Thibaut Fauconnet a Ă©tĂ© la tĂŞte d’affiche du short-track français pendant 10 ans. Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, il Ă©tait en bonne position pour ĂŞtre mĂ©daillĂ© quand son concurrent l’a fait tomber Ă deux tours de l’arrivĂ©e. Il revient pour nous sur ce moment ainsi que sur ses trois participations aux Jeux Olympiques.
Thibaut, tu as participé à tes premiers Jeux Olympiques en 2010 à Vancouver. Quels souvenirs gardes-tu de ces premiers Jeux Olympiques, où tu as notamment terminé cinquième du relais ?
Ce sont les Jeux que j’ai préférés. La finale Olympique du relais était une superbe expérience. Le short-track est un sport individuel mais on s’entraîne en équipe et on a toujours besoin des coéquipiers. A chaque Olympiade, le but était de qualifier le relais. Je n’ai réussi à le faire qu’à Vancouver. J’accorde beaucoup d’importance au fait de s’amuser. Les Jeux Olympiques, comme leur nom l’indique, sont un jeu. Être cinq coéquipiers pendant trois semaines est beaucoup plus rigolo qu’être deux. Cette superbe expérience s’est conclue magnifiquement car on a été en finale Olympique. On ne s’est pas rendu compte sur le coup qu’on faisait quelque chose d’extraordinaire avec les coéquipiers. Être en finale Olympique, ce n’est pas tous les jours ! Malheureusement, on a fini cinquième de cette finale, ce qui ne correspondait pas à nos espoirs. On aurait pu faire un peu mieux sans quelques erreurs. Je dis souvent que les Jeux sont magiques, mais à deux vitesses : ils sont magiques pour ceux qui vont aux Jeux et qui sont contents d’y être, et ils sont magiques pour les médaillés. On était là pour être médaillés mais on ne l’a pas été. En individuel, j’avais de gros objectifs sur le 500 m car j’étais alors dans les meilleurs mondiaux sur la distance. En quarts-de-finale, je suis tombé alors que la course était pliée. Tous mes espoirs se sont alors envolés. Vancouver reste donc une déception, malgré que cela ait été de super Jeux.
Ton année 2010 a aussi été marquée par les Championnats d’Europe, où tu as remporté l’or sur le 3000 m ainsi que l’argent sur le général, le 1000 m et le 1500 m. Considères-tu que cela a été un déclic dans ta carrière ?
Non. Quand tu arrives à ce niveau, c’est que le déclic a déjà eu lieu. Mais c’était une superbe année. D’une, car on découvrait l’entraînement avec un nouveau staff qui était coréen. De deux, car c’était génial de remporter autant de titres. Cependant, j’ai toujours gardé la tête froide. Je savais qu’il y a des moments fastes où tu vas monter très haut et des moments où tu vas descendre très bas.
Peux-tu nous parler de cette expérience avec le staff sud-coréen ?
Nos coaches étaient vraiment biens. C’était une superbe expérience, mais qui a été à double-tranchant. En 2010 et en 2011, on a découvert l’entraînement avec eux et le niveau a vite monté. Mais on a ensuite stagné parce qu’on n’a pas réussi à se renouveler. On n’avait pas de manager pour tenir une stratégie d’équipe sur l’année entière. Il y avait aussi un choc culturel. J’imagine, en tant que Français, être catapulté tout seul au fin fond de la Corée en tant qu’entraîneur et être en charge de tout, sans parler la langue ! Cela doit être très compliqué ! C’est ce qui s’est passé pour nos coaches coréens en France.
« Après ma dernière course aux Jeux, je me rappelle avoir dormi 17 heures d’affilée ! »
Lors des Jeux Olympiques de Sotchi 2014, tu faisais partie des meilleurs mondiaux mais ta meilleure place a été une demi-finale sur le 1500 m. Le statut de potentiel médaillable a-t-il été difficile à porter ?
Non, pas du tout. Ce qui s’est passé à Sotchi, c’est que je suis arrivé complètement hors de forme. Les Jeux commençaient début février, mais tout le monde savait dès mi-janvier que les Jeux étaient finis pour moi. On a payé l’effet inverse de l’entraînement avec les Coréens. On en avait trop fait. On pouvait toujours m’en demander plus à l’entraînement, mais je l’ai payé à un moment. Comme je l’ai expliqué, on n’a pas su se renouveler.
