Quand je suis arrivé au départ des qualifications à Pyeongchang, j’ai vu les anneaux partout »
De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Pyeongchang ?
Avant les Jeux, je disais toujours qu’une piste de bosses, c’est une piste de bosses, qu’on soit aux Jeux ou pas. Je voulais donc aborder les JO comme une course normale. Mais quand je suis arrivé au départ des qualifications à Pyeongchang, j’ai vu les anneaux partout. Cela m’a encore plus motivé à réussir ma descente. Ma plus grande satisfaction est quand je suis arrivé en bas de la piste des qualifications et que j’ai réalisé que j’avais abordé la course comme il le fallait.
Côté bémol, c’était un rythme très important. Il y avait très peu de répit car les transferts étaient assez longs et les horaires d’entraînements variaient chaque jour. C’est donc passé très vite et je n’ai pas vraiment le temps de profiter de ce que je voulais.
Tu as signé ton premier podium en Coupe du monde en janvier 2017 avec la deuxième place à Val Saint-Côme, au Canada. Est-ce le meilleur souvenir de ta carrière à ce jour ?
A l’heure actuelle, oui, c’est mon meilleur souvenir. Je savais que j’avais les qualités pour réaliser un podium mais le contexte était particulier. En mai 2016, je me suis fait écarter de l’équipe de France pour cause de résultats pas assez réguliers. Il y avait des problèmes de budget et les dirigeants ont fait le choix de me laisser un peu sur le côté et de prendre des jeunes à la place. Ils m’ont quand même dit qu’il y aurait des sélections en octobre et que je pouvais être repris en Coupe du monde si je progressais. On était à deux ans des Jeux et j’ai décidé de tenter le coup. J’ai dû trouver des conditions d’entraînement différentes et je me suis entraîné avec l’équipe de Suisse. Ça avait un goût de victoire de faire un podium de Coupe du monde seulement trois épreuves après être être sorti du système ! C’était exceptionnel !
Par contre, quand j’aurais arrêté ma carrière, je pense que mon meilleur souvenir sera d’avoir participé aux Jeux Olympiques.
Lors des Championnats du monde 2017, tu as terminé quatrième en bosses parallèles. Avec le recul, quel sentiment domine : la déception d’être passé près du podium ou la satisfaction d’une belle place d’honneur ?
Pour le coup, c’est l’un de mes moins bons souvenirs. En petite finale, je me suis retrouvé à jouer la médaille contre un Suisse avec lequel je m’entraînais depuis un an. J’étais donc contre l’équipe qui m’avait ressorti la tête de l’eau et m’avait fait reprendre confiance en moi. Dans ma tête, je n’ai pas réussi à faire la part des choses. D’un côté, je voulais monter sur le podium, mais d’un autre côté, je pouvais faire perdre une médaille à l’équipe qui m’avait aidé. C’était très compliqué à gérer. Je pense que je suis quelqu’un de trop gentil. Je reste frustré car être quatrième ne sert à rien. Ce n’est pas un bon souvenir !
« A moi de bien m’entraîner et de réussir mes deux sauts les plus compliqués lors des Jeux Olympiques ! »
Tu as eu des blessures lors de la saison 2018-2019 avec notamment une commotion cérébrale. On imagine que ça a été une période difficile à vivre ?
Entre novembre 2018 et novembre 2019, j’ai eu trois blessures !
En novembre 2018, j’ai eu une commotion cérébrale qui m’a éloigné des pistes pendant un mois et demi. Je me suis ensuite entraîné entre Noël et le jour de l’An. Mais à la Coupe du monde suivante, en janvier 2019 à Calgary au Canada, je suis tombé et j’ai ressenti une douleur comme j’en avais rarement ressentie : je me suis luxé et fracturé l’épaule. Je n’ai pas baissé les bras et deux mois après, j’étais de nouveau au départ pour la fin de saison. J’ai réussi à y faire des résultats honorables, en étant treizième et neuvième en Coupe du monde et en remportant les deux titres de champion de France.
J’ai effectué la préparation physique l’été suivant. En novembre 2019, je suis tombé et je me suis fait un arrachement cartilagineux. La bonne nouvelle après les examens, c’est que je n’avais pas besoin d’une opération immédiate, mais d’une opération après la saison pour retirer le cartilage. J’ai effectué les trois premières courses de la saison en serrant les dents. Après une pause de deux semaines à Noël, j’ai repris la préparation physique. En faisant de la musculation, je me suis rendu compte que le bout de cartilage se baladait et enflammait tout mon genou. Ça m’empêchait de marcher. J’ai quand même terminé la saison huitième mondial mais je n’étais pas du tout à 100% !
Pour couronner le tout, j’ai eu le covid-19 en novembre 2020. J’ai ainsi traîné une méforme tout au long de l’hiver. La saison dernière n’a pas été ma meilleure saison !
Le ski de bosses est une discipline explosive qui se dispute sur des manches de moins de 30 secondes. Peux-tu nous raconter la dernière heure de préparation avant une course ?
D’abord, on s’échauffe. Une fois habillé, on va à la piste. On a alors vingt minutes pour faire une reconnaissance. Après, il y a un petit break durant lequel l’organisateur peaufine la piste. On a ensuite entre 30 et 40 minutes pour faire deux ou trois descentes avant la course. Avant, j’en faisais trois, mais ces dernières saisons, je me limitais à deux à cause de la fatigue. Pour moi, le plus grand défi est surtout mental. Il s’agit de rester dans ma bulle. Je fais beaucoup d’imagerie. Je me répète constamment mes runs ainsi que mes points techniques. J’essaie de me concentrer sur ce que je veux faire !
Cette nouvelle saison est marquée par les Jeux Olympiques de Pékin qui auront lieu en février 2022. Quels sont tes objectifs pour cette nouvelle saison ?
Pour la saison en elle-même, l’objectif est de retrouver du plaisir. L’année dernière, je n’avais pas la forme physique. Il y avait très peu de courses et je n’ai pas réussi à faire ce que je voulais en compétition. Je souhaite retrouver ce sentiment d’aimer courir. Bien sûr, l’objectif est aussi de faire les meilleures courses possibles et d’accrocher quelques podiums. Quant aux Jeux, c’est magnifique d’y participer mais c’est encore mieux d’y remporter une médaille. A moi de bien m’entraîner et de réussir mes deux sauts les plus compliqués lors des Jeux Olympiques !
Merci beaucoup Sacha et bonne chance pour cette nouvelle saison !
La carrière de Sacha Theocharis en quelques lignes :
Sacha Theocharis participe à sa première épreuve de Coupe du monde en décembre 2010. Un an plus tard, il termine 9e de la Coupe du monde de Meribel (en bosses parallèles). Lors des Championnats du monde 2015, il finit 8e.
En janvier 2017, il monte sur le podium de la Coupe du monde de Val Saint-Côme (Canada) grâce à sa 2e place. Cette même année, il se classe 4e en bosses parallèles et 8e en bosses aux Championnats du monde.
Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, il atteint la finale et prend la 9e place. En 2020, il est 4e de la Coupe du monde de Calgary (Canada). Cette année, il termine 9e des Championnats du monde en bosses et 15e en bosses parallèles. Aujourd’hui âgé de 30 ans, Sacha Theocharis vise les Jeux Olympiques de Pékin 2022.
Participation aux Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018
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