Les Jeux de Sotchi ont ainsi été complètement ratés. J’étais livide. J’étais dans les meilleurs mondiaux mais je suis complètement passé à côté. Après ma dernière course aux Jeux, je me rappelle avoir dormi 17 heures d’affilée ! J’étais complètement cuit ! A Sotchi, je visais le 1000 m, sur lequel j’étais dans le top mondial. Première course, premier pas : mon concurrent est parti et a marché sur ma lame sans faire exprès. Je suis tombé mais je n’ai pas été repêché par les juges. Ce n’était même pas lié à ma fatigue mais je devais rentrer à la maison. Les Jeux de Sotchi ont été une catastrophe de A à Z !
Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, tu jouais la médaille en finale du 1500 m lorsqu’un Coréen t’a fait tomber à deux tours de l’arrivée. Raconte-nous comment tu as vécu cette finale de l’intérieur ?
Mon objectif à Pyeongchang était le 1500 m. Je me disais que les Jeux seraient réussis si j’allais en finale. C’était un travail de longue haleine, préparé depuis le début de la saison. J’avais couru toutes les courses de 1500 m de la saison de façon différente afin de pouvoir aborder les Jeux de la manière que je voulais : en étant en queue de peloton, tout en faisant stresser mes concurrents devant car ils connaissaient mon niveau. Je savais que les courses aux Jeux étaient très nerveuses et je ne voulais pas faire partie des gens nerveux qui finissent dans le mur ou disqualifiés. Finalement, tout s’est bien passé mais j’ai quand même fini dans le mur !
Je me souviendrai de cette journée toute ma vie. Tout se passait bien. On était neuf concurrents en finale, ce qui est beaucoup, dont trois Coréens qu’on était obligés de surveiller. Mais comme les Jeux étaient en Corée, cela criait très fort dès qu’un Coréen bougeait une moustache et il suffisait d’écouter pour le savoir ! Il y a avait une ambiance de dingue dans les tribunes. On devait être à 120% de la capacité d’accueil de la patinoire lors de la finale du 1500 m ! Ce n’était pas très conforme pour la sécurité, mais c’était génial pour le spectacle !
Pendant la finale, tout se passait bien et je gérais bien ma course. On arrivait à deux tours de l’arrivée. Les mecs derrière moi avaient tous déjà travaillé et ils ne pouvaient plus revenir. En effet, à part certains Coréens au-dessus du lot, on a en gros une seule chance de faire une bonne action pendant la course aux Jeux Olympiques. Si on fait une mauvaise action, la course est finie. J’étais là où je le voulais. J’étais quatrième et je savais que ça allait passer car le Coréen devant moi tremblait de partout. A ce moment-là , je savais honnêtement que la première place était impossible à aller chercher en deux tours. Je visais ainsi la troisième ou la deuxième place. Et le Coréen qui était devant moi a alors fait un truc qui n’arrive jamais : il a planté sa lame, il est tombé, son patin a remonté et je l’ai pris en plein visage ! C’était fini ! Mais c’était une superbe expérience !
« J’étais quatrième et je savais que ça allait passer car le Coréen devant moi tremblait de partout »
On imagine que ce coup du sort a été difficile à digérer ? As-tu mis longtemps à t’en remettre ?
Je m’en suis remis beaucoup plus rapidement que de l’échec de Sotchi ou que de la cinquième place de Vancouver. C’était quand même une réussite ! J’ai eu le record de longévité de la photo en couverture de la page Facebook de la FFL (Fédération Française de la Lose, ndlr). C’était la lose, mais c’était presque la victoire. Le mec qui est juste mauvais, il n’est pas là . J’étais là parce que j’étais bon et qu’un truc de fou s’est passé ! Je n’ai pas eu à digérer. Cela s’est fait assez facilement.
Le short-track est le sport roi en Corée du Sud. Concourir devant le public coréen aux Jeux Olympiques de Pyeongchang a dû être un moment fort ?
Les Jeux en Corée du Sud pour le short-track, c’était génial ! Les spectateurs coréens ont fait beaucoup de bruit. Par contre, cela a été une catastrophe pour le biathlon. Je garde tout de même les Jeux de Vancouver en numéro 1. Les spectateurs nord-américains étaient encore plus expressifs et plus démonstratifs. En dehors de la patinoire, c’était plus la fête à Vancouver qu’à Pyeongchang. A Vancouver, je me souviens que les gens faisaient tellement la fête que l’armée américaine avait été obligée de déployer des hôpitaux militaires pour gérer les personnes. A Pyeongchang, les gens étaient plus responsables. C’était un peu moins la fiesta et un peu moins magique. Mais c’était super et bien mieux qu’à Sotchi, qui était une ville sans aucune culture sportive et où c’était triste.
Tu as été la tête d’affiche du short-track français pendant de très nombreuses années. Depuis tes débuts en équipe de France, quelles ont été selon toi les grandes évolutions du short-track en France ?
Malheureusement, on a un peu tourné en rond en France. J’aurais souhaité que cela évolue plus. C’est un peu décevant de voir qu’on en est un peu au même point aujourd’hui et il y a dix ans. Par contre, il y a eu de grosses évolutions sur les conditions d’entraînement. En 2010, la Fédération a mis en place un centre à Font-Romeu. On a pu avoir une patinoire quasiment dédiée au short-track et on a pu s’entraîner à des heures cohérentes, entre 10h et midi et entre 15h et 17h. C’était une grosse évolution et cela nous a permis d’avoir ces résultats pendant dix ans. Quand j’ai commencé en 2000, c’était du bricolage : chacun s’entraînait dans son club sur des patinoires qui n’étaient pas aux dimensions Olympiques.
Tu as mis un terme à ta carrière en 2019, pour devenir l’entraîneur numéro 2 de l’équipe des Etats-Unis. Comment s’est passée cette première année en tant qu’entraîneur ?
Cette première année en tant qu’entraîneur a été super. J’avais déjà entraîné à plusieurs niveaux, mais bien sûr jamais une équipe Olympique. C’était génial de découvrir le mode de fonctionnement américain. Les leviers et les freins y sont différents. Je me suis rendu compte que mon expérience et mon côté perfectionniste pouvaient apporter beaucoup aux athlètes. Certains ont été très réceptifs, d’autres un peu moins. C’est comme tout : on a un mode de communication qui fonctionne plus avec certains qu’avec d’autres. J’ai aussi appris cela. C’est une superbe expérience avec une superbe équipe.
Ils m’ont proposé le poste quand je me tâtais à arrêter ma carrière. Le timing était bon. Mais ce n’est pas évident d’arrêter. Il faut savoir ne pas reprendre, alors qu’on en a toujours un peu envie !
Merci beaucoup Thibaut et bonne continuation pour la suite !
La carrière de Thibaut Fauconnet en quelques lignes :
Thibaut Fauconnet remporte des médailles aux Championnats d’Europe avec le bronze sur 1000 m en 2006, l’or sur 500 m en 2007 et le bronze en relais en 2008. Il participe aux Jeux Olympiques de Vancouver 2010 et termine notamment 5e en relais. En 2010, il remporte une médaille d’or (3000 m) et trois d’argent (1000 m, 1500 m et général) aux Championnats d’Europe.
Lors de la saison 2010-2011, il remporte trois épreuves de Coupe du monde : le 1000 m à Montréal, le 1000 m à Québec et le 500 m à Dresde. Lors des Jeux Olympiques de Sotchi 2014, il est demi-finaliste du 1500 m. En 2017, il remporte le 1000 m de la Coupe du monde de Dresde.
Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, il atteint la finale du 1500 m mais chute à cause d’un concurrent alors qu’il était placé pour la médaille. Il met un terme à sa carrière en 2019. Aujourd’hui âgé de 35 ans, Thibaut Fauconnet est entraîneur numéro 2 de l’équipe des Etats-Unis.
Participations aux Jeux Olympiques de Vancouver 2010, Sotchi 2014 et Pyeongchang 2018
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